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Quelques secondes plus tard, une bulle apparaît à l'écran. Mon cœur se contracte. J'aurais dû y réfléchir à deux fois avant de cliquer sur "envoyer". Je savais que ce message allait réveiller le pire en lui. Nate King n'attend que ça : une brèche, une ouverture, une provocation à peine voilée pour sauter à la gorge... ou entre les cuisses, selon l'humeur. Et moi, je viens de lui tendre le bâton pour se faire battre.
Nathan King :
Tu m'imagines nu. Avoue-le. Elles le font toutes.
Je serre les dents.
- Espèce de connard, je marmonne entre mes lèvres pincées.
Mes mains se crispent sur le bois glacé du bureau, les jointures blanchies par la colère. Je lève les yeux vers la baie vitrée qui surplombe Los Angeles, son horizon étouffé par les palmiers et les gratte-ciel étincelants. J'ai fui New York pour le soleil, la mer, et l'illusion d'une nouvelle vie. Mais surtout, pour mettre un continent entre Nate et moi.
Raté. Le destin, cruel et ironique, a fait de nous des partenaires d'affaires. L'entreprise que nous détestons co-diriger sera un jour la nôtre. Et jusqu'à ce jour, je suis condamnée à supporter sa langue acérée et ses fantasmes déguisés en sarcasmes.
Harley McQueen :
La dernière fois que je t'ai vu nu, j'ai failli m'endormir.
Nathan King :
Tu rêves encore de me revoir. Si c'était le cas, crois-moi, tu serais époustouflée.
Un ricanement amer me monte à la gorge. Nate n'a plus rien du garçon timide que j'ai connu. À l'époque, il bégayait quand je le regardais dans les yeux, passait ses week-ends sur sa console, et collectionnait les figurines Marvel. Mais un été a suffi à tout faire basculer. Il a grandi. Il a viré ses lunettes, musclé son torse, adopté une coupe de bad boy et troqué sa timidité contre de l'arrogance pure.
Depuis, il n'est plus mon Nate.
Je relis ses messages, les doigts suspendus au-dessus du clavier. Chaque échange dégénère, comme si le moindre mot était une invitation à l'escalade. Comment on en est arrivés là ? On était un duo royal. Aujourd'hui, on se tire dessus à balles réelles.
Nathan King :
T'es juste jalouse parce que j'ai une vie sexuelle, moi.
Je repousse violemment ma chaise, grinçant sur le parquet, et pousse un cri étouffé. Il sait comment me faire sortir de mes gonds, et il en jouit. L'idée même qu'il puisse penser que je sois jalouse de ses conquêtes me donne envie de lui balancer mon ordinateur à la figure.
Je me penche, mes doigts volent sur le clavier, animés par une fureur glacée.
Harley McQueen :
Je ne suis pas jalouse de tes groupies malades. J'ai des standards, contrairement à toi.
Je le sais. Je suis allée trop loin. Mais c'est plus fort que moi. Il me rend folle.
Nathan King :
Ça fait si longtemps, hein ?
Harley McQueen :
Non, imbécile.
Nathan King :
Ne me mens pas, ma Reine.
Harley McQueen :
Arrête de faire ton salaud, King !
Nathan King :
Si tu veux que quelqu'un te dépoussière, tu sais où me trouver.
Je n'ai même pas le temps de riposter que la notification tombe : Nathan King est hors ligne.
Je pousse un soupir en me laissant retomber dans le cuir moelleux de mon fauteuil. J'attrape un verre de bourbon et en prends une gorgée brûlante. Si je dois descendre en enfer, autant y aller ivre.
Je clique sur un lien dans ma boîte mail, et une photo s'ouvre en plein écran. Moi, dans un costume Gucci bleu nuit, chemise blanche déboutonnée jusqu'au ventre, une cravate rouge autour du cou comme une corde qu'on aurait oubliée. Un cliché volé d'une soirée privée dans mon penthouse. Qui l'a pris ? Aucune idée. Mais c'est là, en une d'un article venimeux.
"L'héritier King : un pari risqué."
Je lève mon verre en guise de toast. - Pas faux.
Je parcours les commentaires. Des centaines. Certaines femmes laissent leur numéro. D'autres envoient des emojis cœur. Je déteste ce genre d'attention.
Pas intéressé, mesdames.
Un nouveau mail s'affiche. Danika Kane, mon attachée de presse. Avec trop de points d'exclamation, comme d'hab. Elle panique. Mon père va probablement la tuer avant même que les investisseurs aient fini de lire l'article.
Mais le message suivant me cloue sur place : Harley McQueen.
C'est toujours pareil. Elle ne m'écrit que pour me remettre à ma place. On a grandi ensemble, inséparables. Et aujourd'hui ? On est deux bombes à retardement dans la même pièce.
