Son parfum floral m'agressa, ravivant des souvenirs de trahison. Je me raidis imperceptiblement avant de me forcer à jouer mon rôle.
« Mireille, Mère. Vous m'avez manqué. »
Antoine annonça fièrement la nouvelle de ma grossesse. Madame Dubois afficha une surprise polie, mais ses yeux trahissaient une pointe de déception. Elle avait toujours espéré que Mireille épouse Antoine. Ma grossesse anéantissait cet espoir.
Mireille, en revanche, joua la sœur aimante à la perfection.
« Oh, Jeanne ! C'est la meilleure nouvelle que j'aie entendue ! Je suis si heureuse pour toi ! Tu vas être une mère merveilleuse. »
Son étreinte était plus serrée cette fois, presque possessive. Je savais ce qu'elle pensait. Elle pensait à l'héritier, au pouvoir que cela me donnait, un pouvoir qu'elle estimait lui revenir de droit.
Dans ma vie passée, Mireille était revenue après l'échec de sa romance avec Lucas, un artiste sans le sou mais terriblement ambitieux. Elle était revenue brisée, et je l'avais réconfortée. Cette fois, je savais que sa rupture n'était qu'un prétexte. Elle avait toujours convoité la position d'épouse d'Antoine.
Mon plan était simple : donner à Antoine ce qu'il convoitait secrètement.
Après l'annonce, je pris Mireille à part.
« Mireille, maintenant que je suis enceinte, je vais avoir besoin de me reposer. Mais Antoine organise tant de réceptions, il a besoin d'une hôtesse à ses côtés. Tu es si douée pour ça, si raffinée... »
Je laissai la phrase en suspens. Les yeux de Mireille s'illuminèrent.
« Que veux-tu dire, Jeanne ? »
« J'aimerais que tu viennes vivre avec nous au manoir Leclerc pour un temps. Pour m'aider. Et pour tenir compagnie à Antoine lors des soirées où je ne pourrai pas être présente. Tu serais une aide si précieuse. »
C'était une invitation ouverte à l'adultère. Une proposition si scandaleuse que dans ma vie précédente, je n'aurais jamais osé l'imaginer.
Mireille me regarda, cherchant le piège. Ne voyant que la sincérité et la naïveté sur mon visage, elle accepta avec une fausse humilité.
« Si c'est pour t'aider, ma sœur, bien sûr que j'accepte. Je ferai n'importe quoi pour toi et ton bébé. »
N'importe quoi, en effet.
Quelques jours plus tard, Mireille s'installa au manoir. Et comme je l'avais prévu, les choses commencèrent à bouger. Grâce aux rapports discrets de Madame Leclerc, j'appris que Sylvie, ma nouvelle "espionne" auprès d'Antoine, se montrait très zélée. Trop zélée. Elle restait tard, lui apportait personnellement son thé, et trouvait des prétextes pour le toucher.
Un matin, Sylvie vint me servir mon thé matinal. Son attitude était différente. Il y avait une pointe d'arrogance dans son port de tête.
« Madame semble en pleine forme aujourd'hui, » dit-elle avec un sourire qui n'atteignait pas ses yeux.
Je savais qu'elle venait de passer un moment privilégié avec Antoine. Je lui souris en retour.
« C'est grâce à tes bons soins auprès de mon mari, Sylvie. Il est moins stressé, et je suis plus sereine. »
Je sortis un bracelet de jade de mon coffre à bijoux.
« Ceci est pour te remercier. Continue de bien t'occuper de lui. Il aime particulièrement le thé aux fleurs d'osmanthus le soir. Assure-toi qu'il en ait toujours une tasse avant de dormir. »
Le thé aux fleurs d'osmanthus. C'était le thé préféré de Mireille. Un petit coup de pouce pour créer des "rencontres fortuites".
Sylvie accepta le bracelet, ses yeux brillant de convoitise. Elle pensait que je l'encourageais. Pauvre idiote. Elle n'était qu'un pion pour occuper Antoine en attendant l'arrivée de la reine de la fête.
Et la reine ne tarda pas à entrer en scène. Avec l'arrivée de Mireille, une nouvelle dynamique s'installa. Mireille, avec son éducation et son raffinement, éclipsait facilement la pauvre Sylvie. Les conversations d'Antoine avec sa nouvelle assistante devinrent plus courtes, son attention se tournant de plus en plus vers sa charmante belle-sœur.
Je créai délibérément des opportunités. Je feignis la fatigue pour ne pas dîner avec Antoine, laissant Mireille prendre ma place. J'organisai une petite réception dans les jardins et demandai à Mireille de tout superviser, la plaçant au centre de l'attention.
Antoine, qui avait toujours eu un faible pour Mireille, était visiblement charmé. Et Mireille, sentant le champ libre, jouait son rôle à la perfection.
Pendant ce temps, je restais dans mes appartements, le plus souvent possible. Je lisais, je brodais des vêtements pour mon bébé, et j'écoutais les rapports de Madame Leclerc. Les graines que j'avais plantées germaient magnifiquement. La jalousie commençait à poindre entre Sylvie et Mireille. Antoine était distrait, flatté par l'attention de deux jolies femmes.
Le chaos que j'avais initié était comme une douce musique à mes oreilles. Je caressai mon ventre.
« N'aie pas peur, mon enfant. Maman te protège. Personne ne nous fera plus jamais de mal. »
J'attendais patiemment. Le premier acte de ma pièce de théâtre était en place. Il ne manquait plus que le premier drame.