Chapitre 5 Chapitre 5

Un bruit soudain, un cri étouffé derrière la porte, fit sursauter Camille alors qu'elle était en train de mettre la table pour le dîner. Avant même qu'elle ne puisse se tourner, la porte du salon s'ouvrit brusquement. Une silhouette familière se dessina dans l'encadrement de la porte, aussi tranchante et implacable qu'une lame. Les yeux de Camille se fixèrent sur cette femme qui, d'un simple regard, semblait prendre toute la place dans la pièce.

Elle n'avait même pas besoin de parler pour que Camille sache qu'elle venait d'entrer dans un territoire qu'elle n'aurait jamais dû fouler. L'instant suspendu, où le temps sembla se figer, laissa une sensation étrange, une tension palpée dans l'air. Camille ne bougea pas, figée dans l'inconnu de cette rencontre inattendue.

La femme se tourna vers elle, et l'échange de regards qui suivit ne laissa aucun doute sur la nature de la situation. Bastien n'était pas seul. Cette femme... Camille la reconnaissait, sans pouvoir mettre de mots dessus. Mais la menace implicite qu'elle portait semblait tout de suite claire, comme une ombre qui s'étendait sans bruit. Camille tenta de masquer son malaise, son souffle s'accélérant légèrement. Ce n'était pas la première fois qu'elle ressentait ce pincement d'inquiétude, mais cette fois-ci, c'était différent. La femme ne s'intéressait pas à elle, mais à sa place dans ce monde, à son existence dans la vie de Bastien.

Bastien, qui jusque-là était resté calme, se leva de son fauteuil d'un mouvement rapide, trop rapide pour être naturel. Il tenta de dissimuler l'inquiétude qui se lisait pourtant dans ses yeux sombres, mais Camille savait. Elle le connaissait désormais assez pour savoir que quelque chose de plus lourd qu'une simple ex-copine venait de faire irruption. Cette femme avait un passé avec lui. Un passé qu'il n'avait jamais complètement effacé.

La voix de la femme, douce mais acérée, brisa le silence.

« Je ne pensais pas te voir dans une situation aussi... intime, Bastien. »

Chaque syllabe semblait peser des tonnes, comme si elle mesurait chaque mot avant de le relâcher. Camille se sentit prise en étau, les battements de son cœur se faisant plus intenses à chaque instant. Elle n'avait pas l'habitude de se retrouver dans des situations aussi tendues, aussi... terrifiantes. Ce n'était pas le simple choc d'une confrontation. Il y avait autre chose, un sous-entendu lourd d'une histoire qui n'était pas la sienne. Un sous-entendu qu'elle n'était pas prête à comprendre.

Bastien se tourna lentement, une lueur d'inquiétude fendant son masque habituel d'indifférence.

« Sofia, » dit-il, ses mots plus froids que ce qu'il avait jamais laissé paraître devant Camille. « Ce n'est pas le moment. »

Il se tourna vers Camille, son regard implorant, presque désespéré, comme s'il savait qu'il avait échoué à la protéger d'un monde qu'il avait toujours tenté de lui cacher. Il aurait dû la prévenir, il aurait dû la préparer. Mais il l'avait laissée là, sans défense, face à cette femme.

Sofia, un sourire glacé aux lèvres, s'avança d'un pas lent. Elle s'adressait à Camille avec une fausse cordialité qui trahissait toute la rancœur qu'elle semblait nourrir en silence.

« Tu dois être Camille. » Le ton était presque moqueur, mais les yeux de Sofia trahissaient une rancune que Camille n'aurait pas imaginée. « Alors, tu as réussi à t'installer dans le coin de Bastien. Bien joué. »

Camille, le cœur battant, se redressa légèrement, un souffle de défi passant dans ses veines. Elle refusait de se laisser intimider. Pourtant, chaque mot de Sofia semblait se glisser sous sa peau comme une épine acérée. Elle tenta de maintenir une contenance, mais l'inquiétude de Bastien, la manière dont il se tenait, la crispation de ses traits, tout cela amplifiait une peur silencieuse qu'elle ne pouvait ignorer.

« Je... » Camille chercha ses mots, mais la femme devant elle ne lui laissa pas de répit.

« Vous vous êtes dit que c'était une bonne idée de vivre ici, n'est-ce pas ? » Sofia sourit à Bastien, comme si elle venait de dévoiler une vérité universelle. « Ce n'est pas étonnant. Mais on sait tous deux que ça n'a jamais été simple entre toi et moi. »

Les mots de Sofia résonnèrent dans la pièce, comme une cloche annonçant le début d'un conflit qu'aucun d'eux n'était prêt à affronter. Bastien la fixa d'un regard glacé, mais son expression trahissait une faiblesse qu'il n'avait pas montré jusque-là. Il n'avait pas l'air du même homme, celui qu'il lui avait montré dans ses moments les plus tendres. Celui qu'elle avait cru comprendre.

« Tu n'as rien à faire ici, Sofia, » dit-il enfin, d'une voix calme mais tranchante. Il se tourna vers Camille, un regard plein de promesses non tenues. « Laisse-moi gérer ça. »

Mais c'était trop tard. Le jeu était lancé.

Sofia se tourna vers Camille avec un sourire énigmatique, et dans un souffle presque inaudible, elle laissa tomber la phrase qui allait marquer l'esprit de Camille à jamais.

« Tu te rends compte, n'est-ce pas, que ce n'est pas un simple conte de fées ? Bastien n'est pas celui que tu crois qu'il est. »

Camille sentit un frisson glacial la traverser. Chaque mot de Sofia semblait l'envelopper dans une toile d'araignée dont elle ne savait pas encore comment elle se sortirait. Bastien, malgré ses tentatives de masquer son inconfort, laissait entrevoir une fissure dans son contrôle, une fracture dans l'image qu'il avait voulu lui offrir.

