Chapitre 5 Chapitre 5

Malheureusement, le signal qu'elle voulait autre chose que de l'amitié ne s'était jamais manifesté après cette confession très alcoolisée. Pas une seule fois. Rien. Et quand il n'y a pas la moindre once d'espoir, qu'est-ce qu'un mec est censé faire, bordel ?

Elle était sortie avec d'autres.

J'étais sorti avec des femmes aussi, convaincu que je finirais par en trouver une qui me ferait me sentir aussi bien que je me sentais avec Lia quand on était ensemble.

Ouais. Bien. Ça, ça ne s'est jamais produit.

Il y a eu un moment, il y a environ deux ans, où j'étais devenu si frustré que j'étais enfin prêt à risquer notre amitié pour dire la vérité à Lia. J'étais prêt à faire presque n'importe quoi pour la convaincre qu'on devait sortir ensemble et brûler les draps, au lieu de chercher ce genre de connexion ailleurs.

C'est peu de temps après que j'ai pris cette décision monumentale - mais avant que je n'aie eu le temps de lui parler - que Lia a rencontré... Stuart.

Comme d'habitude, mon timing était totalement à chier.

Je serrai les poings et laissai échapper un juron rauque, tandis que cette voix critique dans ma tête me battait impitoyablement.

Faut te rendre à l'évidence, Conner, il est trop tard pour faire quoi que ce soit maintenant. T'aurais dû parler il y a longtemps, mais tu ne l'as pas fait. T'en voulais combien, des opportunités ? Lia est adulte et célibataire depuis près d'une décennie. Et Stuart ? T'as bien vu ce que c'était. C'est pas comme si t'aurais pas pu te battre pour elle quand ils ont commencé à sortir ensemble. Tu savais qu'il était un connard, qu'il n'était probablement pas fait pour elle dès le départ. Tu penses que tu te sens mal maintenant ? Comment tu vas te sentir quand Stuart le connard sera officiellement le mari de Lia ? T'es dans cette putain de position maintenant à cause de toutes ces années de déni et de moments gâchés.

- Ferme ta gueule, marmonnai-je à haute voix, coupant court à la conférence mentale.

Oui, voilà où j'en étais : dans une église, assis du côté de la mariée, attendant littéralement que la femme que j'aimais marche dans l'allée pour épouser un autre mec. C'était à ce point foutu.

- S'il est vraiment trop tard, alors pourquoi je suis même là ? murmurais-je dans un souffle.

Question idiote, parce que je connaissais déjà la réponse. J'étais ici, en train de suer à grosses gouttes, parce que je ne pouvais pas ne pas être présent pour un événement aussi important pour Lia.

Je regardai autour de moi, essayant désespérément de trouver quelque chose qui ressemblait à Lia, un signe quelconque qu'elle avait réellement participé à ce fiasco déséquilibré qu'on appelait un mariage.

Je plissai les yeux, fronçant les sourcils en remarquant l'abondance de tulipes sur l'autel et dans les compositions florales décorant l'allée.

- Des tulipes ? Lia n'aime même pas les tulipes. Où sont passées les roses et les marguerites ? grognai-je, déconcerté de ne pas trouver une seule de ses deux fleurs préférées.

Et merde, même les couleurs étaient fausses.

L'or et le violet ? Putain, jamais Lia n'aurait choisi ça. Elle avait eu son mot à dire dans ce putain de mariage, au moins ?

Putain de merde ! Il n'y avait rien ici qui respirait Lia, alors j'étais pas prêt de me laisser aller au moindre sentiment de réconfort.

Mon instinct me tordait déjà les tripes. Je ne voyais pas comment j'allais pouvoir encaisser le moment où Lia prononcerait ses vœux à l'homme qu'elle affirmait aimer assez pour l'épouser. Un mec qui n'était pas... moi.

J'avais rencontré Stuart assez de fois pour savoir qu'il était un abruti avec un fonds en fiducie et pas un seul gramme d'authenticité en lui.

On avait une relation de haine-haine depuis notre toute première rencontre.

Ouais, j'aurais pu me dire que ce sentiment que Lia et Stuart n'étaient pas compatibles venait de la jalousie, mais est-ce que c'était vraiment le cas ?

Je connaissais Lia aussi bien que je me connaissais moi-même. Et si ce manque de respect que j'avais toujours perçu chez Stuart envers elle n'était pas le fruit de mon imagination hyperactive ?

Je me tortillai sur mon siège inconfortable.

La cravate assortie à mon costume sur mesure semblait subitement trop serrée, alors que je savais pertinemment que ce n'était pas la première fois que je la portais. Plus probablement, ce n'était pas cette putain de cravate qui m'étouffait...

C'étaient tous mes regrets qui me serraient la gorge à m'en étouffer.

Je levai le bras et regardai ma montre, frénétiquement.

- Merde ! Il est onze heures cinquante-huit ! jurai-je en tirant sur ma cravate et en bondissant sur mes pieds. Et il n'est pas question que je reste là à la fermer.

Tic. Tac. Tic. Tac.

- Tu peux arrêter avec cette merde, maintenant, grognai-je. J'ai compris.

Putain, j'étais peut-être lent, mais je reconnaissais enfin ce son pour ce qu'il était.

C'était un putain d'avertissement. Une injonction à écouter mon instinct qui me criait que Lia était en danger et à bouger mon cul avant que la fenêtre d'opportunité pour l'aider ne se referme pour de bon.

Au fond de moi, bien au-delà de la jalousie, je savais que se marier avec Stuart ne rendrait pas Lia heureuse.

Putain ! Son bonheur comptait plus que tout pour moi, mais ce n'était même pas ça le plus inquiétant.

Pour une raison que je ne comprenais pas encore, j'avais la certitude qu'elle était en train de se mettre en danger.

Mon cœur battait à tout rompre, propulsé par une montée d'adrénaline fulgurante qui s'ajoutait à la conviction urgente que je devais la sauver.

Je sentis de nouvelles gouttes de sueur perler sur mon front alors que je faisais un bond, bousculant l'un des amis de Lia pour atteindre l'allée.

- Excusez-moi, grognai-je automatiquement, sans m'arrêter pour attendre une réponse.

Je m'en foutais de mon timing désastreux, et je m'en foutais que Lia ne me voie jamais comme un intérêt romantique. Tant qu'elle ne se mariait pas... avec lui.

Putain, s'il le fallait, je la jetterais sur mon épaule et je la sortirais de ce foutoir avant qu'elle ne fasse la plus grosse erreur de sa vie.

Une fois que j'eus poussé les lourdes portes battantes qui donnaient sur le couloir, je m'arrêtai net en la voyant.

Lia.

Nous étions séparés par le reste de la grande fête nuptiale, mais mes yeux se fixèrent instantanément sur elle, comme si toutes les autres personnes avaient cessé d'exister.

Putain ! Quelque chose ne tournait pas rond !

Lia pleurait, et cette vision me noua l'estomac à m'en faire mal physiquement.

Nous étions amis depuis bien trop longtemps pour que je puisse croire une seule seconde que c'étaient des larmes de joie. Non. Je la connaissais. Sa douleur me traversa d'un éclair, comme elle l'avait toujours fait.

Je poussai à travers la foule qui l'entourait, jusqu'à ce qu'elle me voie, et mon corps tout entier se détendit d'un coup lorsqu'elle se jeta dans mes bras.

                         

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