Chapitre 5 05

Les heures s'étiraient dans un silence lourd, un silence qui semblait à la fois pesant et apaisant, comme si la nuit elle-même leur offrait un répit. Dans l'obscurité, seule la lumière vacillante d'une chandelle éclairait faiblement les deux silhouettes, proches mais encore séparées par la peur et l'incertitude. Élara ferma les yeux, et pendant un instant, la réalité sembla se dissoudre. Elle se retrouvait à la croisée des chemins : le sacrifice et la liberté, l'amour et la douleur.

Kael, toujours silencieux à ses côtés, semblait avoir trouvé une forme de calme intérieur qu'elle n'arrivait pas à saisir. Elle se tourna lentement vers lui, observant ses traits marqués par la détermination, mais aussi par l'épuisement. Il avait voulu paraître fort pour elle, mais il y avait quelque chose dans ses yeux qui trahissait ses craintes. Ces mêmes craintes qu'il ne voulait pas partager, mais qu'elle percevait néanmoins.

- Kael... murmura-t-elle, brisant le silence.

Il tourna légèrement la tête, son regard ancré dans le sien. Il n'eut pas besoin de parler. Il savait ce qu'elle voulait dire.

- Ce que nous allons faire... C'est risqué, Élara. Mais il n'y a pas d'autre choix.

Elle serra ses mains, ses doigts tremblants encore. Elle n'était pas prête à tout. Pas vraiment. Mais la perspective de le perdre, de le voir se perdre à cause de ce qu'elle était... La terreur qu'il ressente ce qu'elle portait à l'intérieur la faisait se sentir encore plus prisonnière de son destin.

- J'ai peur, Kael. Peur de te perdre. Peur de ce que cette malédiction pourrait faire de nous.

Il s'approcha d'elle, son souffle chaud frôlant sa peau, un contraste avec la froideur qu'elle ressentait dans son cœur.

- Nous avons traversé bien des épreuves, Élara. Peut-être que celle-ci sera la plus difficile de toutes. Mais ensemble, nous sommes plus forts que tout.

Elle secoua doucement la tête. Ses pensées tourbillonnaient. La malédiction n'était pas simplement une barrière physique. C'était un fardeau psychologique, une épreuve d'âme qui risquait de détruire tout ce qu'ils avaient.

- Et si... Et si nous échouons ? Si cette malédiction nous dévore, Kael ? Si cela nous détruit tous les deux avant que nous n'ayons eu une chance de nous aimer réellement ?

Ses paroles frappèrent Kael comme un coup de poignard. Il s'éloigna un peu, comme pour digérer ce qu'elle venait de dire, mais il n'eut pas à réfléchir longtemps avant de revenir vers elle. Ses yeux brillaient d'une intensité nouvelle, comme une flamme qui refusait de s'éteindre.

- Tu sais, Élara, quand j'ai commencé à être Alpha, j'ai juré de ne jamais fléchir, de ne jamais montrer de faiblesse, ni pour moi ni pour ceux qui comptaient sur moi. Mais te regarder maintenant, te voir te débattre avec ta propre peur... ça me brise. Parce que je ne peux pas t'épargner cela. Mais je ne peux pas non plus t'abandonner.

Elle le regarda, choquée par la vulnérabilité qu'il laissait transparaître. Il avait toujours été fort, inébranlable. Et pourtant, là, en face d'elle, il n'était qu'un homme, prêt à tout pour la sauver, même s'il savait que cela pourrait être sa perte.

- Kael...

Il la coucha doucement sur le lit, la main posée sur son visage avec une tendresse qu'elle n'avait pas vue venir. C'était comme s'il cherchait à graver chaque instant, chaque battement de cœur, dans sa mémoire, au cas où tout cela se finirait avant qu'ils n'aient eu le temps de savourer ce qu'ils avaient trouvé.

- Élara, murmura-t-il avec une douceur inhabituelle, nous avons encore du temps. Ne le gaspillons pas. Ne laissons pas cette malédiction prendre tout ce qui nous est précieux. Nous allons trouver un moyen, même si nous devons tout risquer.

Elle ferma les yeux, se laissant aller à la chaleur de son contact. Ses pensées, bien que tourmentées, se calmaient sous l'ardeur de son regard. Il avait raison. Elle ne pouvait pas continuer à fuir. Mais le doute persistait, chaque souffle lui rappelant que la fin pourrait être proche, que la mort pouvait les séparer avant même qu'ils n'aient eu le temps de tout comprendre.

Elle posa doucement sa main sur la sienne, cherchant à lui offrir un peu de réconfort, un peu de la force qu'il lui donnait.

- Nous allons essayer, Kael. Pas pour la malédiction. Mais pour nous.

Un sourire se dessina lentement sur ses lèvres. Ce n'était pas un sourire victorieux, mais un sourire d'espoir fragile.

- Alors, nous allons nous battre, Élara. Et peu importe ce que cette malédiction nous réserve, nous le ferons ensemble.

Le silence s'installa à nouveau, mais il n'était plus aussi lourd qu'auparavant. Les ténèbres extérieures ne semblaient plus aussi oppressantes. Au contraire, quelque chose d'autre s'y insinuait. Un sentiment de liberté nouvelle. L'idée qu'ils n'étaient pas seuls. Qu'ils pouvaient s'affronter ensemble, coûte que coûte.

