Chapitre 4 CHAPITRE 4

_ Grave je te dis. Ils font ça mal là-bas, ici c'est la source. On devrait donner un oscar à ta mère pour ses beignets, ils sont meilleurs, dommage que ça ne l'ait pas rendu riche.

_ C'est quoi la richesse pour toi ?

_ Bah c'est avoir beaucoup d'argent, quel est cette question stupide.

_ Oh désolée. Tu peux donc m'aider pour que ça aille plus vite.

_ Je n'ai pas envie de me salir les mains avec du charbon. Je vais rentrer et revenir dans une heure. J'espère que ça sera prêt.

_ A vos ordres mademoiselle.

Abigaëlle est amusée par la réaction de sa copine qui, depuis qu'elle côtoie des personnes autres que celles du village, a pris la grosse tête et se sent supérieur. Elle a totalement perdu son humanité, elle trouve ça très triste. Abigaëlle commence à frire les beignets et à servir les premières personnes déjà présentes pour s'en procurer. Maman Jeanne arrive enfin.

_ Désolée du retard Abi, ton père m'a retenu.

_ Vous faites encore des bêtises ?

_Tu appelles quoi bêtises stuipp.

_ Hahahahaha. Attends je te laisse la place.

Abigaëlle se lève, elle retire son tablier et le remet avec la sacoche qui contient la recette. Maman Jeanne découvre qu'elle porte une nouvelle robe.

_ J'aime ta robe tu l'as eu où ?

_ Ça fait partie des vêtements que Natacha m'a ramenés.

_ Ah c'est gentil de sa part. Voilà une fille que j'apprécie beaucoup, elle n'est pas comme la villageoise de Marlène.

_ Ah maman, Marlène a son éducation, du moins ce qu'elle a acquis à Yaoundé.

_ Quand je vois sa mère elle ne cesse de me raconter comment ses enfants s'en sortent en ville, elle me nargue indirectement, vraiment ça me donne l'impression que j'ai raté l'éducation de mes enfants, surtout toi.

_ Ne la gère pas, tu n'as rien raté du tout. En parlant de ça, tu as pensé à mon école ?

_ Oui j'en ai parlé à papa. Ma chérie c'est si difficile pour nous de ne pas pouvoir t'accompagner dans cette voie. Papa n'a pas assez d'argent tu sais bien que nos affaires ne marchent pas convenablement. Ça me fait mal de te dire ça, tu es si intelligente, tu mérites de poursuivre tes études.

_ Ce n'est pas grave maman je comprends. En même temps je me demande comment vous ferez si je ne suis plus là.

_ On va s'en sortir. Écoute, j'ai pensé à ce que tu fasses une formation ici en ville, il y'en a un peu partout. C'est vrai que ce n'est pas l'université mais une formation c'est pour apprendre un métier.

_ Oui c'est aussi une bonne idée comme ça je resterais ici avec vous. Mais jusque-là il va toujours falloir de l'argent.

_ Je vais prendre ma cotisation en début d'année et payer ta pension, tu vas juste choisir quelle formation tu veux faire.

_ Merci beaucoup maman, mais papa ne va pas accepter, cet argent c'est pour envoyer à Paul.

_ Tu n'as pas à me remercier c'est mon devoir. Je vais dire à papa que je n'ai pas reçu l'argent à la réunion, je vais le jongler ne t'inquiète pas, j'en fais mon affaire.

Abigaëlle fait un câlin à sa mère. Elle est reconnaissante tous les jours d'avoir eu une femme extraordinaire pour seconde maman qui a su l'aimer et lui donner sa place dans cette maison.

_ Maman tu as laissé ce que je vais préparer ?

_ Non, je n'ai rien trouvé à la maison, il n'y a que les graines de koki et de l'huile rouge.

_ J'ai vu un régime de banane au champ quand j'allais à la rivière, je peux aller le couper et je fais le koki qu'on va manger avec.

_ Voilà pourquoi je t'adore, tu as solution a tout. Fais ça ma chérie.

_ D'accord à tout à l'heure.

Abigaëlle retourne à la maison, elle passe par le chemin le plus long pour pouvoir regarder les élèves aller à l'école. Dans sa patrouille, elle tombe sur son frère qui attend devant la maison de son ami.

_ Eh Brice qu'est-ce que tu fais là-bas ?

_ Eh merde ! Euh j'attends Raoul.

_ Tu sais l'heure qu'il est ? Au lieu de presser le pas pour ne pas arriver en retard tu viens chercher ton voyou d'ami, allez passer ici.

_ Abi franchement tu m'emmerde.

_ Je vais encore plus t'emmerder si tu ne passes pas ici, je vais même te frapper devant tes camarades de classe. Allez dépêche-toi, c'est une chance que je sois passée par ici.

Brice suit sa sœur malgré lui, il ne veut pas d'ennuis. Même s'il traîne le pas, elle ne le lâche pas jusqu'à un carrefour où il doit continuer à gauche et elle doit prendre la droite, rue qui mène à la maison.

_ Je te laisse ici, marche vite pour ne pas arriver en retard.

_ Ok bye.

Brice traîne le pas, il fait semblant de s'y rendre et dès qu'il constate que sa sœur est éloignée, il revient sur ses pas et retourne chez son ami qui est déjà sorti.

_ Eh mec ou étais-tu ?

_ C'est ma sœur qui m'a ramassée ici, tu sais comment elle est sauvage.

_ Je t'avais demandé de lui trouver un petit ami tu verras qu'elle ne t'importunera plus. Allons chez Max.

_ Quoi ? On va au lycée frère, je ne peux pas manquer les cours aujourd'hui.

_ Tu as encore peur de ta sœur, elle n'en saura rien. Vient avec moi tu ne vas pas le regretter. J'emmerde les cours, ça ne me donne rien.

_ Moi si, je dois avoir mon examen pour aller en classe de Terminale et de là mes parents m'enverrons chez mon grand frère en Belgique.

_ Hahahahaha tu me fais rire. Tu parles de quels parents, ceux qui n'ont pas pu payer la totalité de ta pension, on t'a chassé combien de fois pour la deuxième tranche ? Ne rêve pas mon vieux, tes parents n'ont plus les moyens d'envoyer un enfant en Europe, ton frère a eu sa chance.

_ Ils en sont capables, ne les sous-estiment pas. Bref je vais à l'école, si tu veux tu vas chez Max, on se voit en soirée.

_ C'est comme tu veux.

Brice qui se souci de ses études se rend au lycée. Il sait que l'unique opportunité de voyager à l'extérieur est de réussir à ses examens et pour cela, même si ça ne lui plait pas, il travaille ; même si l'envie de suivre ses amis dans le voyoutisme le séduisent plus.

            
            

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