Le drame ne tarda pas à arriver, et il prit la forme de ma belle-mère, Madame Dubois. Elle débarqua un après-midi sans prévenir, le visage fermé, traînant derrière elle une Mireille à l'air faussement contrit.
« Jeanne ! »
Sa voix claqua dans le salon comme un coup de fouet. Je posai calmement ma tasse de thé et la regardai.
« Mère. Quelle visite inattendue. »
« Inattendue ? Je suis venue voir comment va ma fille ! On me dit qu'elle travaille comme une servante dans cette maison, tout ça pour t'accommoder ! »
Elle me foudroya du regard, son mépris à peine voilé.
« Mireille est ici pour m'aider, de son plein gré. Elle est ma sœur, c'est naturel, » répondis-je d'un ton égal.
« Naturel ? C'est toi l'épouse ! C'est ton devoir de t'occuper de ton mari et de ta maison, enceinte ou pas ! Tu laisses ma pauvre fille s'épuiser pour toi ! »
Mireille, à côté, baissa la tête, l'air d'une martyre.
« Mère, s'il te plaît, n'accable pas Jeanne. Je suis heureuse de l'aider. »
Quelle comédie. Je dus me retenir de sourire.
Ignorant les plaintes de ma belle-mère, je me tournai vers Mireille.
« En parlant d'aide, je ne t'ai pas vue ce matin, Mireille. J'espérais que tu pourrais m'accompagner pour une promenade dans le jardin. »
C'était un test. Je savais par Madame Leclerc qu'elle avait passé une partie de la matinée près du bureau d'Antoine.
Madame Dubois répondit à sa place, la voix pleine de suffisance.
« Ma fille était occupée à préparer une décoction spéciale pour toi. Elle s'inquiète pour ta santé et celle du bébé. Elle a passé des heures à chercher les meilleures herbes. »
Une décoction. Dans ma vie passée, c'était par une "décoction bienveillante" qu'elle avait commencé à m'empoisonner lentement, affaiblissant mon corps jusqu'à la fausse couche.
Mon sang se glaça, mais je gardai un visage impassible.
« C'est très attentionné de sa part. »
Je savais la vérité. Mireille ne s'était jamais intéressée à la phytothérapie. Mais son ancien amant, Lucas, oui. Il venait d'une famille d'apothicaires. C'était de lui qu'elle tenait ses connaissances. Connaissances qu'elle avait utilisées pour me tuer. L'idée qu'elle puisse encore avoir des contacts avec lui me donna une nouvelle idée de vengeance.
Alors que Madame Dubois continuait sa tirade sur les vertus de sa fille, un grand bruit se fit entendre dans le couloir. Des cris, une lutte.
Un garde du manoir entra précipitamment dans le salon, tenant fermement par le bras une femme de chambre qui se débattait.
« Madame Leclerc ! Excusez mon intrusion, mais nous avons surpris cette femme tentant de mettre quelque chose dans la soupe de la maîtresse ! »
Je reconnus immédiatement la servante. C'était une des nouvelles filles, une protégée de Sylvie.
Tous les regards se tournèrent vers la servante tremblante.
Mireille devint pâle comme un linge. Je savais pourquoi. Cette tentative d'empoisonnement était son œuvre. Elle essayait déjà de se débarrasser de moi, mais en utilisant une main innocente pour ne pas se salir.
Le chaos que j'avais tant espéré venait de frapper à ma porte. Et j'étais prête à l'accueillir.