La dégustation terminée, les gens applaudissaient Carole. Je voulais partir, fuir cet endroit, mais Roderick m'a attrapé le bras.
« Viens. Allons la féliciter. »
Il m'a entraînée de force vers les coulisses. Il a offert un énorme bouquet de roses rouges à Carole et l'a embrassée devant les photographes. Ils posaient ensemble, le couple parfait. J'étais à côté, dans mon fauteuil, invisible, oubliée.
J'ai vu leurs photos s'afficher sur les écrans des journalistes. Ils étaient beaux, puissants. Ils étaient faits l'un pour l'autre. J'avais été l'intruse, l'obstacle sur leur chemin.
Le lendemain était l'anniversaire de Roderick. Une grande réception était organisée au château. J'avais passé les derniers jours à me débarrasser de tout ce qui me liait à lui. Les bijoux, les lettres, les souvenirs. Tout était parti à la poubelle.
J'avais aussi acheté un billet d'avion. Aller simple pour la Californie.
La veille de la fête, un message est apparu sur mon téléphone, de la part d'un ami de Roderick. « Hâte de voir la tête de la vieille salope demain soir quand on passera la vidéo ! » Le message a été effacé une seconde plus tard, mais je l'avais vu.
Une vidéo. Mon sang s'est glacé.
Ce soir-là, je me suis glissée hors de ma chambre. J'ai entendu des voix dans le salon. Roderick et ses amis. Ils riaient.
« Alors, cette compilation est prête ? » a demandé l'un d'eux.
« Prête et montée », a répondu Roderick. « Six ans des meilleurs moments. On va la projeter sur grand écran, juste après le discours. Sa mère ne s'en remettra jamais. Et Juliette... elle sera finie. Humiliée publiquement. »
Leur rire était diabolique. J'ai senti la bile me monter à la gorge. Il n'allait pas seulement me détruire, il voulait anéantir ma mère.
C'en était trop.
Le lendemain matin, je suis allée voir le père de Roderick. Je lui ai parlé des rumeurs qui couraient sur ma mère, des chuchotements qui disaient qu'elle avait poussé sa première femme au suicide.
Son visage s'est durci.
« Quelles rumeurs ? Qui ose dire de telles choses ? »
« Je crois... je crois que c'est Roderick », ai-je murmuré.
La fureur a éclaté dans ses yeux. Mais ce n'était pas contre moi.
« Cet imbécile. Il n'a jamais rien compris. »
Et là, il m'a tout raconté. La vérité. Sa première femme, la mère de Roderick, souffrait de graves troubles mentaux. Leur mariage était un arrangement voué à l'échec. C'est elle qui l'avait drogué pour tomber enceinte, espérant le retenir. Elle s'était suicidée des années après leur séparation, dans une crise de démence, sans que ma mère n'ait jamais rien eu à voir là-dedans.
« Ma relation avec ta mère a commencé bien après. Elle a été ma lumière dans les ténèbres. »
Il m'a montré le contrat de mariage original, qui stipulait clairement les termes de l'arrangement et la séparation prévue.
J'ai tout enregistré avec mon téléphone.
J'ai préparé un cadeau pour Roderick. Une jolie boîte, avec une clé USB et une copie du contrat de mariage à l'intérieur.
Quand il est entré dans ma chambre, il a remarqué que tous les cadeaux qu'il m'avait faits avaient disparu.
« Où sont tes affaires ? »
« Je les ai rangées. Pour ne pas les abîmer. »
Il m'a tendu une robe magnifique.
« Mets ça ce soir. Après mon discours, j'annoncerai au monde entier que je t'aime et que nous allons nous marier. »
J'ai accepté sans un mot. Puis je lui ai tendu mon cadeau.
« C'est pour toi. Mais promets-moi de ne l'ouvrir qu'au moment où tu commenceras ton discours. »
Il a ri, pensant que c'était un caprice romantique.
« Promis. »
Ce soir-là, alors que les invités commençaient à arriver, j'ai quitté le château par une porte dérobée. Ma mère et le père de Roderick m'attendaient dans une voiture.
Dans l'avion, au-dessus de l'Atlantique, j'ai envoyé un dernier message à Roderick. « Joyeux anniversaire. J'espère que tu aimeras mon cadeau. »
Puis, je l'ai bloqué.