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Le soleil se lève lentement à l'horizon, projetant des rayons dorés sur les champs et les arbres. L'air est frais et pur empli des parfums des herbes qui poussent dans les champs. Les oiseaux chantent à tue-tête, leurs mélodies joyeuses et variées créent une symphonie naturelle qui remplit l'air. C'est dans cette atmosphère que Abigaëlle qui s'est réveillée tôt est allée à la rivière puiser de l'eau qu'elle verse ensuite dans les grands récipients de la maison permettant à ses habitants de ne pas manquer de quoi faire sa toilette.
Après sa dernière tournée, elle constate que la grande bassine dans laquelle elle venait de verser le seau d'eau est à moitié pleine ce qui l'irrite. Elle se rend aux toilettes traditionnelles qui se trouvent derrière la maison, faites de brique de terre, elle trouve un grand seau d'eau qui n'attend que son utilisateur. Brice arrive en serviette sur cette fraîcheur matinale. Il fait face à sa sœur qui sort des toilettes avec son seau et l'interroge stupéfait.
_ Mais qu'est-ce que tu fais ?
_ Je vois que tu es malade hein, je me tue à aller loin à la rivière puiser de l'eau pour remplir nos récipients toi le bon monsieur tu es couché et tu te permets de venir ramasser tout un seau pour te laver. Je ne suis pas ta bonne, si tu veux te laver va puiser ton eau.
_ Abi je n'ai pas envie de me prendre la tête avec toi ce matin. Je te rappelle que je vais à l'école, je n'ai pas le temps d'aller à la rivière. Va déposer mon seau aux toilettes je vais me doucher.
_ Viens m'arrêter je ne dépose pas stuip.
Abigaëlle le bouscule et avance avec le seau. Brice se met à crier, il appelle ses parents à l'aide. Monsieur et madame SIANI arrivent.
_ Mais qu'est ce qui se passe le matin, s'exclame papa Georges.
_ Papa c'est Abi qui refuse que je me lave. Elle a pris mon seau d'eau dans les toilettes.
_ Abi, pourquoi tu ne veux pas qu'il se douche ?
_ Papa, j'ai puisé l'eau seul aujourd'hui, j'ai rempli tous les récipients alors que Brice est debout depuis, il ne m'a pas aidé. Qu'il aille puiser sa part.
_ Abi laisse le se doucher, l'eau c'est pour tout le monde. Tu ne vas pas empêcher ton frère d'en profiter aussi. Donne-lui son seau.
: Ne donne pas, dit maman Jeanne, ce qui surprend son mari et son fils. Je crois qu'il est encore temps de faire un tour à la rivière et de revenir te laver Brice. Allez prend un seau vide tu vas puiser ton eau.
_ Mais maman !
_ Eh ferme-moi ta bouche, paresseux. Tu as toujours cette mauvaise habitude de laisser Abi faire ton travail. Pendant qu'elle va à la rivière le petit matin qu'est-ce que tu fais ? Tu dors n'est-ce pas? Regarde tous les récipients qu'elle a remplis toute seule, tu n'as pas honte. Ne touche pas à son eau, si tu veux te doucher tu vas puiser pour toi ou tu iras à l'école sans te laver c'est mon dernier mot je rentre me coucher. Je ne veux plus t'entendre crier.
Abigaëlle qui est plus que satisfaite tire la langue à son frère très nerveux. Papa Georges suis sa femme dans leur chambre.
_ Jeanne je ne suis pas d'accord avec la façon dont tu traites notre fils. Tu devrais le laisser se doucher avec cette eau et le soir il pourra le remplacer.
_ C'est ça le problème avec toi, tu le dorlote trop. Il n'est plus un enfant, il doit apprendre à travailler. Tu t'imagines que c'est Abi qui fait toutes les tâches ménagères de cette maison jusqu'à la cuisine, qu'est-ce qu'il fait ? Il est nul à l'école, à la maison c'est pareil, je n'ai pas accouché d'un feignant. Si tu continues à tout accepter comme caprice, il finira bon à rien.
_ Tu as raison, oui tu as raison.
_ Mais bien sûr que j'ai raison. Je dois me lever à 4 heures pour tourner la pâte des beignets, si je ne le fais pas c'est Abi qui le fait. Elle finit de tourner la pâte, elle va faire la vaisselle, le ménage, allé à la rivière parfois à 5 heures pendant que ce tonneau vide dort. Prochainement je vais le frapper.
