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L'avion glissait dans le ciel, lourdement chargé de promesses et de tensions invisibles. Elisa fixa le paysage qui défilait sous ses yeux, une mer de nuages dissimulant toute trace de terre. Elle avait l'habitude de ces voyages d'affaires, mais celui-ci semblait différent. Le regard de son patron, Adrian, posé sur elle à travers le hublot, la perturbait plus qu'il ne l'aurait dû. Il était distant, mais il y avait dans ses yeux un éclat particulier, comme s'il savait quelque chose qu'elle ignorait encore.
Elle ajusta sa chemise, s'efforçant de garder une attitude professionnelle. Elle savait que le projet à venir était crucial pour l'entreprise, mais il y avait quelque chose d'intrigant dans ce voyage qui dépassait de loin les enjeux professionnels. Le simple fait d'être seule avec Adrian dans cet espace clos faisait naître une tension sourde qu'elle n'arrivait pas à ignorer. Il n'était pas du genre à respecter les règles du jeu, et Elisa en savait quelque chose. Elle avait bien vu comment il menait ses affaires, ses relations, ses rencontres. Toujours le même air de séducteur implacable, un sourire toujours en coin, un regard qui ne laissait jamais de place à l'incertitude.
Elle se tourna lentement, croisant son regard. Il avait cessé de regarder par le hublot et la fixait désormais avec une intensité presque dérangeante. Un petit sourire étira ses lèvres. "Tu es pensive, Elisa," dit-il d'une voix calme mais pleine de sous-entendus. "Qu'est-ce qui te tracasse ?"
Elle aurait pu répondre sur un ton ferme, rappeler les limites de leur relation professionnelle. Mais elle ne le fit pas. Elle se contenta d'une légère inclinaison de la tête, un mouvement imperceptible, comme une invitation à la conversation sans pour autant chercher à engager. Il semblait avoir un don pour faire naître ce genre de silences, chargés de tout ce qui ne se disait pas.
Il tourna son regard vers la fenêtre, comme si son esprit avait de nouveau pris son envol. Mais Elisa ne pouvait s'empêcher de se demander si ce silence n'était pas aussi calculé que tout le reste de ses gestes. Elle inspira profondément, cherchant à faire abstraction de cette atmosphère pesante qui se tissait autour d'eux.
Le vol se poursuivit, une succession d'heures étouffantes entre deux mondes : celui d'un simple voyage d'affaires, et celui d'un jeu de séduction que personne n'avait encore osé nommer. Elisa s'était toujours tenue à l'écart de ce genre de dynamique. Elle était brillante, compétente, mais avant tout, professionnelle. Cependant, avec Adrian, ce qui avait toujours été une règle tacite entre eux semblait désormais se fissurer. Chaque regard qu'il lui jetait, chaque geste de sa part, semblait une invitation déguisée à entrer dans un terrain dangereux. Un terrain qu'elle n'était pas prête à explorer, ou du moins, qu'elle se refusait à reconnaître.
Elle s'efforça de se concentrer sur le dossier qu'elle tenait entre ses mains, mais les mots se mélangèrent dans son esprit. Les lignes de texte, les chiffres et les graphiques devenaient flous à mesure que la température dans l'avion montait, non pas à cause de l'air conditionné, mais en raison de la proximité entre elle et Adrian.
Elle savait que ce voyage allait plus loin que la simple mission qu'ils s'étaient assignée. Et peut-être, au fond, en avait-elle conscience bien avant de le monter à bord de cet avion. Tout dans cette situation semblait trop parfait, trop calculé, trop... suspendu. Comme si une force invisible les dirigeait, les attirait inéluctablement dans une spirale dont ni l'un ni l'autre ne semblait vouloir s'échapper.
La voix du capitaine annonça qu'ils se rapprochaient de leur destination. Elisa reposa enfin son dossier et regarda par la fenêtre, observant l'horizon qui s'approchait. Un nouveau chapitre commençait. Elle savait qu'il n'y aurait pas de retour en arrière. Tout ce qu'elle pouvait faire, c'était naviguer dans cette mer incertaine. Mais, au fond d'elle, une petite voix se faisait entendre, une voix qu'elle n'avait pas l'habitude d'écouter : et si ce voyage était, en réalité, bien plus qu'un simple projet professionnel ?
L'atterrissage fut aussi abrupt que la réalité à laquelle Elisa venait de se confronter. Le sol dur de la ville étrangère les accueillit comme une promesse, une promesse qu'elle n'avait pas tout à fait acceptée. Les lumières de l'aéroport brillaient sous la fine pluie, créant une brume artificielle autour de chaque silhouette qui se mouvait sous les néons. Adrian se leva avant elle, son dos droit et ses gestes sûrs, comme s'il maîtrisait chaque mouvement, chaque moment de cette danse silencieuse qu'ils menaient depuis le début du vol. Elisa hésita un instant, son esprit encore en proie à une guerre silencieuse entre la raison et l'attirance incontrôlable qu'elle ressentait.