Ce n'était pas la fin. Pas encore. Mais la fin, à présent, ne semblait plus aussi terrifiante.

Les heures passaient lentement, chaque instant marquant une étape supplémentaire dans la quête pour briser la malédiction. La forêt qui entourait leur refuge semblait se détendre dans une étrange tranquillité, comme si même la nature elle-même attendait le moment fatidique. Chaque souffle d'air, chaque cri d'animal nocturne, résonnait comme un écho lointain, une alerte dans l'immensité de l'inconnu.

Élara se leva au matin, la brume encore suspendue dans l'air, une fine couche de mystère recouvrant tout autour d'elle. Les pensées tourbillonnaient dans sa tête, mais la présence de Kael à ses côtés, sa chaleur, l'apaisait. Elle n'avait jamais cru en la force de l'unité jusqu'à maintenant, jusqu'à ce qu'il lui prouve que parfois, le courage réside dans l'abandon de ses propres peurs pour s'ouvrir à l'autre.

Kael était déjà debout, les traits tendus mais résolus. Il semblait plus concentré, plus déterminé, et chaque mouvement qu'il effectuait était précis, calculé, comme si chaque geste avait son importance dans cette danse silencieuse qu'ils menaient ensemble. Il se tourna vers elle lorsqu'il sentit son regard posé sur lui. Sans un mot, il s'approcha d'elle et tendit la main.

- Tu es prête ? demanda-t-il simplement.

La question flottait dans l'air, lourde de sens. Elle n'était pas prête, et pourtant, il n'y avait pas de retour possible. Ce voyage, cette quête pour détruire la malédiction, était devenu leur dernier espoir. Tout le reste semblait insignifiant en comparaison. Elle hocha lentement la tête, sa main se posant dans la sienne, comme un pacte silencieux, une promesse d'affronter l'impossible côte à côte.

- Allons-y, dit-elle.

Ils se mirent en route, marchant à travers les bois sombres. Le sentier était étroit, souvent obscurci par la végétation dense, mais rien ne pouvait les arrêter. Ils savaient que leur objectif les attendait plus loin, là où les ruines de l'ancienne sorcière reposaient, là où un artefact de pouvoir pourrait peut-être les libérer de la malédiction. Les premiers pas étaient lourds de silence, mais à mesure qu'ils progressaient, quelque chose changeait. La forêt semblait se refermer derrière eux, comme une porte qui se fermait sur un passé qu'ils ne pouvaient plus changer.

Au bout de plusieurs heures, ils arrivèrent enfin devant une vaste clairière, là où les ruines s'élevaient dans toute leur splendeur déchue. Les pierres étaient couvertes de mousse et de lichen, mais il y avait encore une certaine majesté dans la structure. Cela faisait des siècles que ce lieu avait été abandonné, et pourtant, une énergie palpable en émanait, une énergie ancienne et brulante qui semblait les observer, les jauger.

Kael se tourna vers Élara, ses yeux sombres scrutant la zone. Il était rare qu'il se laisse envahir par l'incertitude, mais ce lieu était différent. Il y avait quelque chose ici. Quelque chose qu'il ne comprenait pas totalement, mais qu'il savait indispensable à leur survie.

- C'est ici, dit-il, sa voix grave rompant enfin le silence.

Élara se sentit envahie par un étrange frisson. L'atmosphère semblait s'alourdir, l'air plus épais, comme si la forêt elle-même retenait son souffle. Elle se força à avancer, ses pas légers, mais ses pensées lourdes. Un vent froid souffla à travers les ruines, un avertissement, peut-être. Mais ils n'avaient plus le temps de reculer.

Ils entrèrent dans l'enceinte des ruines, les pierres froides sous leurs pieds. Un murmure s'éleva soudainement autour d'eux, un son imperceptible qui semblait venir des murs eux-mêmes. Élara frissonna, mais Kael restait implacable, ses yeux cherchant à percer les ténèbres environnantes.

Ils s'approchèrent d'un autel de pierre, qui se dressait dans le centre de la clairière, intact malgré les siècles qui l'avaient séparé de l'époque où il avait été utilisé. Des symboles anciens étaient gravés sur la surface, des runes qu'Élara n'avait jamais vues, mais qui semblaient résonner dans sa mémoire, comme un écho d'un autre temps.

- C'est ici que la sorcière a scellé le destin des ancêtres, murmura Kael. Nous devons activer l'artefact. Si ce n'est pas lui qui brise la malédiction, alors nous n'avons plus d'espoir.

Élara s'approcha de l'autel, ses mains effleurant les runes. À mesure qu'elle les touchait, un éclat lumineux commença à s'en dégager, d'abord faible, puis de plus en plus intense, illuminant la clairière d'une lueur surnaturelle. Les pierres semblaient vibrer sous ses doigts, comme si elles répondaient à la présence de son pouvoir. Le temps sembla s'étirer, suspendu dans une attente palpable.

Puis, soudainement, une voix s'éleva, aussi ancienne que la terre elle-même.

- Qui ose réveiller l'ancienne magie ?

Élara recula, surprenant Kael, qui la suivit du regard. Une silhouette se matérialisa devant eux, une silhouette éthérée, faite de brume et de lumière. C'était la sorcière. La gardienne des secrets oubliés.

Le souffle d'Élara se coupa. Elle savait qu'ils se trouvaient à l'aube de leur destin, que tout pouvait basculer à cet instant précis.