_ Tu ne vas quand même pas en arriver là. Je vais lui parler.
_ Tant mieux. Pendant qu'on y est, je voulais te parler de l'avenir d'Abi. Tu ne crois pas qu'on devrait l'inscrire à l'université ?
_ Pardon ? A l'université tu dis, avec quel argent ?
_ Mais papa, tu as des économies non !?
_ Ils sont réservés pour la rentrée prochaine de Brice et ce que je vais envoyer à Paul.
_ Je suis certain que Paul peut se débrouiller où il est. Ce n'est plus un enfant qui doit vivre aux dépens de ses parents.
_ Il ne travaille pas, tu crois qu'il vit comment ? Je n'ai pas d'argent pour l'école d'Abi.
_ Paul travail j'en suis sûr, il a fini l'école depuis, sinon qu'est-ce qu'il fait là-bas si ce n'est pas travailler ? Ce n'est pas juste papa, on va dire que nous faisons de la discrimination alors que ce n'est pas le cas.
_ Et même si ça l'est qu'est-ce que ça peut bien faire à ces gens-là. J'ai le droit de préserver l'avenir de mes enfants non ? Abigaëlle est ma nièce, elle n'est pas ma propre fille.
_ C'est triste ce que tu dis. Ton frère te la confié avant de rendre l'âme, tu ne peux pas la traiter au titre de nièce alors qu'elle fait partie de cette famille depuis des années au même titre que les autres. Ne sois pas méchant.
_ Je ne le suis pas parce que si je l'étais, elle n'allait pas avoir son baccalauréat. Tu sais très bien ce que ça implique de la laisser partir. En plus ce sont des dépenses énormes, il va falloir lui payer une chambre avec tout le nécessaire, dis-moi je prends cet argent où ?
_ Nous avons encore un terrain qui....
_ Eh madame ne finit pas ta phrase. Que je vende l'unique terrain qui nous reste ? ça ne va pas ?
_ C'était une proposition, nous avons bien vendu les autres pour envoyer Paul en Europe et financer ses études.
_ Et alors, Paul c'est mon fils je vais toujours te le rappeler pour que tu fasses la différence entre les deux. D'ailleurs dis-moi comment nous allons vivre ici si Abi s'en va. Avec ton fils bon à rien, qui va nous aider ? Tu ne peux même pas réfléchir un peu. Si Abi part nous sommes foutus. Je ne veux plus revenir sur ce sujet, laisse-moi me reposer un peu.
Papa Georges se couche laissant sa femme divaguer dans ses pensées. Elle se souvient bien de ce jour où les flammes ont ravagé la maison de son beau-frère alors qu'ils étaient tous endormis. Seule la petite Abi avait pu s'échapper avant que la maison ne finisse sous les flammes. C'est sur son lit d'hôpital, souffrant de brûlure sévère que son mari et elle avaient promis à son beau-frère de prendre soin de son unique fille. Il avait succombé à ses brûlures au petit matin, Abigaëlle n'avait que 12 ans. Très rapidement elle avait été adoptée par cette famille principalement par maman Jeanne qui l'a prise sous son aile. Elle l'a prise pour la fille qu'elle n'avait jamais eue, Abigaëlle a retrouvé en elle une mère, une stabilité familiale et un toit sur lequel vivre.
Le comportement de son mari n'étonne pas maman Jeanne, il a toujours fait la différence entre ses garçons et la petite Abigaëlle. Si elle ne lui avait pas mis la pression, cette dernière n'allait jamais aller à l'école. Dans le but de tenir sa promesse, maman Jeanne trouvera une solution pour que sa fille poursuive ses études.
Abigaëlle se charge comme tous les matins d'ouvrir le beignetariat et d'apprêter tout le nécessaire pour la cuisson des beignets avant que sa mère n'arrive prendre le relai. Pendant qu'elle allume le feu de bois, sa copine Marlène arrive.
_ Eh ma chérie, tu n'as pas encore commencé à frire les beignets ?
_ Bonjour Marlène, on n'a pas dormi ensemble.
_ Stuipp moi j'ai faim et c'est ça que je veux manger avec les bâtons de manioc.
_ Ça t'a manqué à Yaoundé à ce que je vois.