Chapitre 5 LA CHUTE

Le silence pesait lourdement sur Ryann. Le néant qui l'entourait semblait vouloir avaler tout ce qui avait été, tout ce qui était. Il n'entendait plus rien, rien sauf le battement effréné de son cœur. Sa respiration, elle-même, semblait étranglée par une force invisible.

Il se redressa lentement, ses membres engourdis comme s'il venait de se réveiller d'un cauchemar interminable. Ses yeux s'ouvraient dans ce vide qui paraissait infini, et il se demandait si, quelque part, il avait encore un endroit où aller. Un endroit où il pourrait trouver des réponses.

"Ce n'est pas possible... Ce ne peut pas être réel..." pensa-t-il, mais ses pensées se heurtaient à une muraille, comme si le simple fait de douter était une offense à la réalité.

Un vent glacial souffla dans l'espace autour de lui, son souffle se mêlant à une voix lointaine qui murmurait des mots qu'il n'arrivait pas à saisir. Les murmures se faisaient plus clairs, plus insistants, comme si l'air lui-même lui parlait.

- Ryann...

Il se retourna brusquement, son cœur s'emballant à nouveau. Mais personne. Rien. Seulement ce vide suffocant, cette obscurité oppressante.

- Ryann...

La voix revenait. C'était la même, cette voix qu'il avait entendue dans les ténèbres, mais plus proche cette fois. Il se précipita dans la direction du son, ses pieds glissant sur le sol invisible, cherchant à s'échapper de ce piège silencieux.

Puis il la vit. Une silhouette. Une ombre qui se dessinait faiblement dans la noirceur. Il n'arrivait pas à distinguer les traits, mais il savait que cette apparition n'était pas un simple mirage. Elle était réelle. Et plus inquiétante encore : elle semblait l'attendre.

- Tu... tu... es là ? demanda Ryann, la voix étranglée, presque désespérée.

La silhouette s'éclaircit lentement, révélant un visage familier. C'était l'homme du pacte. Celui qui l'avait poussé à franchir ce seuil qu'il ne pouvait plus franchir en arrière. Il le regardait avec un sourire étrange, comme si tout ce qu'il voyait maintenant n'était qu'un jeu.

- Bien sûr que je suis là, Ryann. Où penses-tu être ? répondit l'homme, sa voix dénuée de toute émotion, comme si ce qu'ils traversaient n'était qu'une formalité.

Ryann recula de quelques pas, son regard cherchant des réponses dans les yeux de cet homme, mais il n'y avait rien à y lire. Seulement une obscurité profonde. L'homme, ou plutôt la créature qu'il était devenu, s'avança d'un pas lent.

- Tu as traversé le premier seuil, dit l'homme, et maintenant il n'y a plus de retour possible. Ce que tu cherches, ce que tu désires, tu l'as déjà en toi. Mais ce que tu veux vraiment... tu l'ignores encore.

Les mots de l'homme résonnaient dans l'esprit de Ryann, comme un écho d'horreur.

- Qu'est-ce que tu veux dire ? lui demanda-t-il d'une voix tremblante.

L'homme sourit.

- Tu crois encore que tu contrôles ton destin. Mais tu n'as jamais eu le choix, Ryann. Tu n'es qu'une marionnette, et moi, ton maître.

La phrase le frappa comme un coup de poing. Ryann sentit une rage sourde monter en lui, une volonté de résister, de briser ce lien qui l'empêchait de vivre librement. Il tenta de s'élancer vers l'homme, mais une force invisible le repoussa violemment, le faisant tomber au sol.

- Tu as signé, Ryann. Tu as signé ton âme, ton essence même. Et maintenant, tu vas comprendre ce que cela implique.

Une douleur aiguë, presque physique, parcourut le corps de Ryann. C'était comme si chaque cellule de son être se tordait sous la pression, sous la vérité qu'il refusait d'accepter.

- Je... je ne peux pas vivre ainsi... murmura-t-il, se repliant sur lui-même.

L'homme s'accroupit à côté de lui, son visage maintenant proche, trop proche.

- Tu veux échapper à tout cela ? C'est ce que tu penses, n'est-ce pas ? Mais tu n'es plus celui que tu étais, Ryann. Tu es devenu ce que tu as voulu.

