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Velmara, Espagne – 8h30
Naïa Vesper traversait le hall luxueux de l'immeuble Argos Tech, son badge serré entre ses doigts fins. La journée ne faisait que commencer, mais elle sentait déjà la tension nouer ses épaules. Comme à son habitude, elle était en retard – pas de beaucoup, peut-être deux ou trois minutes, mais lorsqu'on travaillait pour Elio Vasquez, chaque seconde comptait.
Elle accéléra le pas, évitant de justesse un stagiaire qui manqua de renverser son café brûlant sur son chemisier crème. L'odeur du café et du stress matinal flottait dans l'air, tandis que des employés bien habillés défilaient autour d'elle, téléphones vissés à l'oreille, déjà plongés dans des négociations importantes.
Appuyant frénétiquement sur le bouton de l'ascenseur, elle jeta un coup d'œil à sa montre. 8h32. Deux foutues minutes. Un soupir échappa à ses lèvres. Elle connaissait déjà la réplique froide qu'Elio lui servirait.
Vous êtes en retard.
L'ascenseur s'ouvrit et elle s'y engouffra, priant pour que son patron ait quelque chose de plus important à faire que de lui faire une remarque cinglante sur sa ponctualité.
Le bureau du dernier étage
L'immense baie vitrée de l'étage dirigeant offrait une vue imprenable sur Velmara. La lumière dorée du matin inondait la pièce minimaliste où dominait une palette de noirs, de gris et d'acier. Un décor aussi froid et impeccable que son propriétaire.
Derrière un large bureau en bois sombre, Elio Vasquez lisait un dossier avec la même concentration que s'il analysait un document classé secret défense.
Son costume anthracite était impeccable, son allure, calculée dans les moindres détails. Avec ses cheveux noirs soigneusement coiffés en arrière et son regard perçant, il avait cette présence imposante qui en intimidait plus d'un. Pourtant, Naïa, qui travaillait pour lui depuis trois ans, savait une chose : sous cette façade d'homme d'affaires impassible, il cachait un perfectionnisme acharné et une exigence presque inhumaine.
Il ne leva même pas les yeux lorsqu'elle entra.
- Vous êtes en retard.
La voix était calme, posée, mais le reproche était bien là.
Naïa serra les dents. Il ne lui en fallait pas plus pour comprendre qu'il savait parfaitement qu'elle était arrivée avec seulement deux minutes de retard.
- Je suis désolée, le trafic était infernal.
- Excuse peu convaincante, Vesper.
Elle détestait quand il l'appelait par son nom de famille. Il faisait toujours ça : mettre une barrière, une distance entre lui et les autres.
Déposant un dossier devant lui, elle tenta de masquer l'agacement qui montait en elle. Pourtant, aujourd'hui, l'air semblait encore plus électrique que d'habitude.
Elio referma lentement son dossier, posant son stylo en argent sur la table. Puis, il la fixa de son regard perçant.
- J'ai besoin de vous pour quelque chose.
Sa voix était calme, presque posée, mais elle sentait la tension sous-jacente dans ses mots.
Naïa haussa un sourcil.
- Un problème ?
Il se leva, mains dans les poches, et s'approcha lentement d'elle.
- Un arrangement. Un contrat. Une faveur mutuellement bénéfique.
Son ton professionnel ne laissait rien transparaître.
Elle croisa les bras.
- Je vous écoute.
- J'ai besoin d'une petite amie.
Le silence qui suivit fut si brutal qu'elle aurait pu entendre une mouche voler.
Naïa cligna des yeux, persuadée d'avoir mal entendu.
- Pardon ?
Elio, imperturbable, continua.
- Les investisseurs veulent une image de stabilité. Un homme d'affaires bien entouré, sérieux, ayant une vie privée équilibrée. Ils veulent croire que je suis un homme engagé, prêt à m'investir sur le long terme.
Elle ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit.
- Donc, si je comprends bien... Vous voulez m'engager pour jouer votre petite amie ?
- Précisément.
Naïa éclata de rire, un rire nerveux et incrédule.
- Je crois que vous avez regardé trop de comédies romantiques, Vasquez.
Il haussa un sourcil, visiblement peu amusé par sa réaction.
- C'est un contrat sérieux. Vous seriez rémunérée pour votre rôle, et bien sûr, nous établirons des règles strictes. Ce serait purement professionnel.
Elle secoua la tête, essayant de retrouver son calme.
- Et pourquoi moi ?
- Parce que vous êtes déjà sous contrat avec moi, que vous connaissez mon emploi du temps, mes habitudes, et que vous êtes compétente.
- Je suis votre assistante, pas une actrice.
- Vous êtes intelligente et capable de vous adapter à toutes les situations. Je n'ai pas de temps à perdre avec une inconnue.
Elle croisa les bras, cherchant les failles dans son raisonnement.
- Et combien seriez-vous prêt à payer pour ce rôle ? demanda-t-elle, par simple curiosité.
- Cinq cent mille euros.
Un souffle lui échappa.
Elle sentit ses jambes vaciller légèrement, mais elle se rattrapa à la table.
- Vous êtes sérieux ?
- Très.
Naïa déglutit. Une somme pareille... Avec cet argent, elle pourrait payer toutes les dettes médicales de sa mère, assurer une vie plus stable à sa famille et même poursuivre son rêve d'ouvrir une galerie d'art.
Mais à quel prix ?
Elle leva les yeux vers Elio. Il était toujours là, impassible, l'attendant.
- Je ne suis pas une escort.
- Ce n'est pas ce que je vous demande. Il ne s'agit que d'une mise en scène. Rien de plus.
Elle hésita.
- Pourquoi ne pas engager quelqu'un d'autre ? Une mannequin ? Une célébrité ?
Elio pinça les lèvres.
- Les gens s'intéressent trop à la vie des célébrités. Il me faut quelqu'un de discret.
Naïa ne savait pas quoi dire. Tout cela était absurde. Et pourtant, la somme d'argent qu'il proposait était impossible à ignorer.
Mais quelque chose en elle se braqua.
Elle prit une profonde inspiration et planta son regard dans le sien.
- Je refuse.
Puis, sans attendre sa réponse, elle tourna les talons et quitta son bureau.
Alors qu'elle refermait la porte derrière elle, une seule question la hantait : avait-elle vraiment les moyens de refuser ?