Laurent, un homme d'affaires aussi influent que perspicace, ne tarissait pas d'éloges. Son regard admiratif ne portait pas seulement sur mon travail, mais aussi sur la femme que j'étais.
« J'ai une proposition pour vous. Une collaboration exclusive pour le lancement de ma nouvelle ligne d'hôtels de luxe. Pensez-y. »
C'était une opportunité immense, le genre d'offre qui pouvait propulser ma maison de haute joaillerie, que j'avais bâtie seule, dans une autre dimension. J'allais répondre, le sourire aux lèvres, quand un bruit a éclaté près de l'entrée.
Marc, mon mari, venait d'arriver, ou plutôt, de faire irruption. Il était visiblement ivre, son costume de créateur était froissé, et il s'appuyait lourdement sur son assistante, la jeune et jolie Clara Leclerc. Elle, au contraire, était impeccable, son sourire triomphant alors qu'elle le soutenait d'un air faussement inquiet.
Mon propre sourire s'est figé. Tous les regards se sont tournés vers eux. Le silence s'est fait, lourd et gênant. Le nom "Dubois" était synonyme de prestige, pas de scandale d'ivrogne.
Clara a guidé Marc à travers la foule, droit vers moi. Sur le col de la chemise de mon mari, une trace de rouge à lèvres, de la même couleur que celui de Clara, était une insulte visible par tous.
« Jeanne ! » a braillé Marc, sa voix pâteuse résonnant dans la galerie soudainement silencieuse.
Je n'ai pas bougé, mon visage est resté impassible. J'ai senti le regard de Laurent sur moi, mélange de pitié et de curiosité.
« Qu'est-ce que tu fais là ? Tu me suis ? Tu me fliques maintenant ? »
Sa voix était agressive, pleine d'un ressentiment que je ne comprenais que trop bien. Il me reprochait mon succès, ma force, tout ce qu'il n'était pas. Clara, à ses côtés, a ajouté d'une petite voix mielleuse mais audible :
« Marc, chéri, tu es fatigué. Ne te mets pas en colère. Madame Dubois est peut-être juste venue admirer votre travail. »
Le "votre" était une provocation. Cette galerie était l'héritage de sa famille, mais c'est mon argent qui l'avait sauvée de la faillite à plusieurs reprises.
Marc s'est tourné vers Laurent, le dévisageant avec des yeux injectés de sang.
« Et vous, qui êtes-vous ? Un autre de ses admirateurs ? Mêlez-vous de vos affaires ! »
Laurent a haussé un sourcil, son expression passant de la surprise au mépris glacé. Il a simplement reculé d'un pas, me laissant le champ libre. Il comprenait que ce n'était pas son combat, mais le mien.
Je n'ai pas crié. Je n'ai pas pleuré. J'ai regardé mon mari, l'homme que j'avais aimé, se ridiculiser devant le Tout-Paris. J'ai vu la satisfaction cruelle dans les yeux de Clara.
Et à cet instant, au milieu du chaos, mon esprit est devenu clair comme du cristal. Une seule pensée, froide et nette, a pris toute la place.
C'est fini.
Le mariage, les apparences, les compromis. Tout était terminé.