Le corps du loup gisait à ses pieds, une masse informe, l'expression déformée par la douleur et la souffrance. Mais malgré la scène de destruction, il y avait un calme étrange, comme si le monde attendait quelque chose de plus, comme si une question persistait dans l'air.
Lyra se tenait là, seule au milieu des ruines de la bataille, ses pensées en guerre. Kain... Il avait raison. Elle était la clé. Mais à quelle serrure correspondait cette clé ? Et surtout, pourquoi cette destinée l'avait-elle poussée à se retrouver ici, à ce moment précis, entre vie et mort, entre deux mondes ?
Elle ferma les yeux un instant, cherchant à comprendre. Les visions de la prophétie revenaient en bouillonnant dans son esprit, de plus en plus claires et pourtant, tout aussi déconcertantes. Le loup aux trois yeux... ce symbole la hantait, lui rappelant des souvenirs lointains, des souvenirs qu'elle n'arrivait pas encore à saisir. Pourquoi cette image lui semblait-elle si personnelle, si intime ?
Soudain, elle sentit une présence derrière elle, familière mais en même temps étrange. C'était Elias. Il s'approchait lentement, les pieds écrasant les débris sous ses bottes, mais il n'osait pas parler tout de suite. Il se tenait à distance, observant le corps de Kain, puis Lyra.
- Tu l'as tué, dit-il finalement, sa voix rauque, empreinte de surprise et de tristesse. Pourquoi ?
Lyra tourna la tête vers lui, son regard empli d'une froide détermination. Mais quelque chose dans ses yeux trahissait une douleur profonde. Ce n'était pas la joie de la victoire qui se lisait sur son visage. C'était la confusion, un sentiment de perte et d'incertitude.
- Je n'ai pas tué Kain, Elias. Elle inspira profondément, essayant de rassembler ses pensées. Il... il était déjà perdu avant que je n'intervienne.
Elias ne répondit pas immédiatement, se contentant de l'observer, comme s'il essayait de déchiffrer les mots qu'elle venait de prononcer, de comprendre leur véritable signification. Il se tenait là, son regard fixant la silhouette de la jeune femme, mais derrière lui, une nouvelle menace semblait s'annoncer.
Dans l'ombre, une silhouette émergea lentement, presque furtivement, comme un spectre du passé. Un frisson parcourut l'échine de Lyra. Elle le reconnut immédiatement. C'était Amon. L'ancien Alpha. L'homme qui avait disparu dans les brumes du temps et qui, à ce moment précis, refaisait surface dans leur monde avec des intentions qu'elle ne pouvait que deviner.
- Vous croyez vraiment que tout cela est fini ? Amon dit ces mots avec une ironie mordante, ses yeux étincelant d'un éclat inhumain dans l'obscurité. Ce n'est que le début, Lyra.
Lyra sentit un poids s'abattre sur elle, ses épaules se voûtant sous l'intensité de l'atmosphère. Amon. L'Alpha des Ombres, celui qui avait orchestré tant de choses dans l'ombre. Le seul à pouvoir réellement comprendre ce qui se passait dans ce monde de loup-garous. Il était la clé qui manquait à la prophétie, la force noire qui cherchait à tout anéantir.
Elias s'éteignit instantanément dans la lumière de son propre doute. La tension monta alors qu'Amon s'avançait vers eux, chaque pas résonnant comme un avertissement. Il n'avait pas changé, ou peut-être avait-il simplement évolué en quelque chose de plus dangereux.
- La clé est en toi, Lyra, poursuivit Amon d'une voix grave, presque amusée. Tu te crois encore en contrôle, mais tout cela a été écrit depuis longtemps.
Lyra serra les poings, refusant de céder à la peur. Elle ne pouvait pas permettre à Amon de la manipuler, de lui imposer ses volontés. Elle n'était plus la jeune femme naïve qu'il avait connue. Elle avait évolué. Elle avait appris à lutter.
- Je ne te laisserai pas tout détruire, Amon, dit-elle, ses mots tranchants comme des lames. Je ne te laisserai pas contrôler le destin.
Amon s'arrêta alors, ses yeux perçant les siens avec une intensité glaciale. Un sourire cruel se dessina sur ses lèvres.
- C'est déjà trop tard, Lyra, murmura-t-il, avant de disparaître dans la nuit, aussi silencieusement qu'il était apparu. Ce monde ne t'appartient plus.
Le vent souffla violemment, comme pour effacer sa présence. Le calme retomba, lourd, mais au fond de Lyra, quelque chose avait changé. La menace d'Amon n'était pas terminée. Il était toujours là, quelque part, attendant. Mais maintenant, elle savait que ce n'était pas une question de pouvoir. C'était une question de survie.
Elle se tourna vers Elias, qui restait figé, le regard perdu dans le vide. Elle s'approcha de lui, posant une main sur son bras.
- Tu sais ce que cela signifie, n'est-ce pas ? demanda-t-elle doucement.
Elias releva lentement les yeux, la dureté de son regard se mêlant à une forme de tristesse profonde.
- Oui. Nous ne pouvons pas gagner seule. Il prit une grande inspiration, comme pour chasser une pensée oppressante. Mais il est encore trop tôt pour abandonner, Lyra. Nous devons nous préparer pour ce qui vient.
Lyra hocha la tête, serrant les dents. Elle savait qu'ils étaient loin d'avoir terminé. Les ténèbres étaient sur le point de s'intensifier, et la bataille qui les attendait serait plus terrifiante que tout ce qu'ils avaient connu jusqu'à présent. Mais elle était prête. Elle n'avait plus le choix.
