Le lendemain matin, en arrivant à mon bureau, j'ai senti une atmosphère étrange. Mes employés, d'habitude chaleureux et affairés, me lançaient des regards fuyants, chuchotant entre eux avant de se taire à mon approche.
Mon assistante, Léa, une jeune femme loyale et efficace, est entrée dans mon bureau, le visage fermé.
« Madame, il faut que je vous parle. »
Elle a posé une tablette sur mon bureau. Plusieurs articles de blogs people et de tabloïds en ligne étaient ouverts. Les titres étaient tous plus sensationnels les uns que les autres.
"JEANNE DUBOIS, LA REINE DE LA JOAILLERIE, AU BORD DE LA FAILLITE ?"
"UN DIVORCE POUR SAUVER LES MEUBLES ? SES AFFAIRES S'EFFONDRENT."
"SCANDALE AU VERNISSAGE : UNE CRISE DE NERFS DUE À DES PROBLÈMES FINANCIERS."
« C'est Clara Leclerc qui a fait fuiter ça, » a dit Léa, la voix tremblante de colère. « Elle a contacté plusieurs journalistes hier soir, juste après... l'incident. Elle leur a dit que votre entreprise était endettée jusqu'au cou et que vous cherchiez un scandale pour divorcer de Monsieur Dubois sans perdre la face. »
La stratégie était vicieuse et intelligente. M'attaquer sur mon terrain, mon indépendance financière, pour me faire passer pour une femme hystérique et désespérée.
« Merci, Léa. Préparez un communiqué de presse. Annoncez une augmentation de 20% de notre chiffre d'affaires ce trimestre et le lancement prochain d'une collaboration majeure. Ne citez pas Laurent Moreau pour l'instant. »
Léa a hoché la tête, admirative de mon calme. En sortant, elle s'est retournée.
« Au fait, Madame... Paul a appelé. Paul... votre ami d'enfance. Il a dit qu'il avait vu les nouvelles et qu'il s'inquiétait pour vous. Il a laissé son numéro. »
Paul. Ce nom a fait écho dans un coin de mon cœur que je croyais endormi. Un ami fidèle, discret, qui avait déménagé en province il y a des années. Le timing était... surprenant.
J'ai décidé de rentrer chez moi, dans l'hôtel particulier que je partageais avec Marc, pour prendre des affaires. Je devais quitter cet endroit au plus vite.
Quand j'ai ouvert la porte d'entrée avec ma clé, un son m'est parvenu de la chambre principale. Des rires. Le rire de Clara.
J'ai monté les escaliers sans faire de bruit. La porte de notre chambre était entrouverte. J'ai regardé à l'intérieur.
Marc était assis sur le lit, l'air abattu. Et Clara était là, se pavanant devant le miroir de ma coiffeuse. Elle portait un de mes peignoirs en soie. Elle prenait mes parfums, les sentait, se vaporisait avec une arrogance insupportable.
« Tu vois, chéri, » disait-elle en se regardant dans le miroir, « cette maison me va beaucoup mieux qu'à elle. Tout ici est trop grand, trop froid. Comme elle. Bientôt, ce sera notre maison. »
Mon sang n'a fait qu'un tour. Mais j'ai réprimé ma rage. La colère est une faiblesse. La stratégie est une force.
J'ai fait un pas dans la chambre. Ils ont sursauté en me voyant. Marc est devenu livide. Clara a juste relevé le menton, un défi dans les yeux.
Je n'ai pas regardé Clara. J'ai sorti une liasse de papiers de mon sac et je l'ai jetée sur le lit, aux pieds de Marc.
« Ce sont les papiers du divorce. Mon avocat a déjà tout préparé. Il y a aussi une ordonnance restrictive qui interdit à cette... personne, » ai-je dit en désignant Clara d'un geste méprisant, « d'approcher de n'importe laquelle de mes propriétés. Y compris celle-ci. »
Les yeux de Clara se sont écarquillés de fureur.
« Vous n'avez pas le droit ! »
« Oh, si. Cette maison m'appartient. Achetée bien avant notre mariage. Comme tout le reste. Tu es chez moi, Clara. Et je veux que tu partes. Maintenant. »
Elle a essayé de me provoquer une dernière fois.
« Vous voyez bien que Marc ne vous aime plus. Il m'aime moi. Il m'a choisie. »
J'ai finalement tourné mon regard vers elle, un regard si froid qu'elle a reculé d'un pas.
« Il ne t'a pas choisie, ma petite. Il a choisi la facilité. Et il n'a pas encore compris que la facilité vient de prendre fin. Quant à toi... »
Je l'ai jaugée de la tête aux pieds.
« Ce peignoir ne te va pas. La soie, c'est pour les dames. »
Puis, j'ai tourné les talons et je suis partie, les laissant tous les deux dans le silence glacial de ma chambre, avec les papiers du divorce posés entre eux comme une bombe à retardement.