L'Écho du Second Rôle
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Chapitre 4

"Qu'est-ce que tu as fait ?" La voix de Sophie était un murmure mortel, plus effrayant qu'un cri. Elle se précipita aux côtés de Marc, examinant son bras rouge et cloqué.

"Ce n'est rien, Sophie, c'était un accident," gémit Marc, jouant parfaitement son rôle de victime. "Pierre ne l'a pas fait exprès."

"Je n'ai rien fait !" cria Pierre, le cœur battant la chamade. "Il a trébuché !"

Mais Sophie ne l'écoutait pas. Elle ne voyait que la douleur de Marc. Une rage froide et terrifiante s'empara d'elle. Ses yeux cherchèrent une cible, quelque chose sur quoi décharger sa fureur. Son regard tomba sur Pinceau, le golden retriever de Pierre, qui s'était approché en gémissant, sentant la détresse de son maître.

"C'est de la faute de ce maudit chien," siffla-t-elle. "Il est toujours dans les pattes. Débarrassez-vous de lui."

L'ordre fut lancé à deux de ses gardes du corps qui venaient d'entrer dans la pièce.

"Non !" hurla Pierre, se plaçant devant son chien. "Ne le touchez pas !"

Pinceau, sentant le danger, se mit à grogner doucement en direction des gardes du corps.

L'un des hommes s'avança. "Reculez, Monsieur Dubois."

"Jamais !"

Pinceau, pour protéger son maître, se jeta en avant et mordit le pantalon du garde. L'homme, surpris et en colère, repoussa le chien d'un coup de pied violent. Pinceau heurta le mur avec un jappement de douleur.

"Arrêtez !" supplia Pierre, les larmes coulant sur son visage.

Mais il était trop tard. L'autre garde attrapa Pinceau par la peau du cou. Le chien se débattit, terrifié. L'appartement de Pierre était un duplex avec une mezzanine donnant sur le salon en contrebas. Dans la lutte, le garde perdit sa prise.

Pinceau tomba.

Le bruit sourd et horrible du corps heurtant le sol en marbre résonna dans le silence.

Pierre sentit le monde s'arrêter. Il se pencha par-dessus la balustrade. Son chien, son seul ami, son compagnon fidèle depuis des années, gisait sur le sol, immobile, dans une position anormale.

Un cri étranglé s'échappa de sa gorge. Il dévala les escaliers, trébuchant, et tomba à genoux à côté du corps de Pinceau. Il prit la tête de son chien dans ses mains. Les yeux de Pinceau étaient vitreux, vides.

"Pinceau..." murmura-t-il, le secouant doucement. "Réveille-toi, mon grand. S'il te plaît..."

Mais il n'y eut aucune réponse.

Pierre leva les yeux vers Sophie, qui se tenait en haut des escaliers, Marc blotti contre elle. Son visage était impassible, dénué de toute émotion.

"Il m'a sauvé la vie," dit Pierre, sa voix brisée par le chagrin et la rage. "Il y a deux ans, il y a eu un incendie dans l'atelier. J'étais endormi. C'est lui qui m'a réveillé. Il m'a sauvé. Et toi... tu l'as tué. Pour rien."

Sophie ne répondit pas. Elle se contenta de faire un signe de tête à ses gardes. "Emmenez Monsieur Bernard à l'hôpital. Et enfermez celui-là au entrepôt frigorifique de la côte Est. Laissez-le réfléchir."

Elle se détourna et partit avec Marc, sans un regard en arrière.

Les gardes attrapèrent Pierre, qui se débattit faiblement, son regard fixé sur le corps sans vie de son chien. Ils le traînèrent hors de l'appartement.

Il fut jeté dans l'entrepôt frigorifique, une immense pièce glaciale où la température était maintenue bien en dessous de zéro. La lourde porte se referma derrière lui, le plongeant dans une obscurité presque totale et un froid mordant.

Le froid s'infiltra rapidement à travers ses vêtements fins. C'était le même froid. Le même froid que celui de sa mort dans sa vie précédente. La panique et le désespoir le submergèrent. Il allait mourir ici, encore une fois, à cause d'elle.

Il perdit la notion du temps. Des heures, peut-être. Juste au moment où il sentait la conscience lui échapper, la porte s'ouvrit. C'était un de ses parents' amis, alerté par sa mère inquiète.

Il se réveilla dans un lit d'hôpital. Un médecin se tenait à son chevet.

"Vous avez eu beaucoup de chance, jeune homme," dit le médecin d'un ton grave. "Hypothermie sévère. Quelques minutes de plus et nous n'aurions rien pu faire."

La mort. Elle l'avait frôlée une seconde fois.

Il réalisa alors avec une clarté terrifiante. Ce n'était pas seulement une histoire prédestinée. La présence de Sophie dans sa vie était littéralement mortelle. Chaque fois qu'il était près d'elle, il finissait par frôler la mort. Pinceau en était la preuve ultime.

Son téléphone sonna. C'était sa mère.

"Pierre, mon chéri, est-ce que ça va ? Je suis si inquiète."

"Ça va, maman," dit-il, sa voix rauque mais ferme. "J'ai eu un accident. Mais je vais bien."

"Tu devrais peut-être repousser ton départ..."

"Non," l'interrompit-il avec une force nouvelle. "Non. Je pars dès que je sors d'ici. C'est fini, maman. Je ne la laisserai plus jamais me faire de mal. C'est terminé. Pour de bon."

Il avait perdu son chien. Il avait failli perdre la vie. Il ne perdrait pas sa deuxième chance.

            
            

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