« J'ai dit, » répétai-je, articulant chaque mot. « Que ce perroquet doit partir de cette maison. Aujourd'hui. »
Chloé laissa échapper un petit rire nerveux.
« Jeanne, on en a déjà parlé. Tu exagères. »
« Je n'exagère pas. Je ne veux plus de cet animal ici. Il détruit mes affaires, il est agressif et sa présence me dérange. Soit il part, soit c'est moi qui pars. »
Marc se leva, son visage se durcissant. Il n'aimait pas qu'on lui tienne tête.
« Tu ne peux pas être sérieuse. C'est un cadeau d'anniversaire ! »
« Un cadeau que je ne veux pas. Tu peux le ramener à l'animalerie, le donner à quelqu'un, je m'en fiche. Mais il ne passe pas une nuit de plus sous ce toit. »
Mon ton était sans appel. Ils me regardaient, choqués par ce changement soudain. La Jeanne docile et accommodante avait disparu.
« On en reparlera ce soir, » dit Marc, essayant de clore la discussion. « Tu es simplement de mauvaise humeur. »
« Non. On en parle maintenant. »
Il savait qu'il ne pouvait pas se débarrasser de l'oiseau. C'était le vaisseau de l'âme de Sophie. Le plan entier en dépendait.
« Écoute, chérie, » commença-t-il d'un ton faussement conciliant. « Laisse-lui une chance. Juste quelques jours. Pour moi. »
Je savais qu'il essayait de gagner du temps. Leur troisième anniversaire, la date fatidique du rituel, approchait à grands pas. Ils n'avaient besoin que de quelques semaines.
« Non. »
Soudain, le perroquet, comme s'il comprenait que sa place était menacée, s'envola du perchoir. Il ne vint pas vers moi cette fois. Il vola vers le buffet où était posée notre photo de mariage dans un cadre en argent, un cadeau de mes parents.
Il se posa sur le cadre et commença à le picorer violemment, visant mon visage sur la photo.
Clac. Clac. Clac. Le bruit du bec contre le verre était insupportable.
Dans ma vie précédente, j'aurais crié, j'aurais pleuré.
Cette fois, je n'ai pas bougé.
Lentement, j'ai attrapé le lourd vase en cristal qui se trouvait sur la table basse. Je l'ai soulevé.
« Arrête-le, Marc. Ou je l'arrête moi-même. »
Mes yeux étaient fixés sur l'oiseau. Ma prise sur le vase était ferme. J'étais prête à le lancer.
Marc et Chloé me regardèrent, horrifiés. Pas par la menace envers l'oiseau, mais par ma réaction. Par la violence froide qui émanait de moi.
« Jeanne ! Pose ça tout de suite ! » cria Marc, se précipitant pour récupérer le perroquet.
L'oiseau siffla et retourna sur son perchoir, comme un roi retournant sur son trône.
Marc se tourna vers moi, le visage décomposé par la colère et, pour la première fois, une pointe d'incertitude.
« Tu es devenue folle ou quoi ? Tu allais tuer un animal innocent ! »
« Innocent ? » Je ris. Un rire sec, sans joie. « Cet oiseau est tout sauf innocent. Et toi, Marc, tu le sais mieux que personne. »
Chloé intervint, jouant la carte de l'amie inquiète.
« Jeanne, s'il te plaît, calme-toi. Tu nous fais peur. Ce n'est qu'un oiseau. Pourquoi est-ce que ça te met dans un état pareil ? »
« Parce que je ne suis plus aveugle, Chloé. » Je la regardai droit dans les yeux. « Je vois clair dans votre jeu, à tous les deux. »
Leurs visages se figèrent. Un instant de panique pure passa dans leurs yeux avant qu'ils ne se reprennent.
« Je ne sais pas de quoi tu parles, » dit Marc, la voix tendue.
« Parfait. Alors mon choix est fait. »
Je posai le vase et les regardai tour à tour.
« Je veux le divorce. »
Le mot tomba dans la pièce comme une bombe. Marc blêmit. Le divorce. C'était la fin de son plan. La fin de son accès à ma fortune. La fin de son rêve de réunir sa "vraie" famille dans ma maison.
« Tu... tu ne le penses pas, » balbutia-t-il.
« Oh si. Je n'ai jamais été aussi sérieuse de ma vie. Je vais appeler mon avocat aujourd'hui. Sauf... »
Je marquai une pause, savourant sa panique.
« Sauf si cet oiseau disparaît de ma vue avant ce soir. »
C'était un ultimatum.
Chloé le regarda, paniquée. Leur plan était en train de s'effondrer.
Marc me dévisagea, ses yeux lançant des éclairs. Il était piégé. Il ne pouvait pas se débarrasser du perroquet, mais il ne pouvait pas non plus me laisser demander le divorce. Il avait besoin de temps.
Finalement, il baissa les yeux, vaincu. Pour l'instant.
« D'accord. » sa voix était à peine un murmure. « D'accord. Je vais... je vais trouver une solution. Je vais l'amener chez Chloé pour quelques temps. »
Chloé hocha vivement la tête.
« Oui, bien sûr. Je peux le garder. Le temps que tu te calmes, Jeanne. »
Je savais que c'était un mensonge. Ils n'allaient pas l'éloigner. Ils allaient juste le cacher quelque part dans la maison, attendre que je baisse ma garde.
Mais pour aujourd'hui, j'avais gagné la bataille.
« Bien. J'attends de voir. »
Je leur tournai le dos et montai dans ma chambre, laissant derrière moi deux conspirateurs désemparés. Ils pensaient pouvoir me briser. Ils ne savaient pas qu'ils venaient de créer un monstre. Le jeu avait changé de niveau. Et j'étais prête pour le prochain coup.
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