« Mais, » a-t-elle ajouté, « ne dis rien à Antoine. Il est très sensible. Il se sentirait coupable si il savait que tu es si mal en point à cause de lui. Fais comme si tout allait bien. »
L'absurdité de sa demande était telle que j'ai failli rire. Cacher la gravité de mes blessures pour ne pas perturber la conscience de son amant.
« D'accord. » ai-je dit, ma voix plate.
Je n'avais plus la force de me battre. Chaque minute passée ici était un pas de plus vers la Californie. Vers Carole.
Juliette a semblé satisfaite de ma docilité.
« Bien. J'ai demandé qu'on te monte un repas. »
« Je n'ai pas faim. »
Je savais qu'elle ne faisait pas ça par gentillesse. Elle voulait juste que je me rétablisse vite pour que je quitte le domaine et que je ne sois plus un problème.
Elle a haussé les épaules et est partie.
Dès qu'elle a été hors de vue, j'ai sorti mon téléphone de sous l'oreiller. J'ai vu un message de Carole.
« Loïc ? Tout va bien ? Je n'ai pas eu de tes nouvelles. Je m'inquiète. »
Une vague de chaleur et de culpabilité m'a envahi. Elle m'attendait.
J'ai tapé une réponse rapide, mes doigts tremblants.
« Tout va bien. Juste quelques détails à régler. J'arrive bientôt. Ne t'inquiète pas. Je te le promets. »
J'ai posé le téléphone et j'ai essayé de me reposer. Plus tard, par ennui, j'ai ouvert les réseaux sociaux. Je suis tombé sur le profil d'Antoine.
Il avait posté une série de photos. Lui et Juliette à un dîner aux chandelles. Lui et Juliette riant au bord de la piscine. Lui et Juliette s'embrassant, avec le vignoble en arrière-plan. La légende disait : « La vie de château avec mon amour. »
Je n'ai rien ressenti. Pas de jalousie, pas de douleur. Juste un vide. Un détachement total. C'était comme regarder la vie de deux inconnus.
Je me suis souvenu du temps où Antoine était mon ami. Avant qu'il ne travaille pour Juliette. Il venait au domaine, nous dégustions du vin ensemble. Il admirait mon travail. L'ironie de la situation était amère. Il avait pris ma place, ma femme, et bientôt, ma meilleure parcelle de vigne. Et je m'en fichais.
En faisant défiler les photos, mon pouce a glissé et a accidentellement "aimé" une photo d'eux s'embrassant.
Mon sang s'est glacé. J'ai immédiatement retiré le "like", mais il était trop tard.
Quelques secondes plus tard, la porte de ma chambre s'est ouverte avec fracas. Juliette était là, le visage rouge de colère, son téléphone à la main.
« Qu'est-ce que ça veut dire ? » a-t-elle crié, me montrant l'écran.
La notification de mon "like" était visible.
« C'était une erreur. J'ai glissé. »
« Une erreur ? Tu te moques de moi ? Tu es jaloux ! Tu essaies de nous provoquer ! Tu ne supportes pas de nous voir heureux ! »
Elle projetait sa propre vision tordue de la situation sur moi. Elle ne pouvait pas concevoir que je ne ressente plus rien pour elle.
« Juliette, je t'assure, c'était un accident. Je m'en fiche de vous voir heureux. Je vous le souhaite, vraiment. Laissez-moi juste partir en paix. »
« Tu veux nuire à Antoine ! Tu veux le déstabiliser avant le concours de dégustation ! C'est ça, n'est-ce pas ? Tu veux saboter sa carrière ! »
Ses accusations étaient délirantes. J'ai fermé les yeux, épuisé par sa paranoïa et sa cruauté.