Le Mas de la Liberté
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Chapitre 3

Quelques semaines plus tard, un autre appel d'un numéro inconnu. Cette fois, c'était un hôpital à Paris.

« Monsieur Julien ? Nous vous appelons au sujet de votre fille, Sophie. »

Mon cœur s'est arrêté.

« Qu'est-ce qui s'est passé ? »

« Elle a eu un accident de trottinette. Elle a une fracture de la jambe. Nous n'arrivons pas à joindre sa mère. C'est le seul numéro qu'elle connaissait par cœur. »

Le seul numéro. Malgré tout.

J'ai sauté dans ma vieille voiture et j'ai roulé toute la nuit. Je suis arrivé à l'hôpital à l'aube, épuisé.

J'ai trouvé Sophie dans une chambre. Sa jambe était dans le plâtre, suspendue. Elle dormait, le visage pâle.

Le médecin m'a expliqué qu'elle avait traversé la rue sans regarder. La voiture n'avait pas pu l'éviter.

« Sa mère est injoignable depuis des heures. Vous devriez porter plainte pour négligence. »

Je me suis assis près de son lit et j'ai attendu.

Elle s'est réveillée quelques instants plus tard. Quand elle m'a vu, ses yeux se sont remplis de larmes.

« Papa... »

C'était la première fois. La toute première fois qu'elle m'appelait comme ça.

Mon cœur s'est serré. Je lui ai pris la main.

« Ça va aller, Sophie. »

Chloé est arrivée trois heures plus tard. Elle portait une robe de soirée et tenait une boîte de macarons à la main.

« Oh, ma chérie ! Maman est là ! Regarde ce que je t'ai apporté ! »

Elle n'a même pas semblé remarquer la gravité de la situation.

Sophie a tourné la tête vers moi.

« Papa, j'ai mal. »

Chloé m'a fusillé du regard.

« Qu'est-ce que tu fais là ? »

« L'hôpital m'a appelé. Tu ne répondais pas. »

« J'étais à un gala de charité très important, je ne pouvais pas répondre, » a-t-elle dit, comme si c'était une évidence.

Elle a essayé de donner un macaron à Sophie.

« Non, » ai-je dit fermement. « Le médecin a dit qu'elle devait rester à jeun. »

« Tu n'es plus son père, tu n'as rien à dire, » a-t-elle craché.

Je me suis levé. J'ai regardé Sophie.

« Elle a raison. J'ai renoncé à tes droits de garde. Ta mère est ta seule responsable légale. »

Puis, je me suis penché vers Sophie.

« Sophie, écoute-moi. Tu dois te souvenir du numéro de téléphone de ta mère. Pas du mien. C'est elle que tu dois appeler. Tu as compris ? »

Les larmes coulaient sur ses joues. Elle a hoché la tête.

J'ai tourné les talons et je suis sorti de la chambre, sans un regard en arrière. J'entendais Chloé crier mon nom, mais je n'ai pas ralenti.

Dans la voiture, sur le chemin du retour vers la Provence, j'ai dû m'arrêter sur le bord de la route. J'ai pleuré. Pour la petite fille blessée. Pour le père que je ne pouvais plus être. C'était la seule façon de la protéger. Elle devait apprendre à ne plus compter sur moi.

            
            

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