Adieu, Doux Mirages
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Chapitre 4

Les jours qui suivirent furent étrangement calmes. Marc et Chloé évitèrent le sujet du perroquet. Ils faisaient semblant de respecter ma décision. La cage avait disparu du salon, tout comme le sinistre perchoir. Marc était devenu un mari modèle, attentionné, me couvrant de petites attentions, espérant sans doute m'endormir à nouveau avec sa fausse gentillesse.

Je n'étais pas dupe.

Chaque soir, quand il pensait que je dormais, je l'entendais se glisser hors du lit. Je savais où il allait. Au fond du jardin, dans la vieille cabane à outils. C'est là qu'ils avaient caché le perroquet. Je les avais suivis une nuit, me dissimulant dans l'ombre, et je les avais entendus murmurer à l'oiseau, le rassurant que son exil était temporaire.

Mon plan de vengeance prenait forme dans mon esprit. Il ne suffisait pas de les arrêter. Je devais les détruire. Utiliser leurs propres armes contre eux. Anéantir leur rêve de "famille parfaite" de la manière la plus cruelle et la plus ironique possible.

Leur plan reposait sur un rituel, un collier et une âme. Mon plan aussi.

Je commençai mes préparatifs. Sous prétexte d'un nouveau hobby, la création de bijoux, je commandai divers matériaux en ligne. Parmi eux, une poudre spéciale, utilisée pour le marquage des animaux sauvages. Inoffensive, mais extrêmement tenace. Une poudre qui, au contact de la peau ou des plumes et exposée à l'air, développait une couleur vert vomi et une odeur nauséabonde.

Un après-midi, alors que Marc était au bureau et Chloé absente, je mis mon plan à exécution. Je me rendis à la cabane de jardin. Le perroquet était là, dans sa cage. Quand il me vit, il se mit à siffler et à battre des ailes, furieux.

« Bonjour, Sophie, » murmurai-je avec un sourire cruel. « J'ai un petit cadeau pour toi. »

J'avais mélangé la poudre à ses graines préférées. Je remplis sa mangeoire. Affamé et stupide, l'oiseau se jeta dessus et dévora tout.

Je n'eus pas à attendre longtemps pour voir les effets.

Le soir même, quand Marc rentra, il alla directement à la cabane. Je l'observais depuis la fenêtre de la cuisine. Je le vis ouvrir la porte de la cabane et reculer, horrifié.

Quelques minutes plus tard, il entra dans la maison, le visage blême.

« Jeanne, est-ce que tu es allée dans la cabane de jardin ? »

« Non, pourquoi ? » demandai-je innocemment en préparant le dîner.

« Pour rien. »

Mais je savais qu'il mentait. Le lendemain, Chloé est venue en catastrophe. Ils ont passé une heure dans la cabane. J'imaginais leur panique. Leur précieuse Sophie, l'âme de leur amour, était en train de se transformer en une créature immonde et malodorante.

Au bout de quelques jours, l'effet était spectaculaire. Les plumes du perroquet avaient pris une teinte verdâtre et maladive. Certaines commençaient même à tomber par plaques. Et l'odeur... une odeur aigre qui flottait autour de la cabane.

Marc était devenu nerveux, irritable. Il passait de plus en plus de temps à essayer de "soigner" l'oiseau, achetant des vitamines, des shampoings spéciaux, sans aucun résultat. La poudre était conçue pour durer des semaines.

Il devint hyper-protecteur. Il installa un nouveau cadenas sur la cabane. Il me surveillait, suspicieux. Il savait que j'étais derrière tout ça, mais il ne pouvait rien prouver. Et il ne pouvait rien dire sans révéler qu'il m'avait menti et avait gardé l'oiseau.

Un soir, je décidai d'enfoncer le clou.

Je savais que Marc et Chloé devaient sortir pour un dîner de famille auquel je n'avais pas voulu assister. Dès qu'ils furent partis, je pris le double des clés de la cabane que j'avais fait faire.

J'entrai. L'odeur était écœurante. Le perroquet, déplumé et verdâtre, était perché, l'air misérable.

Je ne lui prêtai aucune attention.

Sur une petite étagère, il y avait quelques objets que Marc avait apportés pour "Sophie". Une petite boîte à musique qui lui avait appartenu, quelques photos d'elle... et une robe de bébé. Une minuscule robe blanche. Destinée à Léo.

Mon regard se porta sur un autre objet. Un album photo. Je l'ouvris. C'étaient des photos de moi. Des photos que Marc avait prises au fil de notre mariage. Des photos où je souriais, heureuse et ignorante.

La rage monta en moi, pure et brûlante.

Le perroquet se mit à crier en me voyant toucher l'album.

Je tournai la tête vers lui, un sourire mauvais sur les lèvres.

Lentement, méthodiquement, je commençai à arracher les photos, une par une. Je les déchiquetais en petits morceaux que je jetais sur le sol crasseux de la cabane.

Le perroquet devint fou. Il se jetait contre les barreaux de sa cage, criant des insultes.

« Salope ! » « Tu vas payer ! »

Sa voix était celle de Sophie, pleine de haine.

J'ai ri.

« Tu n'as encore rien vu, » dis-je aux restes de photos à mes pieds.

Je laissai le désordre bien en évidence et je refermai la porte à clé.

Quand Marc rentrerait, il trouverait son sanctuaire profané. Il comprendrait que je ne jouais plus. Je ne me contentais plus de me défendre.

J'attaquais.

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