Et un jour ou l'autre... l'une des deux explosera.
Harley McQueen : Et ici, je pensais que tu étais allé Commando.
Un sourire en coin étire mes lèvres alors que je fixe l'écran de mon téléphone. Une notification. Un message d'Harley. Mon cœur bat un peu plus vite, un mélange d'excitation et d'anticipation. Elle a joint une image : une photo volée où l'on voit la main d'une femme posée sur le devant de mes boxers. Un piège grossier. Si elle savait la vérité sur cette photo, elle ne prendrait même pas la peine de m'écrire. Et si je peux m'en assurer, Harley ne saura jamais qui est cette femme.
Nathan King : Je savais que tu me voulais nu. La plupart des femmes le veulent.
Je ris doucement, vidant mon verre d'un trait. L'alcool brûle légèrement ma gorge, un rappel amer de la journée de merde que je viens de passer. Harley ne le sait que trop bien, et pourtant, elle a choisi ce moment précis pour me provoquer. J'imagine déjà sa réaction : un froncement de sourcils agacé, sa lèvre supérieure tremblant sous l'effet de la frustration. Elle tape une réponse, et je retiens mon souffle. Ce jeu entre nous est une danse délicate, une joute verbale où personne ne veut reculer. Après s'être acharnée sur moi toute la matinée, elle sait que j'ai besoin d'un peu de distraction avant de me faire à nouveau écraser.
Harley McQueen : La dernière fois que je t'ai vu nu, j'ai été plus déçue qu'impressionnée. Tu peux faire mieux que ça.
Harley. Toujours Harley. Elle a toujours eu le don de me remettre à ma place, même quand nous étions enfants.
Nathan King : Tu aimerais bien me voir nu. Et si c'était le cas, je te garantis que tu serais plus qu'« impressionnée ».
Mon pouls s'accélère alors que j'attends sa réplique. Allez, Harley. Donne-moi ce que je veux. C'est comme ça que nous fonctionnons, elle et moi. Un combat permanent, un défi incessant. Une minute passe. Puis une autre. Toujours rien.
Que fout-elle ?
Elle a lancé la conversation. Elle veut forcément me balancer une pique bien sentie. Ce silence n'est pas normal. Une partie de moi sait que je fais des conneries juste pour attirer son attention. C'est pathétique, je sais, mais je suis prêt à tout pour avoir un moment avec elle. Ce coup-ci, pourtant, ce n'était pas prévu. L'accord avec Titan Tech me tient plus à cœur que tout le reste, et maintenant, je ne sais même plus si mon entreprise a un avenir.
L'attente me rend fou. J'écris quelque chose que je regretterai sûrement plus tard.
Nathan King : T'es juste jalouse que je sois en train de m'amuser.
Toujours rien. Bordel. Je suis un crétin. Nos vieux jeux ne marchent plus sur elle. Mais je ne peux pas m'arrêter. J'ai besoin de la voir s'enflammer, de sentir cette énergie brute qu'elle dégage. Aucune autre femme ne me fait cet effet-là.
Harley McQueen : Comme si je pouvais être jalouse des cruches qui traînent autour de toi. Contrairement à toi, j'ai des standards.
Ah, voilà.
Elle est grincheuse. Elle bosse trop, elle a besoin de souffler. Harley ne sait pas que je surveille ses heures de connexion, que je sais exactement quand elle est en ligne et sur quoi elle travaille. Elle ne le saura jamais. C'est un peu flippant, peut-être, mais c'est la seule façon qu'il me reste d'être proche d'elle. Comme avant. Comme si elle était encore... ma Harley.
Nathan King : Ça fait si longtemps que ça, hein ?
Sa réponse fuse instantanément. J'imagine la fumée s'échappant de son clavier tant elle tape vite.
Harley McQueen : Non, espèce d'idiot.
Nathan King : Ne me mens pas, Reine.
Harley McQueen : Arrête d'être un connard, King !
Voilà. Là, c'est elle.
Il est temps de faire monter la tension d'un cran. Je n'aime pas cette guerre entre nous, mais c'est la seule manière d'attirer son attention. La seule façon d'avoir un peu d'elle, même si ce n'est que pour se détester.
Nathan King : Si t'as besoin d'un coup de main pour dépoussiérer ta ceinture de chasteté, tu sais où me trouver.
Je m'attends à une réplique immédiate, mais... rien. Encore une fois, elle me surprend. Une minute s'écoule, puis enfin, une bulle de message apparaît sur l'écran.
Avant qu'elle ne puisse envoyer sa réponse, mon téléphone de bureau sonne, me faisant sursauter.
« M. King, votre rendez-vous de dix heures est là », annonce la voix traînante de Terrence, mon assistant.