Elle resta immobile, son regard accroché à celui du loup. Chaque respiration était une lutte, chaque battement de cœur une rébellion contre ce destin qu'elle refusait d'accepter. Mais c'était trop tard. Le destin les avait rattrapés.
Nolan s'avança lentement à ses côtés, les muscles tendus, les poings serrés. Il savait, comme elle le savait, que cette rencontre n'était pas une simple coïncidence. Elle marquait la fin d'une ère. Mais ce qui venait ensuite, aucun d'eux ne le savait.
Elya sentit un frisson courir le long de sa colonne vertébrale. Le loup s'était figé à quelques mètres d'elle, ses yeux brillants d'un éclat trop intense pour être ignoré. Un grondement sourd s'échappa de sa gorge, mais ce n'était pas une menace. Ce n'était pas un avertissement. C'était un appel.
Elle ferma les yeux un instant, cherchant à dominer la tempête qui se déchaînait en elle. Il fallait qu'elle reste calme. Il fallait qu'elle prenne le contrôle. Mais le loup en elle, ce loup qu'elle avait mis en cage pendant si longtemps, se battait pour se libérer.
Puis, une voix.
Un murmure, comme une brise d'été, s'éleva dans l'esprit d'Elya. Une voix qui ne venait pas de ses lèvres, mais qui résonnait dans ses pensées.
« Nous sommes liés. »
Elle ouvrit les yeux, le regard plongé dans celui du loup. Un lien. Un lien qu'elle ne comprenait pas, mais qu'elle sentait avec une certitude absolue.
La terre sembla se dérober sous ses pieds, et elle se retrouva presque à genoux, son corps en proie à une force invisible. Son loup grondait, hurlait, réclamait ce qui lui revenait. La lutte était inutile. Ils étaient déjà perdus.
Nolan s'approcha d'elle, sa voix coupant le silence lourd qui s'était installé.
- Tu ressens ça aussi, n'est-ce pas ?
Elle hocha la tête, incapable de répondre. Les mots lui échappaient, engloutis par ce tourbillon intérieur. Elle se tourna à nouveau vers le loup, qui restait immobile, observant.
L'ombre de la forêt semblait s'étirer, s'allonger autour d'eux, une silhouette spectrale prête à les engloutir. Mais tout était calme. Il n'y avait aucun bruit, aucun cri, juste ce regard profond et hypnotique qui les liait.
Elya se releva doucement, le regard toujours fixé sur le loup.
- Que veux-tu ? souffla-t-elle, sa voix brisée.
Le loup ne répondit pas, mais quelque chose dans son regard sembla changer. Une lueur de reconnaissance. Et dans un geste fluide, il fit un pas en arrière, son corps s'éloignant lentement, mais sans quitter la clairière. Il attendait.
Elle ne comprenait pas. Elle ne comprenait rien de ce qui se passait. Mais quelque chose lui disait qu'il n'y avait pas de retour en arrière.
Un éclat brillant, soudain, traversa l'obscurité. Un cri, faible mais pénétrant, s'éleva dans l'air.
Une silhouette émergea des ombres.
Elya et Nolan se tournèrent en même temps, leurs regards se croisant. Ils savaient. Ils savaient que ce cri n'était pas un avertissement. C'était un appel. Un appel qui leur disait que le jeu venait de commencer.
Et qu'ils étaient les pièces maîtresses.
L'air se chargea d'une énergie nouvelle, lourde de présages et de danger. La silhouette qui émergeait des ténèbres semblait appartenir à un autre monde, une présence qui tirait son pouvoir des ombres elles-mêmes. Elya sentit son cœur s'emballer, la peur mêlée à un sentiment étrange, une tension palpable qui émanait de chaque fibre de son être. Le loup, toujours là, attendait. Il ne bougeait pas, mais sa posture était tendue, ses sens aiguisés par une menace invisible.
La silhouette s'avança davantage, une silhouette humaine, mais dont les traits étaient flous dans l'obscurité. Un voile de mystère enveloppait cet individu, comme s'il était plus qu'humain, quelque chose d'ancien, de primitif. Ses pas étaient silencieux, mais chaque mouvement semblait creuser l'air autour de lui, chaque instant qui passait le rendait plus menaçant. Le cri, faible mais perçant, avait cessé, mais l'écho du son persistait, flottant dans la brise nocturne.
Nolan se rapprocha d'Elya, son regard fixé sur l'ombre, son corps tendu, prêt à réagir à la moindre menace. Elya, elle, ne pouvait détacher ses yeux de cette apparition. Quelque chose dans son instinct lui disait que cet homme - ou cette chose - était bien plus qu'une simple menace. Il était une clé, tout comme le loup. Et cette clé pouvait soit les sauver, soit les condamner.
