Chapitre 3 Révélation

༆Cataleya༆

Après nous avoir vaguement fouillé sous le regard lubrique des trois gorilles, le prospect a déclaré qu'il n'y avait rien à signaler. Tout y est passé, même ma voiture. Que croyait-il trouver au juste ? Une arme de destruction massive ! C'est dans un état de rage que je suis remontée dans ma bagnole, ma meilleure amie à ma suite. Ils se prennent pour qui sérieux ? Les parrains de la mafia !!!

Je ne me suis jamais fait fouillée, même pas par des flics et eux... Dire que je suis énervée est un euphémisme. Je regrette d'autant plus que Sarah est due subir tout ça. Après cet épisode dérangeant, nous avons remonté les vitres teintées, comme pour nous protéger d'un éventuel danger. D'ailleurs le sommes nous ?

Un frisson désagréable me glace le sang à l'idée de la mettre dans une situation qui m'échapperait.

- Je suis désolée, dis-je d'une petite voix.

- Ce n'est pas de ta faute Leya ! Et puis, il a été respectueux, donc il n'y a pas de mal ! Contre toute attente sa voix est calme et douce.

Comment peut-elle être aussi posée alors que moi je fulmine de rage ? Je la regarde brièvement, les mains crispées sur le volant. Elle a l'air sincère dans ses propos et je ne cherche pas plus loin. Je la connais assez pour savoir que si elle avait quelque chose à me dire, elle ne se gênerait pas. Nous sommes escortées par les bikers vers la propriété, Peter ouvrant la marche.

Au volant de son engin de malheur, les cheveux dansants au grès du vent, il prend soin de rouler au pas, me laissant tout le loisir d'admirer la vue. Je lui en suis reconnaissante et ça m'apaise. Peter a toujours été bienveillant avec moi, il faisait souvent tampon entre son meilleur ami et la fille trop ronde que j'étais. Difficile de croire qu'ils sont cousins et pourtant l'emblème placardé dans son large dos en est la preuve.

Ce squelette hurlant, que j'ai déjà pu admirer dans ma jeunesse et qui me fait froid dans le dos. Je sais ce qu'il signifie, enfin du moins 'qui' le représente. J'ai remarqué aussi les nombreux écussons brodés sur sa veste. Sur l'un d'entre eux j'ai pu lire 'Trésorier'. Ce qui signifie que ce Club rentre de l'argent. Mais comment ? Comment gagent-ils leurs vies ?

Je ne connais pas grand chose au fonctionnement d'un Club de motards vu le temps abrégé que j'ai passé ici, mais je me souviens des propos que Kalisha avait tenue lors de l'une de nos conversations :

- C'est une sorte de grande famille et super bien organisée. Ma mère m'a dit qu'ils avaient leurs propres hiérarchies et leurs règles. Ils sont implantés ici depuis des générations, mais depuis quelques temps un autre club leur pose des problèmes. M'avait-elle expliqué. Vaut mieux pas leurs chercher d'ennuis. Ils sont dangereux tu sais ! Une fois j'ai vu l'un d'eux se battre contre un mec de l'autre clan, pour je ne sais quelle raison, le pauvre type a séjourné deux semaines à l'hosto pour trama crânien ! Le mieux, c'est de rester loin d'eux Leya je te jure.

Loin d'eux. J'aurais aimé rester loin d'eux, mais à cette époque nous étions des adolescents qui se côtoyaient dans les couloirs du lycée où lors des soirées. Compliqué de rester en retrait et de les éviter. Exaspérée par tout ça, mon regard se perd sur les pins qui bordent l'allée formant une haie d'honneur.

J'ai toujours aimé cet endroit, si près de la nature. Ils semblent plus grands et leurs racines déforment la route, créant tantôt des bosses puis des nids de poules. Et puis mon souffle se coupe en apercevant le garage de mon adolescence et plus loin MA grange. Mon cœur se serre douloureusement alors que je suis submergée de souvenirs.

La maison chaleureuse où j'ai vécue est toujours debout, au milieu de cette étendue verdoyante. Je fronce les sourcils, contrariée. Je sens que ce que je m'apprête à découvrir ne va pas du tout me plaire. Une dizaine de motos semblables à celles qui nous précèdent sont stationnées le long de la maison et quelques hommes errent sur le terrain, tous arborant ce foutu blouson en cuir.

- Je ne m'attendais pas à ça ! C'est immense ! s'exclame la passagère.

- Moi non plus, rétorque-je complètement sidérée. Tous mes muscles sont tendus à l'extrême, comme parés à encaisser un coup.

