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La créature en face de moi, une silhouette plus proche de l'ombre que de la lumière, se pencha légèrement, comme pour m'observer de plus près. Son regard perça la brume, fixant intensément mes yeux.
- Tu ressens, n'est-ce pas ? C'est la magie. La magie de ceux qui ont été marqués par le passé, et ceux qui doivent trouver leur propre voie.
Je n'étais pas sûre de ce qu'il voulait dire par là, mais chaque mot vibrait en moi, une vérité qui résonnait dans chaque coin de mon esprit. Ce n'était pas juste un pouvoir abstrait. C'était mon pouvoir. Il vivait en moi, attendait le bon moment pour s'éveiller.
- Comment... ? murmurais-je, mais la question mourut avant même de franchir mes lèvres.
Je sentis la réponse dans mon propre corps. Comme un poids léger, une sensation d'élévation. Mes mains, tremblantes au début, s'étaient tendues sans que je m'en rende compte. Et alors, au creux de mes paumes, une lueur dorée commença à naître, petite au début, fragile, puis grandissante.
Un cri silencieux se fraya un chemin dans mon esprit. Une chaleur, cette fois éclatante, s'échappa de moi. Elle se déploya comme une flamme dans l'air, dansant autour de mes bras, comme si elle prenait une forme propre. Je laissai échapper un souffle, une combinaison de stupeur et de reconnaissance.
- C'est cela, me dit la créature d'une voix plus douce, presque bienveillante. C'est en toi. Cette énergie. Ce n'est pas une malédiction, ni une bénédiction. C'est un héritage, un pouvoir ancien. Le pouvoir de ceux qui ont été oubliés.
Je levai la tête, mes yeux brûlants de cette lumière intérieure. Le vent semblait souffler plus fort autour de moi, s'intensifiant à mesure que la lueur dans mes mains se renforçait. Ce n'était plus une simple lumière. C'était un flux, une énergie fluide, une onde qui se propageait à travers moi, se faufilant sous ma peau, résonnant avec les battements de mon cœur.
Je ne pouvais pas la contrôler. Pas encore. Mais je pouvais la sentir, elle était là, présente, prête à se libérer.
La créature, observant ma transformation silencieusement, se redressa.
- Ne te laisse pas emporter. La magie peut tout détruire, mais elle peut aussi tout reconstruire. Tu dois apprendre à la manier.
Je secouai la tête, cherchant à m'ancrer.
- Je ne sais pas comment faire... Je ne savais même pas que j'avais cela en moi.
Il sourit, mais ce n'était pas un sourire doux. C'était un sourire de compréhension, comme si tout était déjà écrit, déjà prévu.
- C'est l'ignorance qui te protège encore. Mais cela ne durera pas. Tu vas devoir faire face à ce qui vient. Et la magie ne te laissera pas partir sans t'avoir changée.
Je fermai les yeux un instant, essayant de m'accrocher à la réalité, mais l'ombre, la chaleur, la lumière en moi – tout cela m'enveloppait, me portait. Je n'étais plus seule. Je n'étais plus simplement Luna, la promise à un Alpha. Je n'étais plus simplement un pion dans un jeu que je n'avais pas choisi.
Je suis plus que cela.
Je sentis mes jambes se plier sous moi, mais ce n'était pas la fatigue qui m'avait fait tomber. C'était la prise de conscience que je n'étais plus celle que j'avais été. Je n'étais plus une jeune femme désespérée, en fuite, seule face à un monde hostile. Non. Il y avait plus. La magie, ce souffle qui me traversait, me donnait un but. Me donnait un pouvoir.
Le vent siffla autour de moi. La créature s'éloigna dans la brume, me laissant seule avec cette nouvelle vérité.
Je me redressai, les yeux brûlants d'un feu intérieur. Les symboles anciens gravés sur l'écorce de l'arbre semblaient maintenant vibrer, réagir à l'énergie qui m'enveloppait. Le sol trembla légèrement sous mes pieds, mais ce n'était pas un tremblement de terre. C'était quelque chose d'autre. Un autre éveil, comme un murmure profond dans les racines de la terre.
Je levai les mains devant moi. La lueur qui émanait de mes paumes se forma en spirales, en courbes sinueuses, dansantes, comme une onde qui se propageait dans l'air. La magie me parlait, me guidait, et je sentais pour la première fois une partie de moi s'éveiller.
Ce pouvoir, je ne savais pas encore s'il était une bénédiction ou une malédiction. Mais je savais une chose : il était mien. Et il me mènerait, à travers l'obscurité, à travers la peur et le doute, vers une liberté que je n'avais jamais crue possible.
