De retour dans mon petit appartement, chaque objet me rappelait Julien. Surtout les petites poupées d'argile que nous avions fabriquées ensemble lors de notre premier rendez-vous. Il avait dit qu'elles nous représentaient, unis pour toujours.
J'ai ouvert mon ordinateur. Les photos, les articles, les commentaires haineux... tout était encore là. Ma réputation était détruite. Ma vie était en ruines.
J'ai perdu mon emploi. Mon frère était en prison, et maintenant, à cause de moi, sa souffrance était ravivée. Je n'avais plus rien. Plus personne.
La pluie a commencé à tomber, un crépitement incessant contre la vitre, se mêlant au flot de messages qui continuaient d'arriver sur mon téléphone. Des propositions indécentes, des insultes, des menaces de mort.
Dans un dernier élan de désespoir, j'ai appelé Julien.
Il a décroché, sa voix lasse.
« Quoi encore ? »
« S'il te plaît, Julien... Fais arrêter ça. Dis-leur que c'est un malentendu. Je t'en supplie. »
Il y a eu un long silence.
Puis, sa voix, plus froide que jamais, a prononcé les mots qui ont scellé mon destin.
« Tu sais, Amélie, si tu souffres autant, peut-être que tu devrais juste mourir. Ça réglerait tous les problèmes. »
Il a raccroché.
Peut-être que tu devrais juste mourir.
Ces mots tournaient en boucle dans ma tête. Et pour la première fois, l'idée ne m'a pas semblé effrayante. C'était une libération.
Je suis sortie sous la pluie battante, sans parapluie. J'ai marché, sans but, jusqu'à ce que mes pieds me mènent au Pont des Arts. Notre pont. Le lieu de notre premier baiser.
L'ironie était amère.
J'ai sorti mon téléphone une dernière fois. J'ai composé son numéro.
Sa voix était agacée. « Qu'est-ce que tu veux ? »
Ma voix était calme, étrangement sereine. « Julien. Je voulais juste te dire au revoir. Sois heureux. Et s'il te plaît, laisse mon frère tranquille maintenant. Laisse-nous en paix. »
J'ai entendu un changement dans sa respiration, une panique soudaine.
« Amélie ? Où es-tu ? Ne fais rien de stupide ! Reste où tu es, j'arrive ! »
Ses cris étaient lointains, sans importance.
J'ai souri tristement.
« Adieu, Julien. »
J'ai laissé tomber le téléphone. Il s'est écrasé sur le sol mouillé.
Et j'ai sauté.
L'eau glaciale de la Seine m'a engloutie. Le choc, puis le froid, puis plus rien. Juste le silence et l'obscurité.
Enfin, la paix.