Chapitre 1

Je m'appelle Amélie, et je suis une mauvaise graine.

C'est ce que mon père disait toujours, juste avant de me frapper.

J'ai grandi dans les quartiers nord de Marseille, là où la pauvreté et la violence sont le pain quotidien. Pour survivre, j'ai appris à être plus maligne, plus rapide et plus impitoyable que les autres.

À seize ans, j'en ai eu assez. J'ai mis le feu à notre appartement miteux pendant que mon père dormait, ivre mort. Je ne me suis jamais retournée.

Pour échapper à la rue, je me suis vendue au patron d'une usine de traitement de poisson. Une vie misérable, mais une vie quand même. C'est là que j'ai vu Chloé pour la première fois.

Elle était venue avec son père, l'armateur, pour une visite. Elle ressemblait à un ange tombé dans un tas d'ordures. Belle, naïve, douce.

J'ai vu ma porte de sortie.

J'ai changé. J'ai coupé mes cheveux courts, adopté un look androgyne, et je me suis mise à dessiner sur les quais. Un jour, elle m'a remarquée. J'ai joué la carte de l'artiste torturée, et elle a mordu à l'hameçon.

Bientôt, j'étais son assistante personnelle, sa confidente. Sa petite ombre.

Son père, un homme froid et pragmatique, m'a convoquée dans son bureau.

« Reste à ta place, petite. Tu n'es qu'une employée. »

Je lui ai souri, docilement. Mais chaque jour, j'ajoutais une petite quantité d'une poudre incolore dans son thé. Rien de mortel, juste assez pour affaiblir son cœur, le rendre confus et dépendant des médecins.

Quand il a fait sa première crise cardiaque, Chloé s'est effondrée dans mes bras. J'étais devenue indispensable.

Mon plan était simple : la suivre à Paris après son mariage arrangé avec Damien, l'héritier d'une riche famille de banquiers. J'allais enfin avoir la vie que je méritais.

Mais une semaine avant le mariage, tout a basculé.

Chloé est entrée dans ma chambre, le visage rayonnant et terrifié à la fois.

« Amélie, je suis enceinte. »

Mon cœur s'est arrêté.

« Ce n'est pas de Damien, » a-t-elle ajouté dans un souffle. « C'est de Luc. Je vais tout annuler. Nous allons nous enfuir, vivre une vie simple et heureuse. »

Luc. Son amant secret. Un peintre bohème d'une quarantaine d'années qui lui faisait la cour depuis des mois. Une vie simple ? La fuite de Chloé signifiait ma ruine, mon retour à l'usine de poisson, ou pire.

Je ne pouvais pas laisser faire ça.

Cette nuit-là, j'ai retrouvé Luc dans son atelier. Il m'a accueillie avec un sourire charmeur, pensant que j'étais une messagère de Chloé. J'ai versé un puissant somnifère dans son verre de vin.

Quand il s'est effondré, je l'ai traîné sur le sol. J'ai pris le couteau à palette le plus aiguisé de sa collection. Il s'est réveillé juste à temps pour voir ce que je faisais, ses yeux remplis d'une horreur absolue.

Je l'ai castré. Brutalement. Sans hésitation.

Alors que le sang giclait sur mon visage, quelque chose d'étrange est apparu devant mes yeux. Des lettres blanches, flottantes, comme des sous-titres dans un film.

[Bulletin : L'héroïne a été trompée ! L'amant secret "Luc" est en réalité le chef du syndicat du crime corse, un rival mortel de la famille de Chloé.]

Je suis restée figée, le couteau à la main. Un chef de la pègre ? J'avais émasculé un chef de la pègre.

La panique a été vite remplacée par une froide détermination. La situation était pire que ce que je pensais, mais le jeu venait de devenir beaucoup plus intéressant.