Chef Déchue, Revanche Servie Froide
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Chapitre 1

Le jour des sélections pour le Concours National des Jeunes Chefs, j'ai tout donné. Mon plat, un hommage moderne à la cuisine de Bordeaux, a reçu les éloges du jury. J'étais la meilleure, encore une fois.

Ma mère m'a appelée juste après. Sa voix était fatiguée, mais pleine d'espoir. Le domaine viticole familial, notre héritage, croulait sous les dettes depuis la mort de mon père. Ce concours était notre seule chance.

« Amélie, ma chérie, tu vas y arriver. Tu es le portrait de ton père. »

Sa confiance me pesait autant qu'elle me portait.

Léo m'attendait à la sortie. Il m'a tendu une bouteille d'eau, son sourire aussi familier que le mien. Il était mon ami d'enfance, mon ancre à Paris. Sa famille nous aidait financièrement depuis des années. Sans eux, je n'aurais jamais pu intégrer cette prestigieuse école d'arts culinaires. Je lui devais tout.

« Tu as été incroyable, comme toujours, » m'a-t-il dit.

Chloé, ma colocataire et meilleure amie, nous a rejoints en courant. Elle m'a serré dans ses bras, un peu trop fort.

« Amélie, tu es un génie ! Je ne serai jamais à ton niveau. »

Je lui ai souri, sincèrement. « Ne dis pas ça. Je t'aiderai à réviser ce soir. »

Sa gratitude semblait sincère. À cette époque, je croyais encore en la sincérité.

Plus tard, sur les quais du Canal Saint-Martin, un vieil homme tzigane m'a interpellée. Il était assis sur un banc, ses yeux sombres fixés sur moi.

« Tes mains ne créeront plus rien. »

Sa voix était rauque. J'ai ri, un peu mal à l'aise.

« C'est une étrange façon de me souhaiter bonne chance. Peut-être que les mains d'une championne sont faites pour recevoir des trophées, pas pour couper des légumes. »

Il n'a pas souri. Son visage est resté grave.

« La championne sera ton amie. Toi, tu ne pourras même plus tenir un couteau. »

Il a pointé mon poignet. Chloé venait de m'offrir un bracelet tressé, un « bracelet d'amitié », disait-elle. Je le portais depuis une semaine.

« Ce bracelet, c'est un échange de talent. Il aspire le tien pour le donner à une autre. »

J'ai froncé les sourcils. C'était absurde.

Pourtant, une froideur m'a envahie. Ces derniers jours, mes mains tremblaient. J'avais fait tomber mon couteau fétiche, ébréchant la lame. J'avais raté une sauce béarnaise, une chose qui ne m'était jamais arrivée.

Pendant ce temps, Chloé excellait. Ses plats, autrefois moyens, recevaient soudain les meilleures notes de nos professeurs. Elle avait même réussi un soufflé au Grand Marnier parfait, une technique que je lui avais montrée des dizaines de fois sans succès.

J'ai regardé le bracelet à mon poignet. Les fils colorés semblaient soudain menaçants.

            
            

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