Chapitre 2 Chapitre 2

La porte s'ouvrit avant même qu'elle n'ait levé la main pour frapper.

Camille se figea.

Face à elle, un homme qu'elle n'avait jamais vu la détaillait avec une intensité dérangeante. Grand, la carrure massive sous une chemise noire, il ne semblait pas surpris de sa présence.

- Tu es enfin là, déclara-t-il d'une voix rauque.

Elle serra instinctivement la poignée de sa valise.

- Qui êtes-vous ?

Un sourire étira ses lèvres, quelque chose d'à peine perceptible, trop calculé pour être sincère.

- Mathias.

Aucune autre explication. Aucune précision sur son rôle ici.

Un frisson lui traversa l'échine.

Avant qu'elle n'ait le temps de poser une autre question, des pas résonnèrent derrière lui.

- Laisse-la entrer.

La voix de Bastien était calme, mais elle n'admettait aucune discussion. Mathias recula et Camille franchit le seuil, l'impression étrange de passer un cap invisible.

À l'intérieur, tout respirait une opulence intimidante. Chaque meuble, chaque détail semblait avoir été choisi avec soin, sans pour autant dégager une chaleur accueillante.

Elle sentit le regard de Bastien sur elle, attendant sa réaction.

- C'est... grand, lâcha-t-elle finalement.

- Et ce sera chez toi pour un moment.

Quelque chose dans sa voix la troubla. Il n'y avait pas seulement de l'autorité, mais aussi une note plus grave, plus personnelle.

- Tu veux voir ta chambre ?

Elle hocha la tête.

Il lui fit signe de le suivre à l'étage. En gravissant les marches, elle sentit Mathias toujours posté dans l'entrée, observant chacun de ses mouvements.

Quand ils arrivèrent devant une porte, Bastien l'ouvrit et s'écarta.

- C'est ici.

Camille entra et s'arrêta net.

Elle s'attendait à une chambre d'amis, quelque chose d'élégant mais impersonnel. Ce qu'elle découvrit était tout autre.

Les meubles, les draps, chaque détail semblait avoir été pensé pour elle. Une robe qu'elle ne connaissait pas était posée sur le lit, sa taille exacte.

Elle se tourna vers lui.

- Comment...

- Je fais en sorte que mes invités ne manquent de rien.

Elle plissa les yeux.

- C'est plus que ça.

Un silence s'installa.

- Pourquoi moi, Bastien ?

Il ne répondit pas tout de suite. Il s'approcha lentement, jusqu'à réduire la distance entre eux à une limite presque dérangeante.

- Parce que je ne pouvais pas choisir quelqu'un d'autre.

Son cœur manqua un battement.

Les battements de l'horloge résonnaient dans la pièce, comme pour souligner l'instant suspendu.

Camille recula d'un pas.

- Très bien. Je vais m'installer.

Elle s'attendait à ce qu'il insiste, qu'il creuse cette tension naissante entre eux. Mais il recula à son tour et hocha simplement la tête.

- Descends quand tu seras prête.

Il sortit et referma la porte derrière lui.

Elle inspira profondément, posant une main sur son ventre comme pour calmer la tempête intérieure.

Quelque chose était en train de se jouer ici.

Et elle n'était pas certaine d'être prête à en affronter les conséquences.Camille descendit les marches avec précaution, le bois poli du grand escalier ne faisant aucun bruit sous ses pas. L'atmosphère pesante de la maison l'entourait comme une présence invisible, quelque chose qu'elle ne parvenait pas à nommer mais qui était bien réel.

Elle le trouva dans le salon, debout près de la baie vitrée, les bras croisés. Il semblait observer l'extérieur avec une intensité silencieuse, comme s'il était ailleurs, loin de cette pièce, loin d'elle.

Elle s'éclaircit la gorge.

- Je suis installée.

Aucune réaction immédiate. Un long silence. Puis, enfin, il pivota légèrement, son regard d'acier la transperçant.

- Bien.

Juste ça. Rien de plus.

Elle s'attendait à un mot, une indication, quelque chose pour briser cette tension sourde entre eux. Mais Bastien n'offrait rien.

- Tu comptes m'expliquer pourquoi je suis ici ? demanda-t-elle, croisant les bras.

