Le groupe des hommes puissants avait perdu toute sa superbe. Ils arpentaient le hall comme des lions en cage, leurs costumes de luxe semblant soudainement déplacés. L'un d'eux, l'industriel, s'était assis dans un coin et rédigeait quelque chose sur un carnet, le visage défait. Une lettre d'adieu, peut-être. La peur est un grand niveleur. Elle efface les comptes en banque et les titres ronflants.
L'attente était une torture. Chaque coup de vent plus fort, chaque craquement du bâtiment les faisait sursauter. L'espoir que j'avais semé commençait à s'effriter, remplacé par une angoisse sourde.
Chloé a été la première à craquer. Elle s'est mise à sangloter, ses larmes faisant couler son mascara parfait.
« On va mourir ici ! J'ai froid, j'ai faim, et tout ça c'est de ta faute ! » a-t-elle crié en se tournant vers Alexandre.
Mais cette fois, le groupe ne l'a pas suivie. Leurs regards se sont tournés vers elle avec une hostilité froide.
« C'est plutôt de la tienne, petite idiote ! » a lancé un des pères. « Si vous n'aviez pas embarqué votre fils dans cette sale histoire, on ne serait pas là ! »
« Exactement ! » a renchéri un autre. « C'est à cause de votre arrogance que nous sommes tous piégés ! »
La meute se retournait contre l'un des siens. Alexandre a essayé de la défendre, mais sa voix manquait de conviction. Il était aussi effrayé que les autres.
Finalement, incapable de supporter la tension plus longtemps, il s'est planté devant moi. Son visage était tordu par la peur et la rage.
« C'est un jeu pour vous, n'est-ce pas ? Votre hélicoptère... il n'existe pas, c'est ça ? Vous nous avez menti pour nous voir souffrir ! »
Je l'ai regardé, sans ciller. Mon calme semblait le rendre encore plus fou.
« Pourquoi ferais-je ça, Alexandre ? » ai-je demandé d'une voix neutre. « Vous laisser mourir ici ne ramènera pas mon frère. »
Ma réponse l'a laissé sans voix. Il ne pouvait pas comprendre. La vengeance pure ne faisait pas partie de son univers. Pour lui, tout était une question de pouvoir et de gain.
C'est à ce moment précis qu'un son a percé le bruit de la tempête. Un son lourd, rythmé, qui se rapprochait. Un vrombissement.
Un hélicoptère.
Tout le monde s'est figé. Puis, ce fut l'explosion de joie. Des cris, des rires nerveux. Ils se sont précipités vers les grandes baies vitrées. Dans le tourbillon de neige, une lumière puissante est apparue, balayant le sol. Un hélicoptère de secours, rouge et blanc, se posait avec une précision incroyable sur le tarmac balayé par les vents.
C'était une vision presque divine. Le salut venu du ciel.
Ils ont couru vers la sortie du terminal privé, se bousculant presque. Le personnel de l'aéroport, alerté, leur a ouvert la porte. Un vent glacial et des flocons de neige se sont engouffrés à l'intérieur.
Je les ai suivis, marchant lentement.
L'industriel corpulent s'est arrêté devant moi, le visage marqué par l'émotion.
« Mademoiselle Dubois... Je... je suis désolé. Pour tout. Pour les menaces, pour le comportement de mon fils. Vous nous avez sauvé la vie. Je vous jure que dès que nous serons sortis d'ici, je ferai tout pour que la vérité soit faite sur votre frère. »
Les autres ont murmuré des excuses similaires, des promesses de rédemption. Ils me regardaient avec un respect nouveau, teinté de honte.
J'ai hoché la tête, acceptant leurs excuses sans un mot. La gratitude d'un homme au bord de la mort est sincère, mais elle est aussi volatile que la météo en montagne.
Le pilote, un homme au visage buriné par le vent et le soleil, a sauté de l'appareil et a couru vers nous, criant pour couvrir le bruit des pales.
« Dépêchez-vous ! L'accalmie ne va pas durer ! Je ne peux pas prendre tout le monde en une fois ! Cinq personnes maximum, plus moi ! Pas une de plus ! »
L'euphorie a laissé place à une nouvelle tension. Qui allait partir en premier ?
Je me suis approchée du pilote. « Ils partent en premier. C'est le marché. »
Les hommes, soulagés, ont commencé à monter à bord, s'entraidant. L'hélicoptère s'est vite rempli. Il ne restait plus qu'une place.
Alexandre et Chloé se sont précipités vers la porte.
Je me suis mise en travers de leur chemin. Ma voix était calme, mais elle portait plus que le bruit du rotor.
« Attendez. »
Alexandre m'a regardé avec impatience. « Qu'est-ce qu'il y a encore ? Il n'y a plus de temps à perdre ! »
« Le pilote a été clair, » ai-je dit en les regardant tour à tour. « Une seule place. Il ne reste qu'une seule place. »
Leurs sourires se sont effacés. Ils se sont regardés, puis m'ont regardée. La réalité de la situation venait de les frapper en plein visage. Le jeu était terminé. Un choix devait être fait.