L'Héritage Brisée d'Hélène
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Chapitre 3

Le soir venu, Hélène se prépara pour le dîner. Elle choisit une robe simple, élégante, mais se sentait comme une actrice enfilant un costume. Chaque geste était calculé. Elle devait paraître soumise, revenue à la raison.

Marc arriva pour la chercher, accompagné de Chloé. Encore elle. Hélène serra les dents mais garda un visage neutre.

« Tu es enfin raisonnable, » dit Marc en la voyant, sans un mot sur sa tenue. « J'ai eu peur que tu gâches tout avec tes enfantillages. »

Il parlait de la veille, de son cœur brisé, comme d'un "enfantillage".

« Chloé vient avec nous, » annonça-t-il comme si c'était une évidence. « Elle connaît bien l'un des investisseurs, ça nous aidera. »

Hélène ne répondit pas. Elle prit son sac, dans lequel elle avait glissé un carnet de notes anodin de son père, et les suivit jusqu'à la voiture. Le trajet se fit dans un silence tendu. Marc et Chloé parlaient affaires, l'ignorant complètement.

Le restaurant était luxueux, le genre d'endroit tape-à-l'œil que Marc adorait. Les investisseurs étaient déjà là, deux hommes d'âge mûr au sourire carnassier. Les présentations furent rapides. Hélène joua son rôle, souriant poliment, répondant par monosyllabes.

Le dîner fut une torture. Marc exposait sa vision grandiose de l'expédition, déformant les travaux de son père pour les faire correspondre à une quête de trésor. Il parlait de gloire, de profits, de retour sur investissement. Hélène sentait la nausée monter. C'était une profanation.

À un moment, l'un des investisseurs se tourna vers elle.

« Mademoiselle Dubois, votre fiancé nous dit que vous possédez des documents uniques de votre père. Des journaux de terrain, en plus de la carte. »

Hélène sentit tous les regards se tourner vers elle. Avant qu'elle ne puisse répondre, Marc intervint.

« Bien sûr ! Hélène est très attachée à ces souvenirs... un peu trop, même. Ce sont des piles de vieux carnets couverts de gribouillis, mais il y a sans doute des informations précieuses dedans. N'est-ce pas, chérie ? »

Le mot "chérie" était un ordre déguisé. "Gribouillis". Il parlait du travail de toute une vie, des observations méticuleuses, des croquis dessinés à la main dans des conditions extrêmes. Chaque page de ces journaux était un fragment de l'âme de son père. Elle se souvenait de lui, assis à son bureau tard le soir, remplissant ces carnets avec une passion infinie. C'était son véritable héritage, bien plus précieux que n'importe quelle carte.

Épuisée par la comédie, Hélène se contenta de hocher la tête.

« Oui. Il y en a beaucoup. »

Elle n'en pouvait plus. La conversation, les sourires faux, le mépris à peine voilé de Marc. Elle sentait qu'elle allait craquer.

« Excusez-moi, » murmura-t-elle en se levant. « J'ai besoin de prendre l'air. »

Elle se dirigea vers la terrasse du restaurant. L'air frais de la nuit lui fit du bien. Elle ferma les yeux, essayant de retrouver son calme. Quelques minutes plus tard, la porte s'ouvrit. C'était Chloé.

« Tu gâches la soirée d'Hélène, » dit-elle d'une voix pleine de venin. « Tu vois bien que tu n'es pas à ta place ici. Tu es comme les vieilleries de ton père, bonne à rester dans un musée. »

Hélène se retourna, la fureur montant en elle.

« De quoi tu te mêles, Chloé ? »

« Je me mêle que tu es un boulet pour Marc, » siffla Chloé en s'approchant. « Il a de l'ambition, lui. Il va aller loin. Et toi, tu le retiens avec tes souvenirs poussiéreux. »

Dans sa main, elle tenait le carnet de notes qu'Hélène avait apporté. Hélène ne savait pas comment elle l'avait pris dans son sac.

« Qu'est-ce que tu fais avec ça ? Rends-le moi ! »

Hélène tendit la main, mais Chloé recula, un sourire cruel aux lèvres.

« Ce machin ? C'est ça qui est si important pour toi ? Ces dessins ridicules ? »

Elle ouvrit le carnet. À l'intérieur, il y avait un croquis détaillé d'une fresque que son père avait découverte, une de ses premières trouvailles importantes. À côté, une note écrite de sa main : "Pour ma petite Hélène, pour qu'elle n'oublie jamais que la beauté est la plus grande des vérités."

C'était le carnet le plus personnel, celui qu'elle lisait et relisait depuis des années.

« Rends-le moi, Chloé ! » cria Hélène, sa voix se brisant.

« Tu veux le récupérer ? » ricana Chloé.

Et sous les yeux horrifiés d'Hélène, elle déchira la page avec le croquis. Puis une autre. Et une autre. Elle ne s'arrêta pas. Avec une rage froide, elle mit le carnet en pièces, les pages volants sur la terrasse avant de tomber dans une grande fontaine décorative. L'encre se mit à baver immédiatement, les mots de son père se dissolvant dans l'eau chlorée.

Hélène resta pétrifiée, le cœur en miettes. C'était une violence pure, gratuite. Un acte de destruction qui visait à l'anéantir.

Elle tomba à genoux, essayant de récupérer les morceaux de papier détrempés, mais c'était inutile. Tout était perdu.

Elle leva les yeux vers Chloé, des larmes de rage et de désespoir coulant sur ses joues.

« Pourquoi ? » sanglota-t-elle. « Pourquoi tu as fait ça ? »

            
            

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