Les premiers mots brisèrent le silence, murmurés dans un ton bas, presque imperceptible, mais chargé d'une force surnaturelle.
- Vous ne pouvez fuir ce que vous êtes.
La voix résonna dans l'air, à la fois étrange et familière. Elya sentit une vague d'angoisse l'envahir, comme si elle connaissait cette voix. Mais d'où ? Comment ? Ses souvenirs étaient flous, mêlés aux ombres de son passé qu'elle avait tenté d'enfouir.
L'homme, ou ce qui en restait, s'avança encore. Un éclat vert lumineux brilla dans ses yeux, une lueur féroce qui trahissait une nature qu'Elya n'aurait jamais pu imaginer. Il était, à l'évidence, un prédateur. Mais quelle sorte de prédateur ?
- Tu ne devrais pas être ici,. dit-il à Nolan, ses yeux passant furtivement sur lui avant de revenir à Elya. Pas maintenant, pas après tout ce qui s'est passé.
La tension monta d'un cran. Nolan, habituellement stoïque, fit un pas en avant, un éclat d'agressivité traversant ses traits. Il n'aimait pas ce qu'il entendait, et il n'avait aucune intention de rester là à écouter cette créature - quelle qu'elle soit - parler d'eux comme s'ils étaient déjà condamnés.
- Qui êtes-vous ? gronda-t-il, mais sa voix tremblait légèrement, betraying une inquiétude qu'il n'aurait jamais voulu montrer. Il n'aimait pas le ton de cet être, ni l'ambiguïté de ses paroles. Et il détestait encore plus cette sensation d'être suivi, observé, comme un oiseau pris au piège.
L'homme sourit, mais ce sourire ne portait aucune chaleur. C'était un sourire de compréhension macabre.
- Tu ne me connais pas encore, mais tu finiras par le faire, Nolan. Il fixa alors Elya, un éclat de reconnaissance dans ses yeux. Quant à toi, Elya... Il marqua une pause, comme s'il mesurait ses mots. Tu ne peux plus ignorer ton héritage, le lien qui t'unie à ce monde que tu fuis depuis si longtemps.
Les mots durs frappèrent Elya comme un coup de poing. Son cœur se serra dans sa poitrine, et l'air sembla se raréfier autour d'elle. Le loup à ses côtés, jusque-là silencieux, grogna bas. Il sentait la même pression, la même menace qui montait. Mais il n'était pas seulement agité, il semblait impatient. Il voulait savoir, tout comme elle.
- Ce n'est pas possible... murmura-t-elle, à la fois perdu et furieuse. Nous avons tout abandonné. Nous avons tout effacé. Vous n'avez aucun droit.
Mais l'homme ne semblait pas perturber par sa rébellion. Au contraire, il inclina légèrement la tête, comme un professeur devant un élève récalcitrant.
- Tu te trompes, Elya. Rien n'est effacé. Le sang ne se cache pas. Et les liens... Les liens ne disparaissent jamais.
Il s'approcha encore, ses pas lents mais sûrs, et d'un geste fluide, il tendit la main, comme pour toucher l'air entre eux. Une lumière verte, presque phosphorescente, dansa autour de sa paume, illuminant ses traits marqués par le temps.
Elya se recula d'un pas instinctivement, ses mains se serrant en poings. Elle ne comprenait pas, elle ne pouvait pas accepter. Tout cela était trop. Le loup, son loup, son lien avec lui, tout ça était trop lourd à porter.
Mais cet homme, il savait. Il savait des choses sur elle, des choses que personne d'autre ne pouvait savoir. Et si elle avait espéré une vie loin de tout ça, loin de ce monde de loups et de créatures de l'ombre, elle savait au fond d'elle que ce n'était pas aussi simple.
L'homme parla une dernière fois, sa voix plus basse, presque un murmure.
- Tu finiras par comprendre. Mais avant cela, il y a des choix à faire. Et tu devras choisir, Elya. Choisir de quoi tu es capable.
Puis, dans un mouvement aussi rapide qu'inattendu, il s'éteignit dans la nuit, disparaissant sans un bruit, comme une ombre engloutie par l'obscurité.
Les éclats verts s'éteignirent avec lui, laissant place à un silence lourd et oppressant.
Elya se tourna vers Nolan, leurs regards se croisèrent un instant. Rien n'avait changé, et pourtant tout était différent. Ils étaient toujours là, dans la même forêt. Mais désormais, quelque chose avait changé en eux, un poids supplémentaire qu'ils n'avaient pas demandé, mais qu'ils devaient porter.
Le jeu venait de commencer.