Bordel mais qu'est-ce qui ce passe ?

Les motos se garent dans un vacarme monstrueux à la suite des autres, parfaitement alignées. Je remarque trois types en cuir installés sous le porche qui scrute notre arrivée les sourcils froncés. Eux ne peuvent pas voir les occupants grâce aux fumés des vitres.

- Putain mais c'est quoi ce bordel ? Pourquoi sont-ils tous ici ? grommelle-je.

- On va vite le savoir je pense.

Je me gare un peu en retrait, voulant retarder l'affrontement, juste à côté d'un énorme pick up GMC noir mat.

- Garde à l'esprit que tu es ici chez toi Leya, reprend Sarah. Tu es en droit d'être ici d'accord. Je sais qu'elle dit vrai. Ce ne sont pas eux dont j'ai peur, mais de mes réactions et celle de Psyko.

Quand elle le verra, elle comprendra pourquoi je suis dans tout mes états. Deux coups francs sont donnés à la vitre, nous faisant sursauter. Ma portière s'ouvre sur Peter, son regard indéchiffrable nous parcourt un instant sans rien dire. Il s'appuie de son bras gauche au montant et se penche légèrement :

- Je vais te conduire à Dean, mais sache quand se moment c'est la merde, alors reste à ta place et tout se passera bien ok ?

Sa voix est basse, sourde et me colle des frissons dans tout le corps. Je ne sais pas à quoi m'attendre et les propos du biker me donnent envie de prendre mes jambes à mon cou.

- Serait-ce une menace monsieur ? reprend soudain Sarah. Peter lève les yeux sur mon amie, la sonde.

- Non meuf, juste un conseil. Un duel visuel s'enclenche alors entre les deux. Sarah n'est pas du genre à se laisser impressionner par qui qui se soit, encore moins quand il s'agit d'un homme, quel qu'il soit.

Peut-être devrais-je lui dire de ne pas tenir tête à l'un d'eux au vu de mon passé ? Mais je n'en fais rien, je suis fatiguée de tout ce cirque, de la route et de cette chaleur insupportable. Je veux savoir pourquoi j'ai dû revenir et tout de suite. Je me racle la gorge pour attirer leur attention et poursuis :

- Très bien Peter, on sera discrète. Maintenant amène nous voir mon père veux-tu ?

Son regard se pose enfin sur moi, puis il se redresse sans rien ajouter et s'efface juste assez pour me laisser descendre. Je jete un œil à Sarah, sa bouche formant une fine ligne m'indique qu'elle est à bout. Je presse sa main ne voulant pas qu'elle explose, pas maintenant.

- Reste avec moi s'il te plaît ! la supplie-je

- Non mais quel con ce type ! On ne lui a pas appris à parler à une femme ou quoi ? s'exclame-t-elle.

- Je vous entends... magnez-vous maintenant j'ai pas toute la journée.

Ok pour la discrétion on repassera !

Dans un soupir de frustration Sarah ouvre sa portière à la volée et sort de l'habitacle. Elle fait claquer celle-ci, preuve de son agacement. Elle contourne la voiture pour rejoindre mon côté. Je ferme mes paupières et inspire profondément essayant de calmer mon palpitant qui bat violemment dans ma cage thoracique. Une fois qu'il a retrouvé un semble de rythme normal, je sors à mon tour.

L'air du dehors pourrait me faire du bien s'il n'était pas aussi chaud. Je suis moite de sueur, pourtant à peine suis je redressée complètement qu'un frisson me glace le sang. Je sens que nous sommes observées et ça me pétrifie. J'ai la sensation d'être un agneau pourchassé par des loups sanguinaires. Le regard de Peter s'ancre au mien, je m'y accroche désespérément pour ne pas flancher. Sa voix est douce, quand il déclare :

- Ne vous éloignez pas de moi et...

Soudain son regard file par dessus mon épaule l'empêchant de terminer sa phrase. Tout mon corps se contracte en écho, sentant un danger imminent, juste avant qu'une voix sourde, résonne dans chaque fibre de mon être.

- Tu nous ramènes de la chair fraîche mon frère ?

Cette voix cassée, que je détestais dans le passé, je la reconnaîtrais même une décennie plus tard.

Elle est plus grave que dans mes souvenirs, sûrement dû à tous les excès qu'il lui inflige, mais c'est bien elle. Me percute de plein fouet, réveillant chaque cellule, chaque muscle de mon corps. Je ferme les yeux aussi fort que possible, mes ongles se plantent dans les paumes de mes mains m'insufflant une douleur nécessaire pour rester connectée à la réalité. J'ai besoin de garder le contrôle sur mon esprit.

