J'ai atteint la dernière phrase, la plus intime, celle qui m'avait fait rougir même en la lisant seule.
« Le jour où tu as fait tomber tes livres près de la bibliothèque, j'ai ramassé ton stylo. Je le garde comme un trésor. »
Le silence était total, puis des chuchotements ont éclaté.
« Un stylo ? C'est tellement cliché. »
« Qui ça peut bien être ? Un matheux, apparemment. »
« Pauvre Élodie, quelle honte. »
Mon visage brûlait. J'aurais voulu disparaître.
C'est à ce moment-là que Léo s'est levé.
Le mouvement était calme, mais décidé. Il a fait un pas en avant.
Tous les regards se sont tournés vers lui, y compris celui de sa mère.
« Arrêtez. »
Sa voix était grave, posée, mais elle a résonné dans tout l'amphithéâtre.
Madame Dubois a paru surprise, puis un éclair de fierté a traversé son visage.
« Léo ? Très bien. Tu as raison. Cette mascarade a assez duré. Sais-tu qui a écrit cette lettre ? Dis-le nous. Aide-nous à mettre fin à ce cirque. »
Elle était convaincue qu'il allait dénoncer un camarade, jouer son rôle de fils parfait et de gardien de l'ordre.
Le proviseur s'est approché, l'air soulagé. « Oui, Léo. Si tu sais quelque chose, parle. Nous devons maintenir la discipline. »
Léo n'a pas regardé le proviseur. Il n'a pas regardé sa mère.
Il me regardait, moi.
Ses yeux, habituellement froids et distants, étaient remplis d'une émotion que je n'arrivais pas à déchiffrer.
« Madame, » ai-je dit d'une voix faible, en fixant Madame Dubois, « je vous assure, ce n'est pas son écriture. Je ne reconnais pas... »
Je voulais le protéger. Je voulais que tout s'arrête.
Madame Dubois a hoché la tête, satisfaite.
« Vous voyez ? Elle le dit elle-même. Léo, mon fils, ne perdrait jamais son temps avec de telles absurdités. Il est au-dessus de ça. »
Elle a posé une main sur l'épaule de son fils, comme pour le présenter en exemple.
« Alors, Léo. Le nom. »
Léo a doucement retiré la main de sa mère.
Il a pris une profonde inspiration.
Puis, il a parlé, et le monde a basculé.
« C'est moi. »