- Je te l'ai déjà dit.

- Non. Tu m'as donné des règles. Ce n'est pas pareil.

Il soupira, comme si elle était une nuisance dont il aurait préféré se passer.

- Tu n'es pas prête à entendre la vérité.

- Et tu es trop lâche pour me la dire ?

Un éclair passa dans son regard. Une ombre de colère, fugace mais indéniable.

- Tu ne me connais pas, Camille.

Elle soutint son regard, refusant de se laisser intimider.

- Peut-être pas. Mais je sais reconnaître un homme qui se cache derrière ses blessures.

Un rire sans joie s'échappa de ses lèvres.

- Et toi ? Tu crois être différente ?

Elle ouvrit la bouche, prête à répliquer, mais il ne lui en laissa pas l'occasion.

- Tu crois que je suis dur avec toi ? Que je te tiens à distance sans raison ?

Il s'approcha d'un pas, réduisant l'espace entre eux, et elle sentit quelque chose d'inexplicable vibrer dans l'air.

- Si je le fais, c'est pour une raison, Camille. Parce que si je te laisse entrer...

Il s'interrompit, la mâchoire crispée, comme s'il se battait contre ses propres mots.

Elle déglutit, un poids étrange pesant sur sa poitrine.

- Si tu me laisses entrer, quoi ? murmura-t-elle.

Son regard s'assombrit.

- Tu ne comprendrais pas.

Elle sentit un frisson la parcourir. Ce n'était pas la peur. C'était autre chose. Quelque chose de plus profond, de plus incontrôlable.

- Essaie-moi, souffla-t-elle.

Bastien la fixa un instant de plus, puis il se détourna brusquement.

- Ce n'est pas une option.

Il s'éloigna, la laissant seule au milieu du salon, un goût amer sur la langue.

Elle ne comprenait pas encore ce qui se jouait ici.

Mais une chose était sûre.

Bastien cachait un secret. Un secret qui pouvait tout changer.La porte du grand hall s'ouvrit avec un léger grincement, et Camille fit son entrée dans la salle à manger. Les chandeliers brillaient d'une lueur froide, et l'immense table en bois sombre semblait étendue à l'infini. Bastien était déjà là, son regard plongé dans une coupe de vin, l'expression marquée par une tension qu'elle n'arrivait pas à saisir.

- Tu m'as attendue ? demanda-t-elle, à mi-voix.

Il ne répondit pas immédiatement, son regard restant fixé sur le rouge sombre dans son verre. Puis, lentement, il leva les yeux vers elle.

- Pas exactement.

Elle s'approcha, hésitant un instant à prendre place. L'idée de ce dîner, qui était censé être un simple échange entre deux adultes, semblait soudainement plus lourd qu'elle ne l'avait imaginé.

Quand elle s'assit enfin, il ne fit aucun geste pour la saluer autrement que par un regard furtif, comme si elle était une simple ombre dans son espace.

Les premières minutes passèrent dans un silence pesant. Aucun mot, aucun geste, rien. Camille commença à manger, mais chaque bouchée semblait coincée dans sa gorge, comme si l'air même de la pièce l'étouffait.

- Tu m'as bien fait comprendre que tu n'étais pas ici pour manger, dit Bastien, brisant enfin le silence.

Le ton froid, sec, ne laissa place à aucune confusion.

- Tu sais ce que je pense de ce genre de situation, répliqua-t-elle, la voix plus dure qu'elle ne l'aurait voulu. Tout ça me semble un peu trop... préparé.

Il la fixa, un sourire amère jouant sur ses lèvres.

- Préparé ? C'est toi qui t'es invitée dans ce monde, Camille. N'oublie pas ça.

Elle le regarda, les mâchoires serrées, l'envie de lui répondre de façon acerbe presque insupportable. Mais elle s'abstint, choisissant de laisser les mots mûrir dans son esprit avant de les laisser sortir.

- Je n'ai pas demandé à venir ici. Je n'ai pas demandé à ce que ma vie soit chamboulée.

Les mots venaient plus facilement que prévu, portés par une frustration qu'elle n'avait pas anticipée.

Bastien ne réagit pas, continuant de jouer avec son verre, son regard distant. Mais elle pouvait sentir la tension, aussi dense et menaçante qu'une tempête en mer.

