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Les odeurs étaient les premières choses qu'Adrian remarqua. Un mélange d'humidité, de terre, et d'un parfum plus subtil, plus inquiétant. La brume, si familière, enserrait tout autour de lui, le cachant presque dans ses bras froids. Pourtant, il avançait d'un pas déterminé, l'instinct le guidant vers l'endroit où, il le savait, elle se trouvait. Elle n'était plus très loin. Ses sens étaient en éveil, plus aiguisés que jamais, comme si la forêt elle-même l'avait accueilli, lui offrant des réponses qu'il n'avait pas cherchées. L'appel...
Cet appel qui l'avait secoué plus tôt, ce malaise étrange qui s'était emparé de lui lors de ses rêves, devenait plus fort à chaque instant. Elle était là, quelque part dans cette brume, et il allait la trouver.
Ses muscles se contractaient à chaque pas, son loup prêt à se libérer, à détruire tout ce qui se dresserait sur leur chemin. La pensée de la voir, de la retrouver après toutes ces années, l'enflammait autant qu'elle le terrifiait. Elle... l'étrange inconnue de ses visions. Il n'avait jamais cru aux signes ni aux oracles, mais ses rêves, ses prémonitions, étaient devenus trop clairs pour être ignorés. Elle était la clé. Et pourtant, ce n'était pas sa rencontre qu'il avait désirée. C'était sa libération. Sa souffrance l'avait poussée à chercher des réponses, mais à quel prix ?
Son regard se fixa sur l'obscurité devant lui, les contours d'une silhouette se dessinant à travers la brume. Un homme. Un chasseur. Puis un autre. Ils s'étaient organisés, cherchant à l'attraper. La meute qui l'avait envoyée n'était pas là par hasard. Elle avait été traquée, comme il l'avait toujours su. Mais cette traque n'était pas ce qu'il croyait. Elle n'était pas le but. Elle était l'enjeu.
Adrian accéléra, sentant la tension dans l'air. Ses instincts prenaient le dessus. Un rugissement, plus proche maintenant, ébranla la forêt, et le son d'une cloche métallique se fit entendre, tranchant le silence comme un cri. Il savait qu'il était arrivé. Ils étaient là, les chasseurs. Et la proie, aussi fragile que l'âme d'un esprit perdu, se trouvait sous leur emprise.
Puis il la vit. Elle était là, étendue sur le sol, enchaînée, sans force, inconsciente. Les chaînes brillaient faiblement sous la lumière filtrée par la brume, symboles d'une capture qui n'était pas seulement physique, mais aussi psychologique. Ses cheveux noirs, humides de sueur, collaient à son visage. Ses traits étaient pâles, ses lèvres légèrement bleues. Un frisson traversa Adrian. Elle respirait encore, mais à peine. La scène était irréelle. Et pourtant, là, sous ses yeux, elle était bien réelle.
Les chasseurs qui l'entouraient semblaient figés dans leur propre peur. Ils avaient peut-être cru que l'Alpha ne les remarquerait pas, qu'il n'interviendrait pas. Mais Adrian n'était pas comme les autres. Son regard se porta sur eux, ses yeux dorés, brûlants, animés d'une lueur surnaturelle. Il n'eût besoin que d'une seconde pour faire sauter les chaînes qui entravaient Sienna, pour réduire en poussière tout ce qui se trouvait devant lui.
La première victime tomba sans un cri. Un seul coup de poing. Le deuxième, à peine plus chanceux, tenta de s'échapper, mais Adrian, plus rapide qu'une pensée, l'attrapa par la gorge. Il n'eut aucune pitié. Ces hommes étaient une nuisance. Des obstacles à sa quête. Et ils étaient trop proches de la vérité pour être laissés en vie.
La brume semblait se dissiper alors qu'Adrian se penchait sur Sienna. Son corps tremblait légèrement. Elle était si frêle dans son état. Ses lèvres bougèrent, mais aucun son n'en sortit. Un frisson parcourut Adrian. Quelque chose en elle, peut-être dans ses gènes, appelait le sien. C'était une connexion indéniable. Un lien qui, d'un coup, effaçait toutes ses résistances. Il ne pouvait pas la laisser là, seule. Pas après tout ce qu'il avait appris, pas après tout ce qu'ils avaient vécu dans leurs rêves, dans leurs visions.