Les petits cheveux de ma nuque se hérissent, elle me brûle, preuve que son regard est posé à cet endroit. J'entends ses pas lourds et traînant racler le sol cramé par le soleil, il se rapproche et j'ai l'impression que je vais exploser en petits morceaux tant la tension est extrême.

- Ça m'a l'air plutôt pas mal vu d'ici. continu-t-il.

Il est maintenant juste derrière moi, très près et je tremble comme une feuille. Peter doit sentir ma détresse et pose une main salvatrice sur mon épaule.

- Psyko ! C'est pas le moment frangin. C'est un colis... spécial. Je dois les amener voir Dean. déclare-t-il en me tirant vers lui, m'éloignant un peu de son cousin.

Je suis maintenant qu'à quelques centimètres du trésorier qui semble vouloir me protéger en assurant mon anonymat, mais c'est mal connaître Psyko. Il aime tout contrôler et sa déclaration vient de l'intriguer.

- Ok ! Mais elles ont quoi de si spéciales ces brebis pour rencontrer Dean.

- C'est pas des brebis mec, grogne mon protecteur. Brebis ?

Je ne sais pas ce que cela signifie mais cette appellation sonne comme une insulte sur leurs langues. Je ne m'attarde pas sur la question ne voulant pas perdre une miette de leur échange. Toujours dos à Psyko, qui ne semble m'avoir reconnu, j'espère seulement qu'il va tourner les talons. Peut-être Peter va-t-il réussir à me rendre insignifiante et que le chien de l'enfer retournera au panier ?

À cette image, un rictus étire mes lèvres. Soudain une question me vient à l'esprit. Si Peter est le trésorier de ce... club, qu'en est-il de lui ?

- Oh allez, c'est pas comme si on ne se prêtait jamais nos affaires frangin ! Dean n'en saura rien. J'entends à sa voix, son arrogance teintée d'un amusement évident. Non mais quel salop !

Je tourne ma tête en direction de ma meilleure amie. Elle a fait un pas en retrait, son beau visage est fermé et ses bras croisés sur sa poitrine comme si elle tenait un bouclier pour la protéger. Psyko doit dégager cette aura de noirceur qui le caractérise tant pour qu'elle se recroqueville de cette façon, et je la comprends.

Déjà à l'époque il me faisait cet effet. M'intimidant. Mais aujourd'hui, je ne suis plus cette pathétique gamine apeurée face à lui. Aujourd'hui je ne veux plus avoir peur ! Il ne me brisera plus comme il a eu fait par le passé. Si lui n'a pas changé, moi si ! Ma détermination nouvellement retrouvée me donne l'impulsion nécessaire pour l'affronter.

Elle coule comme de la lave en fusion dans mes veines. Alors dans un mouvement lent, calculé, je me tourne pour lui faire face. Mon regard encore au sol, rencontre en premier des boots noires poussiéreuses dont les boucles sont défaites. Puis un jean complètement destroy bas sur des hanches fines, une ceinture l'empêchant de tomber. Mon regard remonte, lentement, détaillant chaque parcelle de son corps. Il porte un tee-shirt noir sous son blouson de cuir orné de ces fameux patchs, dissimulant un corps massif, viril. Je peux lire « V. Président» sur l'un d'eux me révélant ainsi quelle fonction il occupe désormais.

Je n'y connais rien dans leur hiérarchie, mais je ne suis une attardée non plus. J'en déduis donc qu'il est le bras droit du chef. Quoi de plus logique, quand on sait qu'il en est son fils. Mon rythme cardiaque déjà laborieux, devient maintenant chaotique. Une étrange sensation s'infiltre dans mon ventre. Comme si des milliers de papillons venaient de prendre vie, là, au creux de mes entrailles. J'essaye de ne pas y prêter attention et continue malgré tout mon exploration et tombe sur un large cou peint de noir mais ne m'attarde pas sur celui-ci, voulant accélérer cette torture visuelle.

Une barbe noire, pas très longue cachant sa mâchoire carrée. Des lèvres pulpeuses, et puis c'est la chute. Un saut périlleux dans l'abysse des ténèbres, quand mon regard se perd dans le sien. Mon cœur rate un battement, peut-être deux, pour reprendre sa course folle. Je n'entends que le son du tambour, qui bat violemment contre mes côtés, jusqu'à bourdonner dans mes oreilles. Je ne vois plus que le feu de ses yeux noisette où une tempête fait rage.

- Psyko...