L'enfant aux yeux d'ombre me regardait comme si je n'étais rien de plus qu'un fragment d'une scène qu'il avait déjà vue, un rêve qui se déroulait sans surprise ni crainte. Il se tenait là, à peine plus grand qu'un loup, ses yeux noirs fixant les miens avec une intensité qui m'effleura l'âme. Je n'avais pas le temps de comprendre. Il n'y avait rien de plus essentiel que l'instant présent. Et cet instant me disait que ce gamin était loin d'être ordinaire.
Il ne devait pas avoir plus de dix ans, mais son regard... son regard était celui d'un être plus ancien que tout ce que je connaissais. Ses yeux, aussi sombres que l'abîme, semblaient percer mes pensées, comme s'il savait déjà tout de moi – chaque décision, chaque secret enfoui sous ma peau.
« Tu as besoin de moi », dit-il d'une voix calme, trop calme, comme si ce n'était pas une question, mais une vérité imposée.
Je frissonnai, mais je n'avais pas peur. C'était plus grand que ça. Il n'était pas une menace... il était un mystère. Un vide impossible à combler.
« Qui es-tu ? » répondis-je, ma voix déraillant à peine, mais mon esprit, lui, se lançait dans une spirale de doutes. Quel enfant pouvait avoir un tel pouvoir de présence, une telle assurance ?
Il sourit, mais ce n'était pas un sourire d'enfant. C'était un sourire vieux, presque douloureux dans son absence d'innocence. Ses lèvres s'étirèrent, découvrant des dents pointues, comme celles d'une créature nocturne.
« Je suis celui que tu cherches sans le savoir », dit-il simplement. « Et je sais ce que tu vas faire ensuite. »
Je n'avais pas le temps de répondre, car un cri déchira l'air, un hurlement bestial, presque humain, qui fit écho à chaque cellule de mon corps.
Je n'eus qu'un bref instant pour me préparer avant qu'une silhouette monstrueuse n'émerge des ombres à l'orée de la clairière. Un loup ? Non. Bien plus grand. Ses muscles, ses griffes, sa fourrure noire éclatant d'une lueur surnaturelle, tout dans cette créature dégageait une violence pure. Ses yeux, rouges comme des braises, se fixèrent sur nous, me scrutant avec une telle rage que mes jambes tremblèrent, mais je n'eus pas le temps d'avoir peur. L'instinct, cet instinct brutal, sauvage, se réveilla en moi.
Je n'étais plus simplement Luna, l'ex-noble, la perdue, la fuyarde. Je n'étais plus celle qui avait couru dans la nuit pour fuir son destin. Non, cette force, cette rage, c'était moi, c'était une autre version de moi, une que je n'avais jamais osé affronter. Une partie de moi que même Kaelthorn n'avait jamais connue.
L'instant suivant, je me jetai en avant. Je n'avais pas de plan, pas de stratégie. Je me contentai de réagir. Mes bras, mes jambes, mon corps entier réagissaient avec une précision que je n'avais jamais imaginée. J'attrapai une branche tombée au sol, une branche rugueuse et solide, et je l'utilisai comme un bouclier contre la bête qui s'élançait vers moi, ses crocs se fermant sur l'air avec une promesse de mort.
La bête rugit. L'odeur de sa chair brûlée, de la terreur pure, emplit l'air, mais moi, je me retrouvai dans un état de calme absolu, une clarté brutale s'imposant. J'étais prête. Cette chose, cette créature, elle n'était qu'un obstacle de plus, et je savais qu'elle tomberait.
Je frappai, d'un coup sec, tranchant l'air avec ma branche, touchant la créature sur son flanc. Elle s'arrêta, un cri de douleur s'échappant de sa gorge, mais au lieu de reculer, elle se tourna vers moi avec une rage plus grande encore. Ses yeux flambaient de colère.
« Fuis, maintenant », m'ordonna la voix de l'enfant derrière moi, froide et tranchante, et pour une fraction de seconde, je m'interrogeai sur l'incompréhensible pouvoir qu'il avait sur moi.
Je ne réfléchis pas. Je m'élançai en avant, mes muscles réagissant à la tension de la situation, me propulsant hors de l'atteinte de la bête. Et alors que je courais, je vis le gamin, un étrange calme sur son visage, s'approcher de la créature avec la même assurance avec laquelle il m'avait parlé.
« Tu veux savoir ce que tu es, Luna ? » dit-il d'une voix chantante, comme si la menace d'une attaque féroce était une mélodie douce. « Ce que tu es destiné à devenir ? Tu le sais déjà. Regarde. »