J'ai posé ma valise par terre et je l'ai ouverte.
Il n'y avait presque rien à l'intérieur. Quelques vêtements pliés, un livre. Antoine a fouillé sans ménagement, ses mains jetant mes affaires sur le sol.
Puis, son regard s'est fixé sur une petite boîte en velours. Il l'a ouverte.
« Qu'est-ce que c'est ? » a-t-il demandé, sortant une vieille médaille de dégustation en bronze.
Elle était usée, le ruban était décoloré.
« Laisse ça. » ma voix était soudainement tranchante.
Il a regardé la médaille, puis moi, un sourire mauvais aux lèvres.
« C'est joli. Je la veux. »
« Non. C'est la seule chose qui me reste de mon père. Il l'a gagnée pour son premier millésime. »
Juliette s'est approchée.
« Ne sois pas sentimental, Loïc. C'est juste un bout de métal. Donne-la-lui. Je t'en achèterai une en or si tu veux. »
Son insensibilité m'a coupé le souffle. Acheter le souvenir de mon père.
« Jamais. »
Antoine a fait un pas vers moi, la médaille dans sa main.
« Donne-la-moi. »
« Non. »
Il a essayé de me l'arracher des mains. J'ai résisté. Dans la lutte, il a perdu l'équilibre, a lâché la médaille et est tombé en arrière. La médaille a heurté le sol en marbre et s'est brisée en deux.
Un silence choqué a rempli la pièce.
Antoine a poussé un cri de douleur feinte.
« Mon bras ! Tu m'as cassé le bras ! »
Juliette s'est précipitée vers lui, ignorant complètement la médaille brisée et moi.
« Antoine ! Mon amour, ça va ? »
Puis, elle s'est tournée vers moi, le visage déformé par la fureur.
« Espèce d'animal ! Regarde ce que tu as fait ! »
Elle m'a poussé violemment. J'ai perdu l'équilibre à mon tour et ma tête a heurté le coin d'une grande cuve en inox. Une douleur fulgurante m'a traversé le crâne. Du sang chaud a commencé à couler sur mon front.
Juliette n'a même pas regardé ma blessure.
« Excuse-toi auprès d'Antoine ! Maintenant ! »
J'ai regardé les morceaux de la médaille de mon père sur le sol. J'ai regardé le visage furieux de Juliette. J'ai regardé Antoine, qui se plaignait d'une égratignure sur son bras.
Je voulais juste partir.
« Je... je m'excuse. » ai-je murmuré, le goût du sang et de la défaite dans la bouche.
Antoine s'est relevé, se frottant le bras.
« C'est dommage pour la médaille. Je la voulais vraiment. » a-t-il dit avec un faux regret.
Une idée désespérée m'est venue.
« Il y a le plus prestigieux concours de dégustation de France le mois prochain. L'invitation est très difficile à obtenir. Je... je peux t'en avoir une. En remplacement. »
C'était ma dernière carte. Un vieil ami de mon père faisait partie du jury.
Antoine a regardé Juliette. Elle a hoché la tête, irritée que je continue à vouloir partir.
« D'accord. Mais d'abord, on va s'occuper de ça. »
Elle a pointé l'égratignure sur le bras d'Antoine. Une ligne rouge minuscule.
« Tu as blessé Antoine. Tu vas réparer. »
Elle a sorti son téléphone.
« Allô ? Préparez une salle. J'amène deux personnes. Une greffe de peau. Urgente. »
J'ai regardé ma tête qui saignait. J'ai regardé l'égratignure d'Antoine. Une greffe de peau ?
« Juliette, c'est absurde. »
« Tais-toi. »
Elle a appelé deux gardes du corps qui attendaient dehors.
« Emmenez-le. »
Ils m'ont saisi par les bras. J'étais trop faible et sonné pour résister. Ils m'ont traîné dehors, vers sa voiture.
Dans la clinique privée, le médecin a regardé ma blessure à la tête avec inquiétude.
« Il a besoin de points de suture. Et d'un scanner. Il pourrait avoir une commotion. »
Juliette l'a ignoré.
« Faites la greffe d'abord. Prenez la peau sur sa cuisse. Pour réparer cette blessure. » a-t-elle dit en montrant le bras d'Antoine.
Le médecin était choqué.
« Madame, c'est une simple égratignure. Une greffe est totalement disproportionnée et inutile. Et sa blessure à la tête est prioritaire. »
« Faites ce que je vous dis, ou je rachète votre clinique et je vous mets à la porte. »
Le médecin a pâli. Il a regardé ses infirmières, puis moi, avec pitié.
Ils m'ont allongé sur une table d'opération. Ils m'ont fait une anesthésie locale sur la cuisse, mais je sentais tout. La lame froide qui coupait ma peau. La douleur sourde et profonde. J'ai serré les dents, les larmes coulant sur mes tempes et se mélangeant au sang de ma blessure à la tête.