- Et tu crois vraiment que tu peux comprendre ce que c'est, être dans ma position ? demanda-t-il, sa voix devenant plus grave, comme si chaque mot était chargé d'une histoire qu'il ne voulait pas raconter.

Elle se redressa dans son fauteuil, un frisson de défi parcourant ses veines.

- Je ne prétends pas comprendre, mais je sais ce que c'est que d'être pris dans des forces qui te dépassent.

Il lâcha un rire sec, sans joie.

- Vraiment ? Et qu'est-ce que tu crois savoir de moi, Camille ?

Il la regardait désormais avec une intensité nouvelle, quelque chose de plus sombre, presque menaçant. Elle sentit un frisson glacial lui parcourir l'échine, mais elle ne fléchit pas.

- Je sais que tu te caches derrière des murs. Des murs que tu as construits pour te protéger, mais aussi pour empêcher quiconque de voir ce que tu es vraiment.

Le regard de Bastien s'assombrit davantage.

- Et toi, Camille ? Qu'est-ce que tu caches ?

Le défi dans sa voix la toucha plus qu'elle ne l'aurait voulu. Elle baissa les yeux, la question la frappant comme un coup de poing. Elle ne voulait pas réfléchir à ce qu'elle cachait, ne voulait pas admettre qu'elle aussi, dans une certaine mesure, se protégeait.

- Ce n'est pas le moment de parler de ça, répliqua-t-elle, se ressaisissant rapidement.

Un silence lourd s'installa à nouveau. Bastien se leva brusquement, la chaise grinçant sur le sol. Il se dirigea vers la fenêtre, l'air perdu dans ses pensées.

- Tu penses que je suis comme toi, dit-il après un moment, la voix froide et tranchante. Mais tu n'as aucune idée de ce que c'est que de devoir porter un fardeau que personne ne peut comprendre.

Il se tourna brusquement vers elle, et son regard la fit frissonner.

- Les gens comme toi, Camille, ils ne savent pas ce que c'est de vivre avec une vérité qu'ils ne peuvent jamais partager.

Elle se leva à son tour, le regard défiant.

- Tu parles de toi comme si tu étais un monstre.

Les mots quittèrent ses lèvres avant qu'elle n'ait pu les retenir.

Il la fixa un instant, avant de secouer lentement la tête, comme si sa propre souffrance l'empêchait de répondre. Mais au fond de ses yeux, elle aperçut une lueur de... regret ?

Il avança d'un pas, se rapprochant d'elle.

- Tu sais, ce n'est pas si simple. Mais tu n'es pas prête à comprendre.

Elle sentait la distance entre eux s'étirer et se refermer à la fois, comme un piège invisible. La tension était insupportable.

Elle haussait les épaules, comme pour dissiper cette lourdeur, mais chaque geste semblait être perçu comme un défi. Il se rapprocha encore, presque trop près, jusqu'à ce que son souffle caresse sa peau.

- Et toi, tu penses être prête ? demanda-t-il, son ton plus doux, mais toujours teinté de cette froideur qui l'accompagnait partout.

Elle le regarda, incertaine, mais prête à tout pour casser ce silence entre eux. Elle ne voulait plus de cette ambiguïté.

- Je ne sais pas. Mais je suis là, Bastien.

Il se recula enfin, le regard se faisant plus dur, plus distant.

- Tu es là. Oui, c'est tout ce que tu sais. Mais il n'y a rien de simple dans ce monde. Rien de facile.

Elle baissa les yeux, se sentant soudainement seule au milieu de cette pièce démesurée.

Il tourna le dos, se dirigeant vers la porte.

- Ce n'est pas un dîner, Camille. C'est une guerre silencieuse.

Il s'arrêta juste avant de quitter la pièce, jetant un dernier regard vers elle.

- Et tu n'es pas prête à affronter ça.

La porte se ferma dans un bruit sourd, laissant Camille seule, le cœur lourd et les pensées en désordre. Elle n'avait pas compris ce qui se passait ici, ni pourquoi tout semblait si difficile. Mais une chose était certaine : elle n'avait pas l'intention de céder.

Pas maintenant. Pas après tout ce qu'il venait de lui dire.

            
            

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