Je passais mes journées à étudier mécaniquement et mes nuits à regarder son profil sur les réseaux sociaux. Des photos de fêtes à Paris, des filles différentes à chaque fois, souriantes, accrochées à son bras. Il semblait si heureux, si libéré. La phrase "collante et étouffante" tournait en boucle dans ma tête.
Un jour, pour valider des crédits, j'ai dû faire un stage d'observation avec l'équipe de rugby de l'université. J'y suis allée à contrecœur, traînant les pieds.
Pendant un match d'entraînement, un joueur s'est effondré au sol, hurlant de douleur. Sa jambe était tordue dans un angle anormal. La panique a saisi tout le monde.
Le médecin de l'équipe est intervenu, calme et précis. Il a posé des questions rapides, a manipulé la jambe avec une expertise incroyable, et a donné des ordres clairs. J'étais fascinée. Je regardais ses mains, la façon dont il rassurait le joueur tout en travaillant. Il a réussi à remettre l'articulation en place sur le terrain, sauvant probablement la carrière du jeune homme.
À ce moment précis, quelque chose a changé en moi. Ce n'était plus le rêve d'Adrien. C'était le mien. Je ne voulais pas juste être médecin. Je voulais être ce médecin-là. Je voulais connaître cette adrénaline, cette compétence qui pouvait changer une vie.
Une passion, réelle et puissante, venait de naître dans les cendres de mon chagrin d'amour.
J'ai commencé à m'investir. Je me suis portée volontaire comme assistante médicale pour l'équipe. J'ai passé des heures à la bibliothèque, dévorant des livres sur la traumatologie sportive. Pour la première fois depuis des mois, je ne pensais plus à Adrien. J'avais un but.
Un après-midi, le capitaine de l'équipe, Mathéo, est venu à l'infirmerie. Il avait une vilaine coupure à l'arcade sourcilière. Il était grand, musclé, avec un sourire chaleureux et des yeux pétillants.
« J'ai entendu dire que la nouvelle assistante était une future star de la médecine sportive. »
J'ai rougi en nettoyant sa plaie. Mes mains étaient sûres, mes gestes précis.
« Je ne suis qu'une étudiante. »
« Une étudiante très douée, alors. »
Il n'a pas bronché quand j'ai posé les strips de suture. Il me regardait avec une admiration évidente. Quand j'ai eu fini, il est resté assis.
« Alors, future star de la médecine, est-ce que tu acceptes de boire un verre avec un simple joueur de rugby ce soir ? Pour me remercier de m'être blessé juste pour pouvoir te parler. »
Sa franchise m'a surprise. C'était si différent de la complexité et des jeux d'Adrien. C'était simple, direct, charmant.
J'ai souri, un vrai sourire, pour la première fois depuis longtemps.
« D'accord. Mais c'est toi qui paies. »
Il a éclaté de rire. « Marché conclu. »