Chapitre 4

Je pensais que l'épisode de l'hôpital marquerait la fin. Je me trompais.

Deux semaines plus tard, une voiture de luxe s'est garée devant mon mas.

Chloé en est sortie, poussant un fauteuil roulant. Sophie était assise dedans, sa jambe plâtrée posée sur le support.

Mes amis et moi étions en train de déjeuner sur la terrasse. Le silence est tombé.

« Julien, » a dit Chloé avec un sourire qu'elle voulait charmant. « Nous étions dans la région. On s'est dit qu'on allait te faire une surprise. »

« Ce n'est pas une bonne surprise. Partez. »

« Ne sois pas si dur, » a-t-elle insisté. « Sophie voulait voir où tu habitais. Elle voulait voir son père. »

Elle utilisait sa fille comme un bouclier. Comme toujours.

Sophie me regardait avec de grands yeux suppliants.

« S'il te plaît, papa. »

« Je t'ai déjà dit de ne plus m'appeler comme ça, » ai-je répondu, ma voix plus dure que je ne le voulais. « Cet endroit n'est pas pour vous. Retournez à Paris. »

Je suis rentré à l'intérieur et j'ai fermé la porte. Mes amis m'ont regardé, mal à l'aise.

« C'est la seule solution, » leur ai-je dit.

Chloé n'est pas partie. Elle a loué une villa dans le village voisin.

Chaque jour, elle venait. Parfois avec Sophie, parfois seule. Elle attendait devant mon portail. Elle essayait de me parler.

Un jour, elle a même apporté des ingrédients, essayant de cuisiner quelque chose sur un réchaud de camping devant chez moi. C'était pathétique.

Sophie venait aussi, en silence. Elle laissait des dessins sur le pas de ma porte. Ou un livre qu'elle avait aimé.

Ma paix était détruite. Mon refuge était devenu une prison.

Un soir, j'ai réuni Mathieu et Lucas.

« Je ne peux plus rester ici. Elles ne me laisseront jamais tranquille. »

« Qu'est-ce que tu vas faire ? » a demandé Mathieu.

« Je vais partir. Voyager. »

J'avais récemment acheté un vieux camping-car. Mon projet était de le rénover. Il était temps de l'utiliser.

« Je vais faire un tour de France des saveurs. Je vais aller dans chaque région, cuisiner avec les produits locaux, rencontrer des gens. Et je filmerai tout. »

Mon audience adorait le concept. Ma chaîne est devenue « Le Cœur de la Provence en vadrouille ».

« Et elles ? » a demandé Lucas.

« Elles ne pourront pas me suivre si je bouge tout le temps. Je vais devenir un fantôme. »

Le lendemain, avant l'aube, j'ai pris la route. Je n'ai dit à personne où j'allais en premier. J'ai regardé mon mas dans le rétroviseur, ce havre de paix que j'avais dû abandonner.

La liberté avait un goût amer, ce jour-là.