La voix de Peter est un avertissement, lourde. La mâchoire du Hadès est tellement contractée que j'en devine chaque muscle. Chaque soubresaut. Un grognement s'échappe de ses lèvres du plus profond de son thorax. Se répercute dans mon corps brisant un peu plus mon armure. Puis dans un sourire carnassier qui découvre ses dents blanches, lance d'une voix menaçante :

- C'est quoi ces conneries ? Qu'est-ce qu'elle fout ici ? Et pourquoi on m'a pas prévenu bordel ? hurle-t-il. Il recule sans jamais décrocher son regard haineux du mien. Le ton est donné !

- Tu ne te doutes pas pourquoi elle est ici mon frère ? Vu la situation ! questionne son cousin.

À son interrogation je me tourne vers lui. Quelle idiote !

J'aurais dû me douter qu'ils étaient au courant de la 'situation'. Mais alors pourquoi personne ne veut me mettre au parfum ? Pourquoi me faire venir et me laisser dans le néant ? S'en est trop ! Mes poings s'abattent sur mes hanches :

- Et qu'elle est la situation Peter ? demande-je. Son regard est toujours braqué vers l'homme de tous mes tourments, sa mâchoire est tellement serrée que j'ai peur qu'il ne se brise les dents. Devant son mutisme j'ai l'impression de devenir folle alors je hurle :

- Vous allez me répondre oui ou merde ?

- Psyko, Doc, réunion et elles aussi, nous interrompt une voix rauque derrière nous. J'imite les bikers et regarde d'où vient cette voix.

En haut du perron se tient Monsieur William Sullyvan. Personne ne bouge comme si cet homme avait le don de transformer ce qu'il le regardait en statue de pierre. Moi, je ne l'entends pas de cette oreille. J'attrape la main de Sarah et fonce vers ce qui devrait être le Président des Hadès. Lui pourra m'éclairer. Lui sait.

Arrivée à son hauteur, il n'a pas bougé, toujours perché en haut des marches. Je me sens petite mais me plante devant lui, redresse la tête, et croise les bras sur ma poitrine.

- Qu'est-ce qui se passe ? balance-je de but en blanc.

Il porte à sa bouche son cigare et en aspire le goudron.

Il me toise un moment de son regard sombre, croyant me déstabiliser. C'est encore un bel homme, dans la fleur de l'âge malgré les quelques rides que je peux distinguer autour de ses yeux. Ses cheveux et sa barbe sont parsemés de touches banches lui conférant un certain charisme.

Les années n'ont pas fait de ravage sur sa peau tannée par le soleil, comme pour son fils, elles l'ont même embelli. Quoi ? Non mais je divague complètement là ! Je tape frénétiquement mon pied sur le sol, ma patience s'effritant au fil des secondes. Il doit le faire exprès car un coin de sa lèvre se soulève. Il se fou de moi ou quoi !

- Je vous amuse Monsieur Sullyvan ? demande-je.

- Tu m'as toujours amusé gamine. Maintenant que les autres petits cons décident de nous rejoindre on va pouvoir discuter.

Sur ses mots il tourne les talons et entre dans la maison suivit par une armoire à glace sortie de nulle part. C'est décider c'est lui le plus flippant de tous. Ou plutôt fascinant. Son blouson identique aux autres est tellement tiré sur ses muscles, que je jurerai qu'il va s'ouvrir en deux. Mais ce sont ses tatouages qu'il affiche sur le visage et probablement sur tout le corps ainsi que sa coupe de cheveux. Une sorte de crête comme les Indiens de l'époque. Une toile de peintre vivante.

- On devrait les suivre, me souffle Sarah.

Mon dieu quelle amie merdique je fais ! Je l'ai presque oublié tellement je suis obnubilée par le dernier des Mohicans. Comment pourrais-je la remercier d'être une amie si parfaite ? Toujours présente, à l'écoute. Je ne le pourrais pas ! Je lui adresse un sourire timide et lui attrape la main. Je la guide en haut des marches et pénètre d'un pas fébrile à l'intérieur.

Je suis de suite happée par l'odeur de pins, et de tarte aux pommes. Cette fragrance m'inonde de souvenir où je revois ma mère aux fourneaux, préparant mon dessert préféré. Rien n'a changé ou presque. Les mêmes meubles disposés ça et là, la même tapisserie crème bien qu'un peu ternie. Juste en face de moi se trouve l'escalier en bois menant vers l'étage. Sur ma droite la salle à manger où je prenais mes repas en famille ouverte sur la cuisine. À gauche se trouve le salon avec sa magnifique cheminée où nous faisions crépiter le feu.