Le vent glissait sur les collines, portant avec lui un écho lointain de l'inquiétude qui commençait à peser sur Lyra. Elias, à ses côtés, restait silencieux, observant l'horizon d'un air préoccupé. Le champ de bataille, maintenant calme, semblait presque irréel. Pourtant, quelque chose était rompu, une brèche dans l'équilibre du monde qui les entourait. Amon n'était pas simplement une menace. Il incarnait le retour d'un mal ancien, un mal que Lyra sentait se glisser dans les recoins sombres de son esprit, l'entrainant dans une spirale dont elle peinait à voir la fin.
Elias brisa finalement le silence, sa voix douce mais déterminée.
- Il ne nous laissera pas tranquilles, Lyra. Il marqua une pause, comme cherchant les mots justes. Il connaît tes faiblesses, il sait où frapper.
Lyra ferma les yeux un instant, essayant de maîtriser la tempête intérieure qui grondait en elle. Tout semblait si incertain maintenant. La prophétie, les pouvoirs qu'elle avait commencé à comprendre, les choix qu'elle avait faits... Tout était lié, mais les pièces du puzzle restaient floues, comme si le destin lui-même jouait avec elle, l'entraînant dans une danse qu'elle ne maîtrisait pas.
- Amon pense qu'il peut tout contrôler, répondit-elle finalement, ses yeux s'ouvrant sur la vaste étendue devant eux. Mais il se trompe. Si je suis la clé, alors c'est moi qui déciderai de la porte à ouvrir.
Elias la regarda longuement, un mélange de respect et d'inquiétude dans ses yeux. Il savait qu'elle avait raison. Mais tout ne reposait pas sur ses épaules. Ils avaient encore besoin de forces, d'alliés, de ceux qui croyaient en elle, en leur cause.
- Tu n'es pas seule dans cette bataille. Il déglutit difficilement, comme s'il avait du mal à admettre quelque chose. Mais il nous faut plus. Nous devons nous préparer à l'inévitable.
Lyra le regarda, une lueur d'interrogation traversant son regard. Elle pouvait sentir qu'il y avait quelque chose qu'il ne disait pas. Quelque chose qu'il n'osait pas lui avouer, ou peut-être une vérité qu'il n'était pas encore prêt à accepter.
Soudain, un bruit lourd brisa leur conversation. Un pas lourd, suivi d'un autre. Un grondement sourd, lointain, mais qui grandissait rapidement. Lyra tourna brusquement la tête, son cœur battant plus vite. À l'horizon, des silhouettes se dessinaient, avançant lentement, mais sûrement. Une horde. Pas des loups comme ils en avaient l'habitude. Non. Ceux-ci étaient différents. Leur allure imposante, leur démarche presque militaire, tout en eux dégageait une puissance froide et menaçante.
- Ils arrivent. murmura Elias, la voix grave.
Les silhouettes s'approchèrent, révélant une meute imposante, leur chef en tête, marchant d'un pas résolu. Lyra sentit une onde de tension se diffuser en elle, reconnaissant l'Alpha en tête. Cet homme... c'était Darius. Le seigneur des Loups Noirs, celui qui régnait sur les terres de l'Est, et dont la réputation n'était plus à faire. Il n'était pas simplement un Alpha. Il était un stratège, un tacticien, l'un des plus redoutables de tout le royaume des loups-garous.
Darius s'arrêta à quelques mètres d'eux, son regard froid fixant Lyra comme s'il la scrutait dans ses moindres recoins. Il ne parlait pas, mais sa présence imposait déjà un respect palpable. Ses yeux, d'un noir profond, semblaient percevoir des choses que les autres ne pouvaient pas voir.
- Je ne pensais pas te retrouver ici, Lyra, dit-il enfin, sa voix claire, mais empreinte d'une dureté glaciale. Amon t'a laissée en vie... C'est une erreur qu'il va vite regretter.
Lyra resta immobile, son regard défiant, mais son esprit bouillonnait. Pourquoi Darius venait-il ici ? Pourquoi maintenant ?
- Je ne suis pas ici pour lui, Darius. répondit-elle, ses paroles franches, un feu intérieur brûlant dans son regard. Je suis ici pour mettre fin à cette guerre.
Darius la regarda un instant, avant de sourire, un sourire froid et calculateur.
- Mettre fin à la guerre ? Il éclata d'un rire silencieux, sec et dénué de toute joie. Tu penses que tu peux stopper tout ça seule ? Nous avons tous un rôle à jouer dans ce que le destin a tracé.
Lyra serra les poings, sentant la pression de ses mots peser lourdement sur elle. Elle n'était pas seule, mais ce n'était pas une bataille qu'ils pouvaient gagner en restant isolés. Il lui fallait plus de force, plus de pouvoir, plus d'alliés. Amon n'était qu'un fragment du puzzle. Darius, lui, était bien plus que cela. Un ennemi ou... un possible allié ? Elle n'était pas encore prête à trancher.
- Je ne suis pas seule, Darius. Elle avança d'un pas, défiant. Et je ne suis pas le jouet de ton destin.
Le sourire de Darius s'éteignit, mais il resta silencieux, semblant jauger chaque mot qu'elle prononçait. Finalement, il se tourna légèrement, donnant un ordre inaudible à ses troupes, qui se mirent en position autour d'eux.
- Il est trop tard pour douter. dit-il d'une voix impassible. La guerre a déjà commencé. Et tu n'as pas idée de ce que tu viens de réveiller.
Lyra serra les dents. Elle savait que ce n'était pas la fin, mais un début. Un début de ce qui serait la bataille la plus cruciale de sa vie.