Il la prit dans ses bras, avec précaution, comme s'il craignait qu'elle se brise sous la moindre pression. Elle semblait si fragile, si... différente de ce qu'il avait imaginé. Il savait que la route qui les attendait serait semée d'embûches, mais rien ne pouvait être pire que de la laisser ici, entre les mains de ses ennemis. Il ferma les yeux un instant, laissant son souffle se calmer, ses pensées se poser. Il aurait dû la protéger plus tôt. Il aurait dû faire plus. Mais il n'avait pas pu. Il n'avait jamais cru que le destin le confronterait à ce genre de choix. Pas si vite.
« Sienna », murmura-t-il, presque pour lui-même, en observant son visage marqué par la douleur. Une douleur qu'il savait partagée. Cette rencontre n'était pas un hasard. Elle avait été choisie. Il avait été choisi. Et maintenant, il n'avait plus le choix. Il devait l'emmener, la protéger, la comprendre. Elle était la clé, et son existence n'avait plus aucun sens sans elle. Les questions viendraient plus tard. Pour l'instant, elle devait juste survivre. Et lui aussi.
Il sentit son cœur battre plus vite alors qu'il la portait loin de l'endroit où les chasseurs gisaient encore, inertes. La forêt semblait se refermer sur eux, comme si le monde entier s'était figé pour les observer. Mais Adrian savait que ce n'était pas la fin. C'était à peine le commencement.
Sienna émergea lentement de l'obscurité, une brume épaisse entourant ses pensées. Ses paupières s'ouvrirent avec difficulté, comme si le simple acte de voir était une épreuve en soi. La lumière, trop vive, la fit frissonner. Elle tenta de se redresser, mais la douleur, sourde et constante, s'empara d'elle. Où était-elle ? Que s'était-il passé ? Le monde autour d'elle était flou, une toile de fond indistincte dans laquelle sa propre existence se dérobait. Puis elle sentit une présence à ses côtés, forte, imposante. Un souffle près de son oreille, presque comme un murmure de vent. Et une chaleur, un parfum boisé et sauvage qui envahissait ses sens. Ses yeux se posèrent sur lui avant même qu'elle ne comprenne tout à fait ce qu'elle voyait.
Adrian.
L'instant où son regard croisa le sien fut comme une décharge électrique, aussi violente qu'inattendue. Un frisson la parcourut, non pas de peur, mais d'une étrange familiarité, comme si elle avait toujours su qu'il serait là. Quelque chose en elle s'éveilla, mais elle n'eût pas le temps de le comprendre avant que la réalité ne s'impose à elle avec brutalité. L'homme qui se tenait devant elle était un Alpha, puissant et charismatique, ses yeux dorés perçant l'ombre de la pièce. Elle comprit alors qu'il avait une autorité naturelle, presque effrayante.
Mais il ne l'effrayait pas.
Elle tourna lentement la tête, comme si chaque mouvement nécessitait un effort surhumain, et observa l'environnement autour d'elle. Un feu crépitait dans la cheminée, et le son du vent faisait frissonner les volets d'une fenêtre proche. C'était une petite maison, modeste mais chaleureuse, loin de tout, loin des meutes, loin des chasseurs. Un sentiment étrange s'empara d'elle : elle se sentait... en sécurité. Mais pourquoi ?
« Tu es réveillée », dit-il d'une voix grave, presque trop douce, comme s'il hésitait à rompre un silence fragile.
Elle ne répondit pas immédiatement. Ses pensées tourbillonnaient, chaotiques, mais une question persistait, s'imposant avec une clarté glaçante : *Qui était-il réellement ?*
Quand ses yeux se posèrent sur lui, une sensation étrange l'envahit, une pression douce au fond de son cœur. Elle sentit un lien, ténu mais puissant, quelque chose qui la liait à lui de façon inexplicable. Comme une corde invisible entre deux âmes, une connexion qui la dépassait. Elle ferma les yeux un instant, secouant la tête pour chasser cette sensation dérangeante. Il ne pouvait pas être celui qu'elle pensait.
