Ma relation avec Mathéo était comme une bouffée d'air frais. Il était gentil, attentionné et drôle. Il s'intéressait à mes études, célébrait mes réussites et me consolait après mes échecs. Il ne me trouvait pas "collante", il aimait ma présence. Il ne me trouvait pas "étouffante", il disait que mon attention le rendait plus fort.
Avec lui, j'ai redécouvert qui j'étais sans Adrien. J'étais forte, intelligente, capable. Mon estime de moi, brisée en mille morceaux, se reconstruisait lentement.
Les vacances de Noël sont arrivées. Je suis rentrée à Bordeaux, angoissée à l'idée de revoir Adrien. Mes parents, au courant de ma nouvelle relation, étaient soulagés mais aussi un peu déçus. L'union des deux domaines viticoles n'aurait pas lieu.
Le dîner annuel entre nos deux familles était une tradition inévitable. Adrien était là, accompagné d'une fille blonde très maquillée qui ne disait pas un mot. Il avait l'air fatigué, un peu blasé. Il a à peine levé les yeux vers moi quand je suis arrivée.
Pendant le repas, ma mère a parlé de Mathéo.
« Félicie est si heureuse avec son nouveau petit ami. C'est un garçon formidable, capitaine de l'équipe de rugby et futur kinésithérapeute. »
Le verre d'Adrien s'est arrêté à mi-chemin de ses lèvres. Il m'a regardée, vraiment regardée pour la première fois de la soirée. J'ai vu une lueur de surprise, puis de colère dans ses yeux. La fille à côté de lui semblait invisible.
Le reste de la soirée, il n'a pas arrêté de me fixer. Il a commencé à poser des questions, faussement décontracté.
« Un joueur de rugby ? Intéressant. Il vient d'où ? Sa famille fait quoi ? »
« Ça n'a pas d'importance, Adrien », ai-je répondu calmement.
Son arrogance était revenue. « Bien sûr que si, ça a de l'importance. Il faut savoir d'où les gens viennent. »
J'ai compris à ce moment-là. Il ne m'avait pas oubliée. Il pensait juste que j'étais là, à l'attendre, comme un jouet qu'il avait mis de côté. Le fait que j'aie pu avancer, trouver quelqu'un d'autre, le rendait fou. Ce n'était pas de l'amour. C'était de l'orgueil blessé.
La soirée s'est terminée dans une atmosphère tendue. En partant, il m'a attrapée par le bras.
« On a besoin de parler. »
« On n'a rien à se dire. »
Je me suis dégagée et je suis partie, laissant Adrien seul avec sa colère et sa surprise. La peur que j'avais ressentie avait disparu, remplacée par une froide certitude. J'étais enfin libre de son emprise.