Juste la peau lisse et la sensation de son cœur qui battait, fort et régulier. Elle était vivante. Vraiment vivante, et en bonne santé.
Le bruit de la porte de la salle de bain s'ouvrant la fit sursauter. Marc apparut, une serviette nouée autour de la taille, les cheveux humides. Il était si jeune, si beau. Le voir là, en chair et en os, après l'avoir cru mort pendant deux décennies, lui fit l'effet d'un coup de poing dans l'estomac. La douleur de sa perte, si longtemps enfouie, remonta à la surface, fraîche et vive. Mais elle fut immédiatement balayée par l'image de lui dans la neige, embrassant cette autre femme. La haine et le mépris prirent le dessus.
"Bonjour, mon amour," dit-il avec un sourire éclatant. "Bien dormi ?"
Il s'approcha pour l'embrasser. Instinctivement, Camille eut un mouvement de recul. Ce fut un geste infime, presque imperceptible, mais il ne lui échappa pas. Il fronça légèrement les sourcils.
"Ça ne va pas ?" demanda-t-il, son sourire se faisant un peu plus forcé.
"Non, ça va," mentit-elle, essayant de composer un visage neutre. "J'ai juste fait un mauvais rêve."
Elle se força à accepter son baiser. Ses lèvres, qui lui avaient autrefois semblé être le paradis sur terre, avaient maintenant le goût du mensonge. C'était un contact froid, vide. Elle dut lutter contre l'envie de le repousser et de crier. Elle devait jouer le jeu. Elle était de retour à une époque où elle était encore la jeune Camille, follement amoureuse et naïve. Elle ne pouvait pas laisser paraître qu'elle savait.
"Un mauvais rêve, hein ?" dit-il en lui caressant la joue. "Ne t'inquiète pas, je suis là."
Ses paroles, qui l'auraient autrefois réconfortée, sonnaient maintenant comme une moquerie cruelle. Elle se dégagea doucement de son étreinte et se dirigea vers la cuisine.
"Je vais préparer le petit-déjeuner," dit-elle d'une voix qu'elle espérait naturelle.
La routine de leur vie commune reprit, mais pour Camille, tout était différent. Chaque geste, chaque parole de Marc était maintenant scruté à la loupe. Elle se souvenait de cette période de leur vie comme d'un bonheur parfait. Rétrospectivement, avec la connaissance qu'elle avait du futur, elle voyait les fissures, les indices qu'elle avait ignorés à l'époque. La façon dont il cachait l'écran de son téléphone, ses "réunions tardives" de plus en plus fréquentes, ses absences inexpliquées.
Ce matin-là, elle décida de changer une habitude. D'habitude, c'est Marc qui faisait le café, un rituel qu'il aimait. Mais cette fois, Camille s'en chargea. C'était un petit acte de rébellion, une façon de reprendre le contrôle de son propre espace, de sa propre vie. Marc le remarqua.
"Oh, tu as fait le café ? C'est gentil," dit-il, l'air un peu surpris.
"J'en avais envie," répondit-elle simplement en lui tendant une tasse.
Pendant qu'il se douchait, elle ne put résister. Son téléphone était posé sur la table de chevet. À l'époque, elle n'aurait jamais osé y toucher, la confiance était totale. Mais la Camille de quarante-trois ans n'avait plus de tels scrupules. Elle le prit. Il n'était pas verrouillé. Elle ouvrit ses messages. Son cœur se serra en voyant une conversation avec un contact enregistré sous le nom de "C.". Chloé Leclerc. Le nom la frappa comme un éclair. C'était donc elle, la femme dans la neige.
Les messages étaient récents, datant de la veille au soir. "Tu me manques." "J'ai hâte de te voir demain." "Sois prudent, ne te fais pas prendre." La nausée la submergea. Il la trompait déjà. Le bonheur qu'elle croyait avoir vécu n'était qu'une illusion. Elle reposa le téléphone juste avant que Marc ne revienne dans la chambre, son cœur battant la chamade. La preuve était là, tangible. Ce n'était plus un lointain souvenir de trahison, c'était une réalité présente, brûlante.
Plus tard dans la journée, il lui annonça qu'il devait "travailler tard".
"J'ai une réunion très importante avec un client," dit-il en enfilant sa veste. "Ne m'attends pas pour dîner."
"D'accord," répondit Camille, sa voix glaciale. "Fais attention sur la route."
Elle savait très bien où il allait. Il n'allait pas à une réunion. Il allait la retrouver, elle. Chloé. L'ancienne Camille aurait été déçue mais compréhensive. Elle lui aurait préparé un plat à réchauffer pour son retour. La nouvelle Camille, elle, sentit une froide détermination s'installer en elle. Ce mensonge, ce premier mensonge flagrant depuis son retour, était la première pierre de l'édifice de sa vengeance. Elle n'allait pas pleurer. Elle n'allait pas se morfondre. Elle allait agir. Elle attendit qu'il soit parti, puis elle attrapa son propre téléphone. Elle avait un plan. Et pour le mettre à exécution, elle avait besoin d'aide. Elle composa un numéro qu'elle n'avait pas appelé depuis des années, celui d'un vieil ami d'enfance, un homme qu'elle savait loyal et sincère.
"Allô, Alexandre ?"