L'Écho du Second Rôle
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Chapitre 3

De retour dans son appartement, qui était aussi la propriété de Sophie, Pierre commença le grand ménage. Il ne s'agissait pas de poussière ou de désordre. Il s'agissait de purger sa vie de toute trace de son amour pour elle.

Il ouvrit une grande malle en bois dans le coin de son salon. À l'intérieur se trouvaient des années de souvenirs. Des photos d'eux enfants, des lettres qu'il lui avait écrites, des petits cadeaux qu'elle lui avait offerts par politesse. Il prit tout, sans même y jeter un second regard, et le jeta dans de grands sacs poubelles.

Il décrocha les tableaux des murs. Pas ses œuvres, mais celles qu'elle avait achetées pour décorer "leur" espace. Il les empila sans ménagement près de la porte. Il vida les placards de tous les vêtements coûteux qu'elle lui avait imposés, les remplaçant par ses vieux jeans et t-shirts usés.

Il travaillait avec une efficacité froide et méthodique. Chaque objet jeté était un lien de plus qui se brisait. C'était douloureux, mais aussi libérateur.

La porte d'entrée s'ouvrit brusquement. C'était Sophie, suivie de Marc qui semblait fragile et s'appuyait sur elle.

Le regard de Sophie balaya la pièce, s'arrêtant sur les sacs poubelles et les tableaux empilés. Son visage se durcit.

"Qu'est-ce que tu fais ?" demanda-t-elle, sa voix glaciale. "Encore une de tes crises de colère ? Tu détruis les choses pour attirer mon attention ?"

"Non," répondit Pierre calmement. "Je nettoie. Tu as dit que tu voulais que je disparaisse de ta vie. C'est ce que je fais. Je me débarrasse de tout ce qui me lie à toi."

"N'essaie pas de me manipuler, Pierre. Je ne tomberai pas dans le panneau."

"Je ne te manipule pas. Je suis juste fatigué."

Marc, voyant la tension monter, intervint avec une voix douce et conciliante. "Sophie, ne t'énerve pas. Je suis sûr que Pierre ne le pensait pas. N'est-ce pas, Pierre ? Vous... vous avez juste besoin de temps."

Il s'avança vers Pierre, un air de fausse sympathie sur le visage. "Je sais que c'est difficile. Je ne voulais pas me mettre entre vous. Vraiment."

Sophie posa un regard attendri sur Marc, puis se tourna vers Pierre, sa colère redoublant. "Tu vois ? Tu le fais souffrir. C'est de ta faute s'il est dans cet état. Notre relation n'a jamais été qu'un arrangement. Un contrat. Je te payais pour ton art, rien de plus. Ne te fais pas d'illusions."

Chaque mot était un coup de poignard. Un contrat. Rien de plus. Toutes ces années d'espoir et de dévotion, balayées par une simple phrase. La dernière lueur d'illusion dans le cœur de Pierre s'éteignit.

Il ne répondit pas. Il se retourna et se dirigea vers son atelier, la seule pièce qui lui appartenait vraiment. Il ferma la porte derrière lui, s'appuyant contre le bois, essayant de reprendre son souffle.

Quelques minutes plus tard, la porte s'ouvrit doucement. C'était Marc. Il entra et referma la porte.

"Pierre, je suis vraiment désolé," commença-t-il, sa voix basse et conspiratrice. "Je dois vous parler."

Pierre le regarda avec méfiance. "Il n'y a rien à dire."

"Si, il y en a," insista Marc. "Vous devez comprendre pourquoi Sophie est comme ça. Ce n'est pas qu'elle ne vous aime pas. C'est qu'elle a peur."

Pierre fronça les sourcils, confus.

"Elle a peur de ses sentiments pour vous," continua Marc, son regard intense. "Vous êtes son ami d'enfance, son premier amour. Ce lien est trop fort, trop profond. Il l'effraie. Alors elle se réfugie avec moi. Je suis simple, je suis sûr. Je ne la défie pas comme vous le faites. Elle vous repousse parce qu'elle vous aime trop. Elle essaie de se protéger."

Les paroles de Marc frappèrent Pierre avec la force d'une révélation tordue. C'était une explication si cruelle, si parfaitement conçue pour lui donner un faux espoir et le maintenir enchaîné. Mais dans son état de vulnérabilité, une partie de lui voulait y croire.

Il sentit les larmes monter à ses yeux. La douleur, la confusion, l'épuisement... tout se mélangea en une vague insupportable. Il s'adossa à une étagère, le souffle coupé.

Marc s'approcha, posant une main sur son épaule. "Je suis désolé de devoir vous dire ça. Je voulais juste que vous sachiez la vérité."

Au même moment, Marc fit un pas en arrière, trébuchant sur une boîte de peinture posée au sol. Il perdit l'équilibre et, dans sa chute, renversa un pot de térébenthine bouillante que Pierre utilisait pour nettoyer ses pinceaux. Le liquide brûlant éclaboussa le bras de Marc.

Il poussa un cri de douleur perçant.

La porte de l'atelier s'ouvrit violemment. Sophie se tenait sur le seuil, son visage déformé par la panique et la fureur en voyant Marc à terre, se tenant le bras. Ses yeux se posèrent sur Pierre, et toute la tendresse qu'elle avait pour Marc se transforma en une haine pure et glaciale dirigée contre lui.

            
            

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