Chapitre 2 Chapitre 2- L'invitation

La chambre était belle. Trop belle.

Des murs crème, un lit immense, des draps repassés avec une précision militaire. Une baie vitrée donnait sur le jardin, des rideaux lourds bloquaient la lumière comme si le jour n'avait plus sa place ici.

Alina s'assit au bord du lit sans enlever son manteau.

Elle n'avait rien dit au chauffeur, rien au majordome silencieux qui l'avait conduite à l'étage. Pas un mot depuis que Luka avait quitté la pièce. Son cœur battait trop fort, mais son esprit, lui, était d'une clarté glaciale.

Quelque chose ne collait pas.

Son frère était un idiot, un voleur, un lâche - mais pas au point de lui tendre un piège. Il aurait fui, oui. Il l'aurait mise en danger, sûrement. Mais de là à la livrer sciemment à un mafieux ? Non. Ce n'était pas Kyle. Il y avait autre chose. Une autre main dans cette partie.

Et Luka... il savait quelque chose.

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Elle explora la chambre du regard. Pas de serrure. Pas de téléphone. Pas d'échappatoire visible. Pourtant, ce n'était pas une cellule. C'était pire : un piège doré.

Le dîner arriva à 20h. Une assiette sous cloche, posée sur un plateau en argent. Personne ne frappa. La nourriture apparut comme par magie devant sa porte.

Elle n'y toucha pas.

Elle passa la nuit à marcher en rond, à fixer le plafond, à s'imaginer mille façons de sortir.

Mais le lendemain matin, à l'aube, on frappa. Un seul coup sec. Elle ouvrit.

C'était Luka. Seul.

Toujours aussi impeccable. Une montre fine au poignet, les cheveux en arrière, et cette façon de vous regarder comme s'il devinait vos secrets avant même que vous ouvriez la bouche.

- Vous n'avez pas mangé.

- Je ne suis pas là pour les petits-déjeuners au lit.

- Vous êtes là pour survivre.

Il entra sans demander, jeta un œil à la pièce comme s'il vérifiait que rien n'avait changé depuis la veille.

- Vous dormez mal.

Elle haussa les épaules.

- Difficile de dormir quand on est séquestrée par un type dangereux.

Il la fixa. Son regard était dur, mais pas cruel. Il observa ses traits, ses cernes, sa posture.

- Vous pensez que je suis le problème, dit-il.

- J'en suis même certaine.

Il se tut un moment, puis sortit de sa poche un téléphone. Le jeta sur le lit.

- Écoutez ce message.

Alina hésita. Puis appuya sur "lecture".

La voix de Kyle résonna. Essoufflé, nerveux, terrifié.

> "Alina, si tu reçois ça, cours. Ce n'est pas Luka. C'est pas lui qui m'a retrouvé. C'est eux. Je les ai trahis... j'avais pas le choix. Ils veulent ce que j'ai volé, et ils pensent que tu sais où c'est. Je les ai menés sur une fausse piste. J'ai dit que Luka t'avait. J'ai pas eu le temps d'expliquer. Pardon. Protège-toi. Reste avec lui, s'il accepte. Luka... c'est peut-être ta seule chance."

Elle resta figée. Une boule dans la gorge.

- C'est quoi ça ? murmura-t-elle.

- Un enregistrement que j'ai intercepté hier soir. Ton frère ne m'a pas appelée. Il ne m'a jamais donné ton nom. Quelqu'un d'autre l'a fait. Quelqu'un qui voulait qu'on pense que c'était moi.

Alina sentit le sol se dérober sous elle.

- Pourquoi me le montrer ?

- Parce que tu n'es pas une ennemie. Et parce que tu n'es pas en sécurité dehors.

Il fit une pause.

- Et parce que je n'aime pas qu'on se serve de mon nom pour faire peur aux innocents.

Elle se leva, tremblante, confuse. Toute sa colère, sa certitude, son mépris se fissuraient d'un coup.

- Pourquoi tu me retiens ici alors ? Si je suis innocente ?

- Parce que tu l'étais peut-être hier. Mais maintenant que tu sais, tu es impliquée.

Il approcha, lentement.

- Tu n'as plus de maison, Alina.

Elle fronça les sourcils.

- Quoi ?

Il sortit une enveloppe. Des photos à l'intérieur. Sa maison. Ou du moins ce qu'il en restait. Une façade brûlée, des fenêtres explosées. Les pompiers. La police.

- Ils sont passés cette nuit. Tu n'es plus une simple témoin. Tu es devenue une cible.

Elle se rassit, le souffle coupé. Tout s'écroulait. Sa vie, son frère, son appartement, ses certitudes.

- Tu veux dire que je ne peux plus sortir d'ici ?

- Je veux dire que si tu sors, tu ne survis pas.

Un silence s'abattit entre eux.

Puis Luka ajouta, plus bas :

- Ce n'est pas une cage, Alina. C'est une forteresse. Et tant que tu es ici, je te protégerai. Même de ton propre frère, s'il le faut.

Elle le regarda. Pour la première fois, non comme un bourreau, mais comme une énigme.

Et sous cette façade d'homme de fer, elle crut voir - juste un instant - quelque chose d'humain. D'authentique.

Peut-être que son pire ennemi n'était pas celui qu'elle avait cru.

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