J'ai serré les poings, mes ongles s'enfonçant dans mes paumes. J'ai redressé le dos et j'ai regardé Mme Larson droit dans les yeux.
« Très bien. J'accepte cet argent. »
Elle a semblé surprise par ma réponse rapide et calme.
« Je ne le prends pas comme une aumône, mais comme une compensation. J'ai sauvé la vie de votre fils. J'ai pris soin de lui pendant des mois. Cet argent couvre mes frais médicaux et le temps que j'ai passé. Après ça, nous n'aurons plus aucun lien. »
À ce moment précis, la porte du salon s'est ouverte. Roderick est entré. Il portait un costume sur mesure qui le rendait grand et distant, si différent de l'Alex que j'avais connu.
« Mère, Juliette. De quoi parlez-vous ? »
Son regard s'est posé sur nous, puis sur le chèque sur la table. Il a froncé les sourcils, une lueur de confusion dans ses yeux.
Mme Larson a souri, un sourire glacial qui n'atteignait pas ses yeux.
« Rien d'important, mon chéri. Mademoiselle Figueroa et moi discutions simplement de son départ. Elle a décidé de retourner en Provence. N'est-ce pas une bonne chose ? »
Elle a habilement évité le sujet de l'argent, me laissant dans une position délicate.
Roderick n'a pas insisté. Il semblait distrait, préoccupé par autre chose. Il s'est approché de la table et a posé plusieurs boîtes de velours luxueuses.
« J'ai apporté les cadeaux pour Éléonore. Regardez. »
Il a ouvert la plus grande boîte. À l'intérieur, un collier de diamants scintillait de mille feux. Dans une autre, une paire de boucles d'oreilles en forme de cygnes, délicates et élégantes.
Puis, il a sorti un flacon de parfum en cristal. « Et ceci, c'est un parfum créé spécialement pour elle par le plus grand maître parfumeur de Paris. Il s'appelle "Amour Parisien". »
Mon cœur s'est serré. "Amour Parisien". Cela sonnait comme une moquerie à mon "Promesse Éternelle", le parfum qu'Alex avait créé pour moi dans notre petit village.
Je me suis souvenue de ce jour, il y a six mois. Je l'avais trouvé inconscient près de mon champ de lavande, gravement blessé. Il ne se souvenait de rien, pas même de son nom. Je l'ai appelé Alex.
Je l'ai soigné. Je lui ai appris à reconnaître les herbes, à distiller les essences. Il avait un don, un odorat exceptionnel. Ensemble, nous avons créé des parfums. Nous étions heureux, d'un bonheur simple et pur.
Il m'a demandé en mariage. Il a créé un parfum juste pour moi, avec de la lavande de Provence, de la rose de mai et une note secrète qu'il était le seul à connaître. Il l'a appelé "Promesse Éternelle". Il m'a dit : « Juliette, ce parfum est notre promesse. Je t'épouserai et je ne t'aimerai que toi, pour toujours. »
Mais ce "pour toujours" a été de courte durée. Juste avant notre mariage, il a été pris de violentes migraines. Il s'est effondré. Quand il s'est réveillé à l'hôpital, il n'était plus Alex. Il était Roderick Larson, l'héritier de l'empire du luxe Larson.
Il m'a emmenée à Paris, mais pas comme sa future épouse. Il m'a installée dans une petite chambre de service de son immense hôtel particulier. Il est devenu distant, froid. Il m'a expliqué qu'il devait épouser Éléonore, un mariage arrangé pour le bien de sa famille et de son entreprise.
Il m'a dit que notre temps en Provence était un rêve, une parenthèse qui devait se refermer.
Maintenant, en le voyant présenter ces cadeaux somptueux pour une autre femme, en entendant le nom de ce parfum parisien, j'ai compris. Mon Alex était mort. Seul Roderick Larson restait.
J'ai pris le chèque sur la table, je l'ai plié et je l'ai mis dans ma poche.
Je me suis levée, le dos toujours droit.
« Je vais faire mes bagages. Je pars ce soir. »
Je suis sortie du salon sans un regard en arrière. En passant dans le grand hall, j'ai vu les domestiques s'affairer, accrocher des guirlandes de fleurs blanches pour les fiançailles de Roderick et Éléonore.
J'ai entendu deux d'entre elles murmurer.
« La petite campagnarde s'en va enfin. Elle pensait vraiment pouvoir épouser Monsieur Larson ? »
« Elle n'est qu'une distraction. Sa place n'a jamais été ici. »
Leurs mots ne m'ont pas blessée. Ils ne faisaient que confirmer ce que je savais déjà. Ma décision était la bonne. Je devais partir.