Chapitre 4 Chapitre 4

Chapitre 4 : L'Ombre du Silence .

_Point de vue d'Aurélia_

La limousine glissait doucement sur les routes sombres, enveloppée par le murmure discret du moteur. Le silence à l'intérieur du véhicule était presque assourdissant, brisé uniquement par la voix grave de Maxence qui parlait en italien au téléphone. Chaque mot qu'il prononçait, fluide et précis, me rappelait l'homme qu'il était : un stratège, un maître de l'ombre.

Assise en face de lui, mes mains crispées sur le tissu de ma robe, je pouvais sentir les battements de mon cœur résonner dans ma poitrine. Le mariage était fini, mais une autre étape se profilait, une étape que je ne pouvais ignorer. La lune de miel... et tout ce qu'elle impliquait.

Je fixais mes mains, évitant de croiser son regard, même lorsqu'il levait les yeux un instant entre deux conversations téléphoniques. Je ne savais pas ce qui me terrifiait le plus : l'idée de me retrouver seule avec lui ou l'incertitude de ce qu'il attendait de moi.

Depuis la réception, il n'avait pas prononcé un mot à mon égard. Pas un regard, pas une tentative de conversation. Il était entièrement absorbé par son monde, celui des affaires, des appels codés, des accords dans l'ombre. Cela aurait dû me rassurer. Après tout, plus il était distant, moins je devrais affronter le fardeau de ce mariage.

Et pourtant, ce silence me pesait. Il avait un poids écrasant, un poids qui me faisait réfléchir à ma propre insignifiance dans cette union. Je n'étais pas sa partenaire, pas son égale. J'étais une pièce dans un échiquier complexe, une reine peut-être, mais une reine contrôlée par le roi.

Je pensais à ma mère, à ses paroles rassurantes avant la cérémonie. _"Tout ira bien, Aurélia. Maxence est un homme juste."_ Que savait-elle de cet homme ? Rien, ou peut-être tout ce qu'elle voulait bien croire. Elle m'avait poussée dans cette situation, et maintenant que tout était scellé, elle pouvait s'enorgueillir de son "sacrifice" pour la famille.

Je pensais à mes frères et sœurs, à Julien qui m'avait offert son soutien sans réserve, à Clémence qui m'avait regardée avec une innocence troublante. Eux au moins semblaient croire que j'étais capable de surmonter tout cela. Mais ils ne comprenaient pas la réalité. Ils ne savaient pas à quel point j'étais terrifiée.

Et puis, il y avait moi, Aurélia, vingt ans, vierge et mariée à un homme dont le monde était rempli de danger, de mystère, et d'ombres. Je me demandais si je pourrais un jour trouver ma place dans ce chaos, ou si je finirais par me perdre complètement.

Maxence raccrocha finalement, son téléphone retournant dans la poche intérieure de son costume. Il se tourna légèrement vers moi, son regard calculateur et froid.

- Vous êtes silencieuse, remarqua-t-il.

Je levai timidement les yeux vers lui, cherchant une réponse qui ne trahirait pas ma peur.

- Je n'ai pas grand-chose à dire, murmurai-je.

Il haussa un sourcil, son expression indéchiffrable.

- Vous avez toujours l'air terrifiée quand vous êtes avec moi.

Je serrai légèrement ma robe, détournant le regard.

- Peut-être parce que je le suis, répondis-je, ma voix faible mais honnête.

Il ne sembla pas surpris par ma réponse. Au contraire, un léger sourire amusé apparut sur ses lèvres.

- Aurélia, vous apprendrez que dans ce monde, la peur peut être une arme. Et parfois, c'est celle qui vous protège le mieux.

Je ne répondis pas. Ses paroles, bien que troublantes, ne faisaient qu'ajouter à mon incertitude.

La voiture s'arrêta enfin devant un grand hôtel, aussi impressionnant que tout ce qui entourait Maxence. Alors que la portière s'ouvrait et que l'air frais de la nuit me frappait, je savais que cette étape marquait le début de quelque chose que je ne pouvais éviter. Je devrais survivre à cette nuit, à cette lune de miel, et à cet homme.

Mais comment survivre à quelqu'un que je ne comprends pas, et que je redoute à chaque instant ?

_(Point de vue de Maxence)_

Je venais de retirer ma veste et ma cravate, laissant derrière moi l'apparence impeccable que j'avais portée toute la journée. Mais même sans ces vêtements, je savais que je restais un homme difficile à approcher.