Elle se leva enfin, ramassant ses affaires avec une lenteur calculée. Tout autour d'elle semblait pesant, comme si l'air même était saturé d'une tension qu'elle n'arrivait plus à ignorer. Elle observa Adrian se diriger vers la sortie, marchant d'un pas assuré, sans se retourner. Sa silhouette imposante traversait la foule comme s'il n'existait pas d'autre centre d'attention dans cette pièce. Elisa sentit un frisson parcourir sa colonne vertébrale. C'était comme s'il portait un halo invisible autour de lui, un pouvoir subtil qui n'avait rien d'évident mais qui imprégnait tout.
À leur arrivée à l'hôtel, l'atmosphère changea encore. Un luxe discret mais envahissant flottait dans l'air, les couloirs baignés de lumière froide et les pièces impeccablement agencées semblaient contenir des secrets trop bien gardés. Les murs étaient décorés d'art moderne, mais rien n'éclipsait la beauté glacée de cet endroit. Tout ici semblait conçu pour désarmer, pour rendre vulnérable. Elisa se sentit immédiatement prise dans un piège invisible. Et Adrian, bien sûr, semblait être celui qui tirait les ficelles.
Ils pénétrèrent dans le hall d'un pas synchronisé, leurs regards croisant à plusieurs reprises, comme une danse silencieuse dont l'issue restait incertaine. À la réception, l'hôtesse leur remit les clés, et sans un mot, Adrian prit les devants. Elisa suivit, son cœur battant plus fort qu'elle ne l'aurait voulu. L'ascenseur les monta jusqu'à l'étage supérieur dans un silence lourd, trop parfait pour être naturel. Adrian, sans se détourner, appuya sur le bouton du dernier étage. Il n'y avait pas de nécessité à parler, aucune question à poser. Il agissait. Elle réagissait.
Lorsque la porte de la chambre s'ouvrit, un silence lourd s'installa entre eux. La pièce était spacieuse, l'éclairage tamisé donnant une lueur douce aux meubles de bois sombre. Le lit, immense, dominait la pièce, mais c'était la vue qui captait toute l'attention : un panorama époustouflant sur la ville endormie. Elisa ne put s'empêcher de s'avancer vers la fenêtre. Le ciel au loin était d'un bleu profond, presque irréel.
Elle se sentit perdue dans cet univers trop grand pour elle, presque étouffée par l'imposante présence d'Adrian. Derrière elle, elle entendit le bruit de ses pas. Son souffle se fit plus lourd. Elle ne pouvait pas ignorer la distance qui s'était réduite entre eux, ni le frisson qui parcourut son corps lorsqu'elle sentit sa chaleur dans son dos.
Il parla enfin, sa voix douce mais tranchante. "Ce soir, nous avons plus qu'un projet à accomplir, Elisa."
Elle se tourna vers lui lentement, le regardant droit dans les yeux. Elle aurait voulu répondre, poser des limites, remettre les choses à leur place. Mais quelque chose en elle, quelque chose d'imprévu, la faisait hésiter. Ses mots se coinçaient dans sa gorge, les limites se floutaient. Et dans cette pièce, face à lui, Elisa se demanda si elle serait capable de rester fidèle à ses principes ou si, tout simplement, elle succomberait à l'attrait magnétique d'Adrian.
Il s'approcha lentement, ses yeux plongés dans les siens, et il dit d'une voix calme, presque amusée : "Tu te demandes si tu peux m'échapper, n'est-ce pas ?"
Elle déglutit, et au lieu de répondre, elle croisa les bras, dans un geste de défi. "Je suis ici pour le travail, Adrian. Ce n'est pas une question de fuite."
Un sourire se dessina sur ses lèvres, mais il n'atteignit pas ses yeux. "Et pourtant, je sens que tu veux plus, Elisa. Beaucoup plus. Tu n'es pas venue ici juste pour un projet."
Elle sentit la température de la pièce monter, une chaleur nouvelle s'emparant d'elle. Ce n'était pas qu'une simple question de désir. Non, c'était bien plus subtil, plus dangereux. Et alors que la distance entre eux se réduisait encore, Elisa eut la sensation que les choses échappaient à tout contrôle.
Ils étaient liés, à cet instant, par des fils invisibles. Des fils qu'aucun d'eux n'avait encore osé couper. Mais, dans l'ombre de cette chambre luxueuse, elle savait que tout pouvait basculer à tout instant.