« Qui êtes-vous ? » demanda-t-elle finalement, la voix brisée par l'effort de se relever, par la douleur de l'instant.
Un léger sourire traversa les lèvres d'Adrian, mais ses yeux restaient durs, inaccessibles, comme s'il avait du mal à formuler ce qu'il allait dire. Pourtant, il savait. Il savait que ce moment était venu, et que son monde, et celui de Sienna, allait basculer.
« Je suis ton Alpha », répondit-il enfin, avec une simplicité effrayante. « Et toi, Sienna, tu es ma compagne. »
Les mots résonnèrent dans la pièce comme une sentence. Un choc électrique traversa le corps de Sienna. Sa respiration se coucha, le souffle court, tandis que son cœur tambourinait dans sa poitrine. Son esprit s'embrouilla instantanément, comme si elle avait été frappée d'un coup violent. Elle secoua la tête, son regard se braquant sur lui, totalement incrédule.
« Non. Ce n'est pas possible », souffla-t-elle, refusant de croire ce qu'il venait de dire. Elle se sentait soudainement prise au piège, comme si elle se trouvait au centre d'un complot dont elle n'avait aucune idée. Elle chercha à se redresser, mais ses muscles étaient trop endoloris, trop faibles. La panique monta en elle, et son souffle devint saccadé.
« Tu te trompes », ajouta-t-elle précipitamment, mais sa voix trahissait déjà un frémissement d'incertitude qu'elle ne pouvait contrôler. « Je... je ne suis pas ta compagne. »
Adrian ne bougea pas, son regard fixé sur elle. Son silence était lourd, imposant, comme une mer calme avant la tempête. « Tu as ressenti ce lien, n'est-ce pas ? » Il se pencha un peu plus près d'elle, ses yeux toujours ancrés dans les siens. « Ce n'est pas un hasard. Tu es celle qui m'est destinée. »
Elle se figea, déstabilisée, incapable de répondre immédiatement. Ce qu'il disait n'avait aucun sens, et pourtant, quelque part au fond d'elle, une voix, faible mais persistante, lui soufflait que ses mots n'étaient pas vides. Ce lien, elle l'avait ressenti. Ce malaise, cette douleur, ce frisson d'incompréhension qui s'était emparé d'elle à chaque regard croisé avec lui. C'était comme une vérité qu'elle refusait d'accepter.
« Non », répéta-t-elle plus fermement, se redressant avec effort, une lueur de défi dans les yeux. « Ce n'est pas possible. Je ne peux pas être ta compagne. »
Les mots sortirent d'elle avec une force désespérée, comme une tentative de fuir une réalité trop étrange, trop insensée pour être vraie. Elle n'était qu'une enfant bannie, une ombre parmi les ombres. Elle n'avait rien de spécial. Pourquoi l'aurait-il choisie ? Pourquoi elle ?
Adrian s'assit à ses côtés, sans la moindre précipitation. Il n'avait pas l'intention de la forcer à comprendre tout de suite. Il savait qu'il lui faudrait du temps. Mais il était là. Il l'avait trouvée. Et peu importait qu'elle refuse d'abord de le croire, il saurait la convaincre.
« Tu ne comprends pas encore, Sienna », dit-il calmement, son ton empli d'une certitude glacée. « Tu ne sais pas tout de toi, tout de nous. Mais tu le sauras bientôt. C'est notre destin. »
Elle le fixa, les yeux emplis de confusion et de doute. Mais, au fond d'elle, un sentiment grandissait. Une forme d'acceptation lointaine, qu'elle ne parvenait pas à chasser. Pourquoi, malgré ses paroles, sentait-elle cette étrange certitude en elle ?
Elle ferma les yeux, la tête bourdonnante, et murmura à peine, comme une prière désespérée : « Je ne veux pas... » Mais déjà, dans son cœur, les mots se brisaient. Parce qu'au fond, elle savait qu'elle ne pourrait pas fuir éternellement.