Aurélia était assise sur le bord du lit, immobile, ses mains crispées sur le tissu de sa robe. Elle semblait perdue dans ses pensées, et je pouvais presque sentir la tension qui émanait d'elle. Je savais pourquoi elle était nerveuse. Ce mariage, cette nuit, tout cela n'était qu'un poids supplémentaire sur ses épaules déjà fragiles.

Je pris une bouteille de vin rouge sur la table et l'ouvris calmement. Le bruit du bouchon qui sautait résonna dans la pièce, brisant le silence pesant. Je versai deux verres et m'approchai d'elle, tendant l'un des verres.

- Prenez, dis-je doucement.

Elle leva les yeux vers moi, hésitante, avant de prendre le verre d'une main tremblante.

- Pourquoi êtes-vous si nerveuse ? demandai-je, bien que je connaissais déjà la réponse.

- Rien, murmura-t-elle, évitant mon regard.

Je m'assis sur le fauteuil en face d'elle, prenant une gorgée de vin avant de poser mon verre sur la table.

- C'est notre lune de miel, Aurélia, dis-je calmement. Vous ne devriez pas être aussi mal à l'aise.

Elle releva les yeux vers moi, un éclat de défi dans son regard.

- Ah bon ? répondit-elle, sa voix teintée d'ironie.

Je hochai la tête, un sourire léger effleurant mes lèvres.

- Oui, répondis-je.

Elle posa son verre sur ses genoux, ses doigts jouant nerveusement avec le bord. Puis, elle parla, sa voix tremblante mais ferme :

- Imaginez que votre fille, si vous en aviez une, soit mariée à un homme qu'elle n'aime pas. Un homme qu'elle n'a jamais appris à connaître, qu'elle a rencontré en un instant. Imaginez qu'elle soit obligée de vivre cela. Comment vous sentiriez-vous ?

Ses mots me frappèrent comme un coup de poing. Je baissai la tête, incapable de soutenir son regard. Elle avait raison. Chaque mot qu'elle prononçait était une vérité que je ne pouvais nier.

Je posai mon verre sur la table et fis un pas vers elle. Elle recula instinctivement, et je levai une main apaisante.

- N'ayez pas peur de moi, murmurai-je.

Je tendis une main et caressai doucement son bras, sentant la tension dans ses muscles.

- Je comprends ce que vous ressentez, dis-je. Je sais que tout cela est injuste pour vous.

Elle leva les yeux vers moi, des larmes roulant sur ses joues.

- Le fait est, continuai-je, que je n'ai jamais su comment parler à une femme. Je n'ai jamais su comment les comprendre, comment les approcher. Malgré mon âge, je suis un homme maladroit dans ce domaine.

Je fis une pause, cherchant mes mots.

- Lorsque votre mère m'a proposé de vous... de vous donner à moi, j'ai accepté sans réfléchir. Pas parce que je voulais vous posséder, mais parce que je pensais que c'était ma seule chance.

Elle fronça légèrement les sourcils, mais resta silencieuse.

- Je n'ai pas l'intention de vous malmener ou de vous traiter comme une... comme une chienne, dis-je, ma voix se brisant légèrement. Non. Tout ce que je désire, c'est une femme à mes côtés. Une femme qui pourrait m'apprendre à aimer, qui pourrait me montrer ce que cela signifie.

Je fis un pas en arrière, lui laissant de l'espace.

- Toute ma vie, je n'ai connu que la violence, continuai-je. Ni mes parents, ni mes amis, personne ne m'a jamais montré ce qu'était l'amour. Tout ce que j'ai fait, c'est tuer, encore et encore, sans jamais penser aux conséquences, sans jamais comprendre le mal que je faisais.

Je croisai son regard, espérant qu'elle puisse voir la sincérité dans mes paroles.

- Je ne vous demande pas de m'aimer, Aurélia, murmurai-je. Mais je vous demande de me donner une chance. Une chance de devenir un homme meilleur.

Je reculai encore, lui laissant le temps de digérer mes paroles. Je savais que je ne pouvais pas effacer ce que j'étais, ni ce que j'avais fait. Mais pour la première fois depuis longtemps, je voulais essayer. Pas pour moi, mais pour elle.

Aurélia resta silencieuse, ses larmes continuant de couler. Et moi, pour la première fois, je me sentis vulnérable.

            
            

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