Le visage de l'homme se déforma soudainement en un sourire carnassier.

- Et maintenant, tu vas devoir apprendre à vivre avec ça.

Ryann leva les yeux, les larmes brouillant sa vision. Il voulait hurler, mais aucun son ne sortait de sa gorge. Tout ce qu'il ressentait, c'était la douleur, le vide et la solitude.

La voix de l'homme se fit plus basse, presque chuchotée, alors qu'il s'éloignait.

- Le labyrinthe t'a déjà englouti, Ryann. Et il n'y a plus de sortie.

L'espace autour de lui se referma, l'enfer qu'il avait invoqué le rattrapant, le piégeant dans ce cycle sans fin.

Ryann se leva brusquement, haletant, le regard vide. Il venait de recevoir une nouvelle notification. C'était Mélissa. Elle lui avait envoyé un message, mais ce n'était pas un simple message. C'était une déclaration. Elle lui annonçait qu'elle allait le suivre, qu'elle allait quitter son copain pour être avec lui. Il ne pouvait y croire.

Tout ce qu'il avait désiré, il l'avait eu. Pourtant, quelque chose en lui lui disait que ça ne pouvait pas durer. La satisfaction de ses rêves se transformait lentement en une sensation amère, un poison qui s'infiltrait dans ses veines. Ses mains tremblaient quand il répondit, comme s'il savait que ce n'était que le début de quelque chose de bien plus sombre.

Il n'eut pas le temps de réfléchir davantage. Une autre alerte, cette fois sur son téléphone. Un message de son ami d'enfance, Sadjid. "Ryann, qu'est-ce que tu as fait ? Tu n'es plus toi-même." Ces mots résonnèrent dans sa tête comme un avertissement qu'il ne pouvait ignorer.

Mais il avait tout. Il avait la gloire. Il avait l'amour. Il avait tout ce qu'il voulait... ou du moins, c'est ce qu'il croyait.

À l'école, ses notes étaient impeccables, mais les rires derrière lui étaient devenus plus nombreux, les chuchotements plus fréquents. Ses camarades le regardaient différemment. À la maison, ses parents se réjouissaient de ses réussites. Mais Ryann savait que les discussions étaient devenues plus tendues. Sa mère, inquiète, avait vu un changement dans son regard, quelque chose d'étrange, de glacial.

Le plus inquiétant, c'était cette sensation constante de vide. Un vide qu'il ne pouvait combler, un vide que chaque sourire et chaque réussite ne parvenaient pas à remplir. Plus il obtenait de reconnaissance, plus il ressentait cette sensation de perte.

C'est alors que l'homme du pacte apparut de nouveau, dans un coin de sa chambre. Une silhouette sombre, imposante, il ne l'avait même pas entendu entrer.

- Tu te sens mal, n'est-ce pas ? dit-il calmement. Tu croyais que l'obtention de ce que tu voulais allait te rendre heureux. Mais tu as oublié une chose, Ryann. Les sacrifices ont un prix. Et tu le payes maintenant.

Ryann se leva, furieux. Il n'était plus le jeune homme naïf qu'il était. Il avait l'impression de ne plus rien comprendre.

- Qu'est-ce que tu veux dire par là ? Il se mit à trembler. J'ai tout ce que j'ai toujours voulu !

L'homme ne sourit pas.

- Ce que tu veux, ce n'est pas ce que tu as. Ce que tu as, tu l'as payé. Et ce n'est pas fini, Ryann. L'ombre te suit partout. Tu croyais avoir échappé à tout, mais tu es toujours prisonnier. L'enfer, ce n'est pas seulement une destination, c'est un chemin. Et tu es en train de le parcourir.

Le cœur de Ryann se serra. Il sentit la pression dans ses tempes, la chaleur envahir son corps. C'était la première fois qu'il avait peur. Réellement peur.

- Que dois-je faire ? demanda-t-il, la voix brisée.

- Tu le sais, répondit l'homme dans un souffle. Tu as signé. Et maintenant, tu as à faire face à tout cela.

L'ombre de l'homme s'éloigna, se fondant dans l'obscurité, laissant Ryann seul, plus seul que jamais.