Le choc était bien plus grand que ce qu'elle avait imaginé. Ce n'était pas simplement l'entrée d'une ancienne conquête. C'était l'éveil d'une vérité cachée, de choses qui restaient dans l'ombre, prêtes à ressurgir au moment le plus inopportun. Et Camille, qui pensait avoir trouvé une forme de sécurité, se retrouvait à nouveau face à un inconnu qu'elle ne maîtrisait pas.

Bastien se leva brusquement, ses yeux sombres remplis d'une colère contenue. Il se positionna entre Camille et sofia, comme pour les séparer, mais le geste en lui-même semblait à peine suffisant pour apaiser la tension qui s'était installée dans l'air. Son regard était dur, ses traits tendus. Il prit une profonde inspiration, essayant de dissimuler son trouble, mais Camille n'avait pas besoin de plus pour comprendre que ce qu'il venait de vivre avec Sofia était plus complexe qu'il ne l'avait jamais laissé entendre.

« Sofia, c'est fini. Laisse-nous tranquille. » Sa voix était ferme, mais son corps restait tendu, prêt à réagir à la moindre provocation.

Sofia le fixa, un sourire ironique aux lèvres. « Ah, donc c'est comme ça, Bastien ? Tu choisis ta nouvelle poupée plutôt que de regarder la réalité en face ? » Elle jeta un regard sur Camille, avant de se détourner et de lancer un dernier regard à Bastien. « Ne viens pas pleurer plus tard, tu l'as voulu. »

Camille se tenait là, silencieuse, son esprit en tourmente. Les mots de Sofia s'étaient enfoncés en elle comme des couteaux, et bien qu'elle se battît contre le sentiment qui grandissait en elle, il était là, évident : le doute. Elle n'avait jamais imaginé être mêlée à ce genre de dynamique. Elle avait cru qu'elle était là par choix, qu'elle était plus qu'un simple pion dans un jeu dont elle ne comprenait pas toutes les règles. Mais Sofia venait de semer une graine de doute dans son esprit, et les paroles de la femme tournaient sans cesse dans sa tête, l'enserrant dans une spirale inquiétante.

Bastien, visiblement agité, attendait la réaction de Camille, mais celle-ci se contenta de baisser les yeux, incapable de croiser son regard. Elle avait vu cette fissure dans son masque, et il était clair que les choses n'étaient pas aussi simples qu'il le lui avait fait croire. Pourquoi avait-il réagi de cette manière face à Sofia ? Pourquoi était-il troublé ? Le Bastien qu'elle croyait connaître n'aurait jamais été aussi vulnérable devant une ex, même une aussi implacable que celle-ci. Il y avait des secrets, des non-dits, et à présent, Camille se sentait prise dans un tourbillon qu'elle ne contrôlait plus.

Elle était perdue. Comment pouvait-elle être aussi naïve, aussi aveugle ? Bastien avait bien tenté de la protéger, mais de quoi, exactement ? Ses mots, ses gestes, tout semblait désormais empreint de mystère, et le doute la rongeait comme un poison lent. Était-elle vraiment celle qu'il désirait à ses côtés, ou était-elle simplement une figure de plus dans un jeu auquel elle n'avait pas sa place ? Un simple pion dont il n'avait que faire une fois l'étreinte du destin terminée ?

Bastien se tourna alors vers elle, son regard à la fois implorant et hésitant. « Camille, je t'en prie, ne laisse pas cette... situation te troubler. Je n'ai jamais voulu te mettre dans cette position. »

Mais ses mots, bien qu'emprunts de sincérité, ne parvinrent pas à apaiser les questions qui tourbillonnaient dans l'esprit de Camille. Elle releva les yeux, ses pensées un tourbillon d'incertitudes. Il semblait qu'elle se trouvait à un carrefour, et chaque direction la mena vers l'inconnu, vers un monde qu'elle n'avait jamais envisagé. Les rumeurs du passé de Bastien, la froideur de Sofia, et l'apparente vérité de ses propres sentiments s'entrechoquaient dans son esprit, chaque pensée exacerbant la confusion.

Elle s'avança doucement vers lui, se tenant sur la ligne fragile qui séparait la confiance de la trahison. « Et toi, Bastien ? Est-ce que tu as déjà su ce que tu voulais vraiment ? » Sa voix tremblait à peine, mais les mots étaient lourds de tout ce qu'elle ne comprenait pas. « Ou est-ce que tout cela n'est qu'une façade ? »

Bastien s'immobilisa, ses poings se serrant de manière presque imperceptible. Son regard fuyait, et il semblait d'un coup plus distant. « Ce n'est pas ce que tu crois... »

Le « mais » qui ne vint jamais laissa un silence lourd entre eux. Camille n'eut pas besoin d'entendre le reste. Elle savait déjà. Elle sentait cette distance entre eux, grandissante comme une vague prête à les engloutir tous deux. Cette révélation – ou peut-être était-ce simplement son propre sentiment – l'empêchait de voir les choses sous leur vrai jour. Elle ne savait plus si Bastien la protégeait ou si c'était elle qui se mettait en danger à travers lui.

Les murmures du passé, qu'elle commençait à entrevoir par fragments, déformaient peu à peu la réalité qu'elle avait cru comprendre. Et dans le tumulte de ses émotions, Camille ne pouvait plus ignorer une chose : elle était prise dans un jeu bien plus complexe que ce qu'elle aurait pu imaginer, un jeu où ses propres sentiments devenaient sa plus grande faiblesse.

Elle avait cru être au centre de tout cela, mais à présent, elle n'était plus certaine de rien. Le voile de mystère se levait, lentement, mais elle n'était pas certaine d'être prête à en accepter les conséquences.

                         

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