Chapitre 4 04

La nuit enveloppait la cabane d'un silence pesant, seulement troublé par le crépitement des flammes dans l'âtre. Élara restait allongée, le regard perdu dans les ombres dansantes du plafond. Chaque respiration était un rappel cruel de son dilemme.

Kael n'avait pas cherché à discuter davantage. Après sa déclaration, il s'était éloigné, s'occupant en silence, sans jamais s'éloigner trop loin. Il la surveillait. Il le ferait toujours.

Elle devait partir.

Lentement, douloureusement, elle força son corps à bouger. Ses muscles protestèrent, son crâne pulsait, mais elle ne pouvait pas rester ici. Si elle cédait à la fatigue, elle signerait la fin de Kael.

Elle retint son souffle et posa un pied à terre. Ses jambes tremblèrent sous son poids, mais elle les força à tenir. Elle devait sortir, disparaître avant l'aube.

Elle n'eut pas le temps de faire un pas de plus.

- Où crois-tu aller ?

La voix de Kael fendit l'obscurité comme une lame.

Élara s'immobilisa.

Il était là, dans l'ombre, adossé au mur, les bras croisés. Sa silhouette massive se découpait dans la pénombre, presque menaçante.

- Tu es encore trop faible, ajouta-t-il.

Elle raffermit sa prise sur le rebord du lit.

- Ce n'est pas ton problème.

Kael s'avança lentement, ses yeux brillants dans la semi-obscurité.

- Tu es mon âme sœur. C'est mon problème.

Elle détourna le regard, le cœur serré.

- Alors laisse-moi partir.

Un grondement sourd s'éleva de sa gorge.

- Jamais.

En un instant, il fut devant elle, sa chaleur irradiant contre sa peau glacée.

- Tu crois que je vais simplement te regarder t'éloigner ? Que je vais te laisser te sacrifier sans rien faire ?

Elle leva les yeux vers lui, affrontant son regard.

- Ce n'est pas un choix, Kael. Si je reste, tu mourras.

- Et si je te disais que je préfère mourir plutôt que de te perdre ?

Le souffle d'Élara se bloqua dans sa poitrine.

Un frisson parcourut son échine.

- Ne dis pas ça...

Kael avança encore, réduisant le peu d'espace entre eux.

- Je le pense.

Ses mots étaient une déclaration, un défi.

Elle secoua la tête, reculant d'un pas, mais il ne la laissa pas fuir.

- Il y a forcément une solution, Élara. Je ne crois pas aux malédictions inéluctables.

Son regard était empli d'une détermination implacable.

- On trouvera un moyen.

Elle voulait le croire.

Elle voulait plonger dans cette promesse et s'y noyer.

Mais elle savait mieux que quiconque que le destin ne faisait jamais de cadeaux.

Elle s'éloigna lentement, ses doigts tremblants cherchant à échapper à l'angoisse qui serrait sa poitrine. Chaque pas vers la porte semblait la condamner davantage. Elle pouvait sentir l'air frais de la nuit glisser au travers des fissures du bois, mais aussi la chaleur du regard de Kael, brûlant, intransigeant.

- Tu sais que tu ne peux pas me fuir, Élara, murmura-t-il, sa voix basse et pleine de menace.

Elle s'arrêta, luttant contre la tentation de se tourner vers lui.

- Je te l'ai dit. Si je reste, tu mourras. Et ce n'est pas un sacrifice que je suis prête à faire.

Elle tenta d'ouvrir la porte, mais la poignée se bloqua sous ses doigts gelés. Kael s'approcha d'un pas, aussi silencieux qu'une ombre.

- Arrête. Nous avons encore une chance.

Il la saisit par le bras, sans violence, mais avec une force inébranlable, la forçant à se retourner.

- Tu crois que je vais te laisser fuir comme ça, Élara ? Tout ce que tu fais, c'est repousser l'inévitable. Si nous devons mourir ensemble, alors nous mourrons ensemble. Mais je ne te laisserai pas partir seule.

Elle tourna son visage vers lui, les yeux remplis de larmes qu'elle refusa de laisser couler.

