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Le présent...
J'ai regardé ma montre avec impatience pour la seizième fois au cours des cinq dernières minutes, essayant de ne pas me détester d'avoir cédé à cette envie.
Il était exactement onze heures quarante-huit et dix putains de secondes.
Cela faisait exactement quinze secondes que je ne l'avais pas vérifiée pour la dernière fois.
Tic. Tac. Tic. Tac.
« Fils de pute ! » grognai-je dans mon souffle en fronçant les sourcils devant les aiguilles de la Rolex que je portais.
Jésus, Conner. Détends-toi. Ce n'est pas comme si la Rolex Submariner vintage de ton père faisait vraiment ce bruit.
Je poussai un énorme soupir dont je ne m'étais même pas rendu compte que je le retenais, puis je reposai ma main sur ma cuisse, m'assurant de ne pas vérifier l'heure... encore.
Peut-être que la montre chérie de mon défunt père ne faisait pas vraiment ce bruit oppressant, mais l'action de vérifier l'heure semblait déclencher ce son obsédant dans ma tête.
Je l'avais entendu dix-sept fois déjà, à chaque fois que je consultais compulsivement le cadran pour voir combien de temps il me restait jusqu'à...
Merde ! Il ne me restait qu'une douzaine de minutes avant que ma meilleure amie ne commence à remonter l'allée vers l'autel.
La cérémonie durerait... quoi ? Vingt minutes, tout au plus ? Peut-être moins, puisque c'était une cérémonie de type église communautaire ?
Lia Harper était ma meilleure amie depuis environ quatorze ans. Je pouvais bien tenir les trente-deux prochaines minutes sans faire quelque chose de totalement irrationnel, non ?
Je baladai mon regard dans l'église, espérant une distraction quelconque. Il était impossible de ne pas remarquer à quel point le côté de la mariée était moins peuplé que celui du marié.
Comme Lia n'avait plus de famille proche en vie, il était logique que seuls quelques amis soient venus de son côté.
Était-il vraiment nécessaire de séparer les invités entre le côté de la mariée et celui du marié aussi rigoureusement ? C'était ridicule qu'aucun des invités tassés comme des sardines de l'autre côté de l'église ne soit prêt à se déplacer pour remplir les bancs vides du côté de Lia.
Apparemment, les proches et amis de Stuart préféraient s'entasser entre eux plutôt que de s'asseoir confortablement sur un banc libre.
Je n'étais pas vraiment surpris : le fiancé de Lia était, très honnêtement, un con prétentieux. Pas étonnant que sa famille et ses amis le soient aussi.
Mais ça m'énervait, parce que cet arrangement donnait l'impression, à mes yeux, d'un affront direct à Lia. Et la future mariée ne pourrait certainement pas manquer de remarquer ce déséquilibre criant en marchant vers l'autel.
Putain ! Si j'avais su que Stuart se moquait à ce point des sentiments de Lia, j'aurais rameuté un paquet d'invités pour combler les bancs vides de ce côté.
« Connard », marmonnai-je, me forçant à ne plus regarder ma montre et essayant de penser à autre chose qu'au type que ma meilleure amie s'apprêtait à épouser.
Non. N'y pense pas !
Mieux valait que je me concentre sur Lia, pas sur le crétin qu'elle allait retrouver à l'autel dans... onze minutes, peut-être ?
Ne le fais pas, Conner ! Ne regarde plus cette putain de montre. Concentre-toi, mec. Pense à Lia, pas au mariage.
Je changeai de position sur mon siège, me sentant audacieux comme jamais en imaginant le sourire éclatant de Lia.
Quand elle était plus jeune, ce sourire m'avait toujours fait sentir comme un héros.
Adulte, il m'affectait... différemment.
Oh, l'enfer, non. Il valait mieux repenser à l'époque où nous étions adolescents, quand je la voyais encore comme une gamine.
J'essayai de me détendre alors que mes pensées dérivaient vers ces premières années, beaucoup plus innocentes, de mon amitié avec Lia.
J'étais lycéen en terminale et elle, une élève de seconde, la première fois que nous nous sommes rencontrés.
Un sale type avait essayé de la tripoter dans le couloir, près de son casier.
Un nez cassé plus tard - le sien, pas le mien -, Lia m'avait adressé ce tout premier sourire. Celui qui avait bouleversé mon univers entier ce jour-là.
Je pris une grande inspiration et me forçai à rester concentré sur ces souvenirs passés en essuyant une goutte de sueur sur mon front.
Après avoir laissé son agresseur sur le sol, se tenant le nez en sang, j'avais ramené Lia chez sa grand-mère. Depuis, nous étions devenus inséparables.
L'année suivante, je partis pour Harvard, mais nous n'avons jamais perdu contact. On parlait souvent au téléphone, et on passait toujours du temps ensemble pendant mes vacances universitaires.
Nos mondes étaient différents à l'époque, mais cela n'avait jamais compté.
Drames universitaires. Drames de lycée. C'était presque la même chose. Et après tout ce que Lia avait traversé, elle était déjà bien plus mature que la plupart des élèves de son âge.
Je laissai échapper un souffle long, mais perdis rapidement la bataille pour garder mes pensées ancrées dans le passé.
Putain... comment ne pas penser à Lia adulte ? La majorité de notre amitié s'était construite après qu'elle ait fini le lycée.
Elle avait grandi.
J'avais tout fait pour ne pas remarquer à quel point elle était devenue magnifique, même si ma bite me le rappelait constamment.
Et Lia et moi étions restés les meilleurs amis depuis presque quinze ans.
Pendant des années, j'avais banni toutes pensées charnelles à son sujet, mettant mes réactions physiques sur le compte des hormones masculines. Je ne serais jamais ce type qui fout tout en l'air juste parce qu'il ne peut pas contrôler sa queue.
Merde, j'étais un mec dans la vingtaine, au sommet de ma libido. Pourquoi ne serais-je pas excité chaque fois que je voyais Lia, même si elle était ma meilleure amie ?
Le problème, c'est qu'en atteignant la fin de la vingtaine, puis la trentaine, mon attirance pour elle n'avait fait qu'empirer.
Ce n'est probablement qu'après avoir obtenu mon diplôme de droit à Harvard, une fois revenu à Seattle pour de bon, que j'ai vraiment compris que ce que je ressentais pour Lia ne disparaîtrait pas. Peu importait à quel point je m'efforçais de vivre dans le déni.
Une fois physiquement réunis, à faire presque tout ensemble comme le font les meilleurs amis, cette foutue attirance s'était muée en quelque chose de dangereusement proche de... l'obsession.
Putain ouais, j'aurais voulu que notre relation évolue depuis des années. Malheureusement, je ne ressentais pas ce même désir de son côté.
Lia avait prétendu être attirée par moi... une fois.
Dommage qu'elle ait eu vingt et un ans et qu'elle ait été plus bourrée qu'un blaireau cette nuit-là. Plus triste encore, elle ne s'en souvenait même pas le lendemain matin.
Merde, si elle m'avait donné le moindre signe qu'elle me désirait dans son état normal, je l'aurais prise au mot en moins d'un battement de cœur, et je l'aurais eue nue avant qu'elle ne puisse changer d'avis.