Ma Liberté, Ton Remords
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Chapitre 1

Dix ans de mariage.

Dix ans avec Antoine Moreau.

Ce soir, tout s'est brisé.

Je l'ai vu.

Dans notre propre salon.

Antoine et Chloé, ma petite sœur.

Ils s'embrassaient.

Pas un baiser innocent.

Un baiser passionné, dévorant.

Mon cœur s'est arrêté.

Puis il a explosé en mille morceaux.

J'ai laissé tomber le plateau de thé que j'apportais.

Le bruit a fait sursauter les amants.

Antoine m'a regardée, à peine surpris, plutôt agacé.

Chloé a eu un petit cri, cachant son visage contre l'épaule d'Antoine.

« Amélie, » a dit Antoine, sa voix froide. « Tu es rentrée tôt. »

« Divorçons, Antoine, » ai-je réussi à articuler, ma voix tremblante.

Il a ri. Un rire sec, méprisant.

« Divorcer ? Pour ça ? Ne sois pas ridicule, Amélie. »

Il a refusé. Catégoriquement.

Désespérée, je me suis enfermée dans notre chambre.

Mon vieux téléphone, celui que j'avais à l'université, était au fond d'un tiroir.

Je ne sais pas pourquoi, mais je l'ai pris.

J'ai composé le numéro d'Antoine. Son ancien numéro d'étudiant.

Une sonnerie. Deux.

Une voix jeune, hésitante, a répondu.

« Allô ? »

C'était Antoine. Mais pas mon Antoine.

C'était l'Antoine de dix-neuf ans.

« Antoine ? » ai-je demandé, ma voix étranglée.

« Oui ? C'est qui ? Amélie ? C'est toi ? Ta voix est bizarre. »

Le jeune Antoine.

L'Antoine qui m'aimait.

L'Antoine qui me regardait avec des étoiles dans les yeux.

« Antoine, » ai-je pleuré. « Tu vas me tromper. Tu vas me détruire. »

Un silence.

Puis sa voix, pleine d'incrédulité et d'horreur.

« Quoi ? Te tromper ? Jamais ! Amélie, je t'aime plus que tout au monde. Je préférerais mourir plutôt que de te faire du mal ! Si je te trompe un jour, que la foudre me frappe sur-le-champ ! »

Ses mots, si sincères, si passionnés.

Ils me transperçaient le cœur.

L'ironie était trop cruelle.

Quelques heures plus tard, l'Antoine actuel, mon mari, a défoncé la porte de la chambre.

Il tenait un papier froissé à la main.

Une liste que j'avais gribouillée : "Avocat. Divorce. Preuves."

« C'est quoi, ça ? » a-t-il hurlé.

Son visage était rouge de colère.

« Tu oses penser au divorce ? Après tout ce que j'ai fait pour toi ? »

« Tout ce que tu as fait pour moi ? » ai-je répété, incrédule.

« Oui ! Cette maison, cette vie ! Tu crois que tu aurais ça sans moi ? »

Il a secoué le papier devant mon visage.

« Tu m'accuses d'infidélité ? C'est juste Chloé, elle était triste, je la réconfortais. Tu es paranoïaque. »

Il a réduit sa trahison à un malentendu, à un geste de réconfort.

Ma colère a monté, brûlante.

« Te réconforter ? Antoine, je vous ai vus ! »

J'ai attrapé mon téléphone, celui que j'utilisais tous les jours.

J'ai ouvert la galerie.

Une photo.

Prise discrètement la semaine dernière.

Antoine et Chloé, main dans la main, sortant d'un hôtel de luxe.

Je lui ai jeté le téléphone au visage.

Il l'a regardé.

Une fraction de seconde, j'ai cru voir de la culpabilité dans ses yeux.

Mais elle a disparu aussi vite qu'elle était venue.

Il a levé les yeux vers moi, son regard dur comme la pierre.

« Et alors ? Tu vas faire quoi ? Pleurer ? Me quitter ? Tu n'as nulle part où aller, Amélie. »

Son mépris me glaçait le sang.

Le lendemain matin, il est entré dans la chambre comme si de rien n'était.

« Prépare-toi. On va déjeuner chez tes parents. C'est l'anniversaire de Chloé. »

« Je n'irai pas, » ai-je dit, ma voix faible mais ferme.

Il s'est approché, menaçant.

« Tu iras. Et tu souriras. Tu feras comme si tout allait bien. Compris ? »

Il n'y avait pas de place pour la discussion.

Ses ordres étaient des lois dans cette maison.

J'ai hoché la tête, vaincue.

La contrainte était son arme préférée.

Chez mes parents, l'ambiance était glaciale.

Maman et Papa m'ont prise à part dans la cuisine.