- Tu ne comprends pas, Kael. Je t'aime, mais tu ne comprends pas la portée de cette malédiction.

Son souffle se bloqua un instant alors qu'il se penchait en avant, son regard pénétrant plongé dans le sien.

- C'est toi qui ne comprends pas, Élara. Ce n'est pas une malédiction. C'est une épreuve. Et je vais la surmonter. Nous allons la surmonter. Ensemble.

Elle tenta de secouer la tête, mais Kael l'en empêcha en la serrant plus fort contre lui. Le contact de sa peau contre la sienne la fit frissonner, non seulement de désir, mais aussi d'un sentiment de danger imminent.

- Tu n'as pas idée de ce que cela signifie. Si nous faisons ça, il n'y a pas de retour en arrière.

- Je n'ai pas peur, Élara. Je n'ai jamais eu peur de quoi que ce soit. Et si c'est mourir ensemble qui nous attend, alors je le ferai. Je t'aime.

Les mots perçaient l'air lourd de la nuit, résonnant dans son esprit comme un écho qu'elle ne pouvait plus ignorer.

Elle se sentit perdue, prise dans l'étreinte de son amour pour lui, mais aussi dans la terreur qu'elle éprouvait à l'idée de tout perdre. Comment expliquer à un homme comme Kael que son destin n'était pas le sien ? Que sa malédiction, cette prison invisible mais omniprésente, était une réalité qu'il ne pouvait pas comprendre tant qu'il ne l'avait pas vécue ?

Elle ferma les yeux un instant, sa gorge serrée par l'émotion.

- Je suis désolée, Kael, dit-elle enfin d'une voix brisée. Mais je t'aime trop pour te condamner.

Il la fixa sans bouger, et pour un instant, il sembla hésiter, une lueur de douleur traversant ses yeux. Puis, avec un geste brutal, il la força à le regarder à nouveau.

- Tu penses que c'est facile pour moi ? Je t'aime aussi, Élara. Et je refuse de vivre dans un monde sans toi, peu importe le prix à payer.

Elle voulait lui répondre, mais aucun mot ne semblait suffisant. Tout ce qu'elle ressentait était cette peur glacée qui la rongeait depuis des années, l'inexorable vérité qui lui disait que sa malédiction finirait par les détruire tous les deux.

Kael serra les dents.

- Nous allons trouver une solution. Je refuse de perdre tout ce que j'ai cherché, tout ce que j'ai gagné, sans me battre. Et toi aussi.

Elle baissa la tête, son cœur battant la chamade dans sa poitrine. Kael avait raison sur un point : il ne renoncerait pas. Et de la même manière, elle ne pouvait pas non plus abandonner son âme sœur, malgré la malédiction.

- Mais... si nous ne réussissons pas, Kael... si cette malédiction nous écrase tous les deux...

Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase.

- Alors nous mourrons ensemble. Mais au moins, nous aurons vécu.

Les mots de Kael résonnèrent en elle, et pour la première fois depuis qu'elle l'avait rencontré, elle sentit un mince espoir s'allumer dans ses veines, aussi fragile qu'un fil de soie, mais là, tout de même. Elle avait toujours eu peur, terrifiée par la pensée de perdre quelqu'un à cause de ce qu'elle portait en elle. Mais maintenant, Kael, avec sa ténacité, son amour inébranlable, lui proposait un choix qu'elle n'avait jamais osé envisager.

Elle se sentit soudainement submergée par l'intensité de la connexion qui les unissait. Elle se laissa aller contre lui, le cœur battant fort.

- Si nous devons mourir, faisons-le ensemble. Mais je ne peux pas vivre sans savoir que nous avons tout essayé.

Kael la serra dans ses bras, un soupir de soulagement s'échappant de ses lèvres.

- Nous y arriverons, Élara. Je te le promets. Nous y arriverons.

La nuit continua de s'étirer autour d'eux, mais un léger rayon de lumière semblait avoir percé les ténèbres. Les ténèbres de la malédiction n'étaient peut-être pas aussi inéluctables qu'elle le pensait. Peut-être, après tout, qu'il y avait encore un chemin. Un chemin qu'elle et Kael pourraient suivre, côte à côte.