Ma vue se brouille et une larme traîtresse dévale ma joue. C'est à ce moment là que les pas lourds si caractéristiques de Mayron me tirent de mes songes. Je la chasse rageusement, ne voulant pas qu'il me voit pleurer. Il se poste à côté de moi, fait claquer sa langue et soupire. Je n'ose pas le regarder mais je sais ce qu'il va dire. Et ça ne loupe pas :

- Toujours en train de chialer petite chose ?

Quel enflure !!

Je serre les dents ne voulant pas rentrer dans son jeu. Je suis bien trop chamboulée et j'ai surtout des choses plus importantes à régler. Je le contourne donc, sans un mot, la main toujours cramponnée à Sarah. Je sais parfaitement où je dois me rendre et je compte avoir le fin mot de cette histoire.

༆༆༆༆

Après avoir longée le couloir, je m'arrête devant la porte du bureau de mon père. La porte est entre ouverte et des voix filtres par l'entre bâillement. Je peux reconnaître le timbre de Monsieur Sullyvan mais ne discerne pas ce qu'il dit. Je pousse alors la porte et ma respiration se bloque dans ma tranchée.

Je reconnais immédiatement le dos massif de Dean Cooper. Mon père. Celui-ci est assis sur la chaise où prennent place les visiteurs habituellement. Ses épaules et sa tête ploient vers le sol, comme si un poids énorme lui pesait.

- Entre gamine et vous aussi bande de petits cons.

Soudain la tension dans la pièce décuple à la simple déclaration du chef. Ce n'est que à ce moment là que je détourne les yeux de mon père, prostré sur sa chaise, et que je comprends que les deux autres bikers sont derrière moi. Je m'autorise quand même une minute supplémentaire pour découvrir mon environnement. Ici non plus rien n'a changé. Le mobilier de type industriel, le pan de mur en brique rouge derrière le large bureau en fer noir ensevelit sous une montagne de papiers.

Le canapé rouge en velours sous la fenêtre et les cadres de voitures sont toujours à la même place. Mon regard rencontre celui du jeune homme croisé un peu plus tôt devant la grille. Cam' si mes souvenirs sont bons. Je ne l'avais pas vu avant pourtant il se tient a quelques pas de moi.

Je me décide à rentrer dans la pièce, Sarah toujours à ma suite.

- Bougez vos culs, on a pas toutes la journée bordel !

Ils entrent également dans le bureau, en émettant des râles de protestations. Un véritable troupeau martèle le plancher. Même là, ils prennent place suivant leur hiérarchie. Sans hésitation, le Chien de l'Enfer s'installe à la droite de son père, Peter à côté de celui-ci. Le Mohican debout à la gauche de Squall. J'ai l'impression d'être dans un tribunal face à ces hommes et que la sentence va m'être fatale.

- Très bien, maintenant que les filles ont fini de repoudrer leur nez, on va pouvoir commencer.

Il ne me laisse pas le temps de rebondir et enchaîne :

- Si ton père t'a demandé de rentrer, tu te doutes bien qu'il sait passé quelques choses de grave n'est-ce pas Leya ? déclare t-il en accrochant son regard au mien.

Je déglutis difficilement ma salive, le cœur s'effritant à chacune de ses palpitations. Je hoche simplement la tête en guise de réponse, n'ayant pas la force de desceller les lèvres.

- Pour faire court gamine, ton père et moi avons un contrat mais surtout il est devenu un ami, un membre de ma famille. Et en tant que tel, avec ce qui se passe, je me dois de vous protéger. C'est pourquoi on t'a demandé de rentrer. Étant donné la crise à laquelle nous faisons face, on a décidé d'agir au mieux pour les nôtres. Je ne vais pas rentrer dans les détails parce que c'est une histoire qui concerne le Club, alors à partir d'aujourd'hui tu vas vivre à notre QG, avec nous et ta famille, le temps que toute cette merde ce calme. Ta mère est déjà sur place avec les régulières pour tout préparer. La situation es....

A cette information je tique. Il évoque ma mère, mais seulement elle. Ma question fuse d'entre mes lèvres lui coupant la parole :

- Et ma sœur ? Elle aussi est là-bas ? Le silence. Voilà ce qui me répond.

Je regarde tour à tour les hommes qui me font face. Mayron me fixe intensément, la mâchoire contractée, son couteau papillon avec lequel il se cure les ongles s'est figé dans les airs. Peter triture des papiers et grogne. Les quatre autres personnes présentent, dont mon père, n'émettent aucun bruit, aucun mouvement.

- C'est là que j'en viens gamine. Ta sœur s'est fait enlevée...

À suivre...

            
            

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