Le Mas de la Liberté
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Chapitre 1

Pendant sept ans, mon titre officiel était celui de mari de Chloé Dupont. Mais en réalité, j'étais le cuisinier, la femme de ménage, le chauffeur et le tuteur de la famille Dupont.

Mon vrai nom est Julien. Je viens d'un petit village de Provence.

Ce soir-là, mon équipe a remporté un gros projet. Pour fêter ça, nous sommes allés dîner. C'était la première fois en sept ans que je rentrais après minuit.

Quand je suis arrivé devant la porte de notre appartement, le système de sécurité intelligent a refusé mon empreinte.

« Accès refusé. »

J'ai réessayé.

« Accès refusé. »

J'ai compris. Chloé avait changé les autorisations. Elle m'avait enfermé dehors.

J'ai appuyé sur la sonnette. Une fois, deux fois. Personne n'a répondu.

Pourtant, je savais que ma fille, Sophie, était à l'intérieur. Elle m'entendait, j'en étais certain.

Mais elle n'a pas ouvert.

Je me suis assis sur un banc en face de l'immeuble. Le vent de Paris en automne est froid. J'ai regardé la fenêtre de notre chambre, éteinte. Chloé n'était probablement pas rentrée de sa soirée.

Cette humiliation, ce froid, ont duré toute la nuit.

Le lendemain matin, quand Chloé est finalement rentrée, elle m'a trouvé sur le banc. Elle n'a pas semblé surprise.

« Oh, tu es là. J'ai oublié de te dire que j'ai mis à jour le système. »

Elle n'a même pas présenté d'excuses.

Je me suis levé, mes jambes étaient raides. Je l'ai regardée.

« Chloé, divorçons. »

Elle a ri, comme si j'avais dit une blague.

« Tu es ridicule. Juste pour une porte ? Tu fais une montagne de rien, Julien. »

« Ce n'est pas juste pour une porte. »

C'était pour les sept années de mépris. C'était pour ma fille qui m'appelait « Oncle Julien ». C'était pour mon rêve de chef que j'avais abandonné pour eux.

Ses parents, René et Sylvie Dupont, m'avaient payé mes études à l'école hôtelière. Ils disaient admirer mon talent. En retour, ils m'ont demandé d'épouser leur fille rebelle, de lui donner une vie stable. J'ai accepté. Je pensais que c'était une dette d'honneur.

Mais cette dette, je l'avais payée. Chaque jour.

« Si tu veux divorcer, très bien, » a dit Chloé en haussant les épaules. « Mais tu pars sans rien. La voiture est à mes parents. L'appartement est à mes parents. Ton travail, c'est grâce à mes parents. Et Sophie, bien sûr, reste avec moi. »

Elle pensait me menacer. Elle pensait que j'avais peur de tout perdre.

Mais je n'avais plus rien à perdre depuis longtemps.

« D'accord, » ai-je répondu calmement. « Je renonce à la garde de Sophie. Je te laisse tout. Considérez ça comme la pension alimentaire. »

Son visage a changé. Elle ne s'attendait pas à ça.

« Tu abandonnes ta fille ? »

« Elle ne m'a jamais considéré comme son père. Elle n'écoute que toi et ses grands-parents. C'est mieux pour elle. »

J'ai tourné le dos et je suis parti, sans même un sac. J'ai laissé derrière moi sept ans de ma vie. En marchant dans la rue, j'ai senti le soleil sur mon visage pour la première fois. Je me sentais léger. Libre.

Mon téléphone a sonné. C'était mon beau-père, René.

« Julien, qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Chloé nous a appelés. Tu ne peux pas faire ça. Pense à tout ce que nous avons fait pour toi. Tu es un ingrat. »

« J'ai travaillé pour vous pendant sept ans, » ai-je dit. « J'ai préparé vos repas, j'ai nettoyé votre maison, j'ai supporté les humeurs de votre fille. Ma dette est payée. Au revoir, Monsieur Dupont. »

J'ai raccroché et bloqué son numéro. Puis celui de Sylvie. Puis celui de Chloé.

J'ai pris le premier train pour le sud. Pour la Provence.

Là-bas, il y avait le vieux mas de mes parents. En ruines, abandonné depuis leur mort. Mais c'était chez moi.

            
            

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