Chapitre 2 Le Silence de la Chambre Froide

L'hôpital régional de Lèpre baignait dans un calme pesant, comme s'il respectait lui-même la gravité de ce jour. M. le collègue, Astrale et Swalking pénétrèrent lentement dans l'établissement. Le corps de Kerlin, encore non préparé pour la mise en bière, reposait dans une chambre climatisée de la morgue. On avait volontairement attendu l'arrivée d'Astrale pour qu'elle puisse voir une dernière fois l'homme qui fut son époux.

À peine avaient-ils franchi le seuil de la pièce que le regard d'Astrale se posa sur un lit d'hôpital. Un homme y gisait, recouvert d'un drap blanc. Elle s'avança, chaque pas semblant peser davantage sur ses épaules. Le doute, l'angoisse, puis, la certitude : c'était lui. Son cœur battait la chamade.

Un médecin, veillant près du corps, s'approcha avec un air grave.

- Bonsoir, madame. Êtes-vous l'épouse de M. Kerlin ?

Avant même qu'Astrale ne réponde, M. le collègue prit la parole.

- Oui, docteur, c'est bien elle. Voici aussi Swalking, le frère aîné du défunt.

- Je vous souhaite la bienvenue malgré les circonstances, dit le médecin. Le patient... il est là, juste ici.

Astrale, en s'approchant, ne put retenir ses larmes. Sa gorge nouée l'empêchait de parler, ses jambes tremblaient. Elle voulait se convaincre qu'il respirait encore, qu'il n'était que dans un profond sommeil.

Après quelques instants d'un silence oppressant, elle reprit ses esprits et demanda, d'une voix tremblante :

- Docteur, s'il vous plaît... puis-je voir son visage ? Soulevez ce drap, je vous en supplie...

Mais le médecin secoua lentement la tête, son regard compatissant.

- Madame, je ne vous le recommande pas. L'état de son visage pourrait vous bouleverser plus encore. Ce que vous risquez de voir pourrait vous briser le cœur.

- Laissez-moi poser au moins ma main sur sa poitrine...

Elle posa alors doucement sa paume sur le torse de Kerlin. Aucun battement. Aucun souffle. Rien que le silence de la mort.

Astrale voulut alors se jeter sur le corps de son mari. Elle cria, sanglota, trembla, implorant les cieux :

- Réveille-toi, mon mari ! Ne me fais pas ça, chéri ! Tu n'as pas le droit de partir ainsi tôt !

Les sanglots redoublaient, ses cris résonnaient dans les murs froids de la morgue. Le médecin, le collègue et Swalking durent la retenir, l'empêchant de sombrer dans un désespoir incontrôlable.

Elle se tourna vers le médecin, la voix brisée :

- Mais... pourquoi l'avez-vous recouvert ainsi ? Il est peut-être dans le coma ! Dites-le-moi ! Ce n'est pas possible qu'il soit... non, pas mort...

Le médecin, avec une douceur mêlée de tristesse, posa une main sur son épaule :

- Femme forte, femme brave... sois forte, ma fille. Ton mari n'a pas survécu. Il est décédé bien avant son arrivée ici. Les blessures étaient trop graves. Il s'est éteint sur le chemin.

À ces mots, le monde s'écroula autour d'Astrale. Elle pensa à Rhilane, leur fille, à l'amour inconditionnel qu'elle portait à son père, à cette vie qu'ils avaient bâtie ensemble. Elle s'effondra sur le carrelage, inconsciente, brisée par la douleur. Le personnel médical se précipita. Elle fut conduite en urgence dans une chambre voisine, où elle reçut les premiers soins. Par miracle, elle survécut à ce choc.

Ce fut une journée noire. Une journée de douleur pure, où la mort avait arraché un pilier à une famille unie. Swalking, debout près du lit, laissa échapper ses larmes. Lui aussi craqua. Lui aussi avait perdu un frère.

Et dans le silence glacial de la morgue, les larmes et les souvenirs se mêlaient, comme un écho d'amour perdu.

            
            

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