« Amélie, » a commencé Maman, son ton désapprobateur. « Antoine nous a parlé. Cette histoire de divorce... »

« C'est ridicule, » a enchaîné Papa. « Tu devrais avoir honte. »

Puis Maman a lâché la bombe.

« Tu devrais divorcer, Amélie. Pour le bien de Chloé. »

J'ai cru mal entendre.

« Quoi ? »

« Antoine est un homme bien. Un architecte renommé. Chloé l'aime. Et franchement, Amélie, regarde-toi. Depuis ton... accident. »

Elle a désigné mon visage.

La cicatrice.

Souvenir de l'incendie à l'université, où j'avais sauvé Antoine.

« Chloé est jeune, belle. Elle mérite mieux. Elle est populaire, elle a une image à tenir. Toi... tu es un fardeau. »

La trahison de mes propres parents.

C'était un coup de poignard.

Papa a renchéri, sa voix dure.

« Chloé est malade, tu le sais. Sa maladie rare... elle a besoin d'Antoine. Elle a besoin de stabilité. Et elle a besoin de ton sang. »

Mes dons de sang réguliers.

Pour la "santé fragile" de Chloé.

« Tu as déjà tant sacrifié pour elle, Amélie. Un dernier sacrifice. Qu'est-ce que ça change ? »

La pression était insoutenable.

Ils utilisaient ma culpabilité, mes sacrifices passés.

Tout pour favoriser Chloé.

L'exploitation. L'abus émotionnel.

C'était toute ma vie avec eux.

J'ai senti quelque chose se briser en moi.

Une résignation amère.

« D'accord, » ai-je dit, ma voix vide. « Je... je le ferai. Pour Chloé. Pour la dernière fois. »

J'ai levé les yeux vers eux, et une force nouvelle, froide, m'a envahie.

« Mais après ça, c'est fini. Vous n'êtes plus mes parents. Je n'ai plus de famille. »

Un silence choqué a suivi ma déclaration.

Maman a ouvert la bouche, puis l'a refermée.

Papa a froncé les sourcils, mais n'a rien dit.

La libération partielle avait un goût amer, mais c'était un début.

Chloé est entrée dans la cuisine à ce moment-là.

Son visage angélique affichait une mine innocente et préoccupée.

« Grande sœur, Maman, Papa, tout va bien ? J'ai entendu des éclats de voix. »

Elle a vu mon visage défait.

« Oh, Amélie, tu as l'air si fatiguée. Tu devrais te reposer. »

Manipulation. Toujours.

Maman a posé une main sur l'épaule de Chloé.

« Ne t'inquiète pas, ma chérie. Amélie va bien. N'est-ce pas, Amélie ? »

Puis, se tournant vers moi, elle a ajouté, assez fort pour que Chloé entende :

« Tu devrais vraiment faire quelque chose pour cette cicatrice, Amélie. Ça fait peur à voir. »

L'humiliation publique. Devant ma sœur.

Papa s'est approché de moi, le visage fermé.

« Demande pardon à ta sœur. Tu l'as inquiétée. »

« Pardon ? » ai-je murmuré, incrédule.

Il a levé la main.

Je me suis instinctivement reculée.

Il m'a attrapée par le bras, sa poigne de fer.

« Excuse-toi ! » a-t-il grondé.

Antoine est entré à ce moment-là.

« Qu'est-ce qui se passe ici ? » a-t-il demandé, l'air faussement concerné.

Papa m'a lâchée.

« Rien, Antoine. Juste une petite discussion de famille. »

Antoine n'a pas insisté.

Il n'a jamais pris ma défense.

Son intervention n'était qu'une façade.

Le déjeuner d'anniversaire a été une torture.

Antoine et Chloé étaient assis l'un à côté de l'autre.

Ils riaient, se touchaient, échangeaient des regards complices.

Une affection ostentatoire.

Comme pour me narguer.

Mes parents les couvaient du regard, souriant béatement.

J'étais invisible.

Isolée.

Exclue de ma propre famille.

La nourriture avait un goût de cendre dans ma bouche.

De retour à la maison, l'atmosphère était tendue.

Antoine avait bu. Beaucoup.

Il s'est affalé sur le canapé, me regardant avec un mélange de pitié et de dégoût.

« Tu sais, Amélie, » a-t-il commencé, sa voix pâteuse.

« Si tu n'avais pas cette horrible cicatrice... peut-être que les choses seraient différentes. »

J'ai figé.

« Mais soyons honnêtes. Je reste avec toi par pitié. Qui d'autre voudrait de toi, avec ce visage ? »

Ses mots étaient brutaux.

Chaque syllabe était une gifle.

La pitié. C'était donc ça.

Pas l'amour. Pas même l'habitude. Juste la pitié.

La réalisation était amère, douloureuse.

Mon monde s'effondrait. Encore.

            
            

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