Alors qu'elle se relevait, une voix mielleuse la fit sursauter.
« Comme c'est touchant. La petite Cendrillon vient pleurer sur la tombe de son seul allié. »
Carole Green se tenait là, un sourire narquois aux lèvres. Elle portait une robe rouge qui contrastait violemment avec la quiétude du lieu.
« Que fais-tu ici, Carole ? » demanda Juliette, sa voix calme.
« Je me demandais ce que la sainte-nitouche fabriquait. Une galette ? Pour un mort ? C'est ridicule. »
Avant que Juliette ne puisse réagir, Carole donna un coup de pied dans le gâteau. La frangipane et la pâte feuilletée s'écrasèrent contre la pierre tombale, souillant le nom d'Édouard Moore.
Une rage froide envahit Juliette. C'était une profanation. Sans réfléchir, elle attrapa le bras de Carole. « Comment oses-tu ? »
« Lâche-moi, espèce de folle ! » cria Carole, se débattant. Elle fit semblant de trébucher et tomba au sol, poussant un cri perçant. « Au secours ! Elle m'agresse ! »
Alan arriva en courant, le visage déformé par la fureur. Il ne chercha pas à comprendre. Il vit Carole à terre, en larmes, et Juliette debout, le visage dur.
« Juliette ! Qu'est-ce que tu as fait ? »
« Elle a détruit le gâteau pour ton grand-père ! »
« Elle dit que tu l'as poussée ! » rétorqua Alan. Il s'approcha d'elle, menaçant. « Tu es jalouse, c'est ça ? Tu ne supportes pas de la voir à mes côtés ? »
Il la saisit brutalement par le bras, ses doigts s'enfonçant dans sa chair. « Tu me fais honte. »
La douleur physique n'était rien comparée à l'humiliation. Il la traîna hors du cimetière, la jetant presque dehors. « Pars. Je ne veux plus jamais te voir dans cette maison. »
Juliette le regarda, le cœur vide de toute émotion. Elle vit Alan se pencher sur Carole, la réconforter, la prendre dans ses bras et l'embrasser tendrement. C'était la dernière image dont elle avait besoin. Le dernier lien qui la retenait à ce passé venait de se briser.
Elle remonta dans sa voiture, les mains tremblantes, non de peur, mais de détermination. Sur le chemin du retour vers Paris, elle ne pleura pas. Elle planifiait.
Les jours suivants, son bras était couvert d'un hématome violacé. Alan ne prit jamais de ses nouvelles. Carole, en revanche, lui envoya une photo d'elle et Alan, souriants, avec la légende : « Merci de nous avoir laissés seuls. Nous passons un excellent week-end. »
Juliette ne répondit pas. Elle vida ses placards. Les robes de soirée, les bijoux, les cadeaux qu'il lui avait faits, tout fut emballé dans des cartons. Elle les fit livrer à une œuvre de charité.
Quand Alan rentra enfin à Paris, il la trouva dans le salon, entourée de boîtes vides.
« Qu'est-ce que c'est que ce cirque ? » demanda-t-il, irrité.
« Je me débarrasse du passé, » répondit-elle simplement.
Il la regarda, perplexe. Son calme le déstabilisait. Elle n'était plus la femme larmoyante et dépendante qu'il connaissait.
« Je ne veux plus de toi, Alan, » répéta-t-elle, chaque mot pesé. « Je ne veux plus de ta vie, de ton nom, de ton argent. Je ne veux plus rien qui vienne de toi. »