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La douleur la transperça comme un éclair. Un cri déchira la nuit, glissant entre les arbres noirs de la forêt et se heurtant contre le vent furieux. Les premiers éclats de foudre frappaient le sol, zébrant l'horizon de lueurs blanches, éclairant par moments les silhouettes inquiétantes qui se mouvaient dans l'ombre. Sienna, encore à peine née, sentit le froid mordant de l'air nocturne, une sensation qui n'aurait jamais dû être la sienne.
Les mains du guérisseur étaient tremblantes, son souffle erratique, tandis qu'il faisait tout pour empêcher l'enfant de naître dans ce monde sous de si funestes auspices.
« Elle est là ! » hurla la sage-femme, la panique dans la voix. Mais son cri était noyé par un autre bruit, plus fort, plus inquiétant.
La foudre frappa plus près. La terre trembla.
Elle émergea dans ce monde avec une telle violence que même les esprits anciens reculèrent, effrayés par le poids du présage. Un cri, une étincelle de vie, puis un silence lourd, pesant. La petite Sienna ouvrit les yeux dans un monde où le destin semblait se dérober sous ses pieds. Un frisson parcourut son corps frêle, une ombre à peine perceptible sur son âme, une marque invisible, mais déjà présente.
Les yeux de la mère étaient fixés sur son enfant. Elle avait vu les signes. Elle avait entendu les murmures des anciens. « Elle portera la malédiction », avait-on dit. « La porteuse du malheur. » Une partie d'elle savait qu'elle ne survivrait pas à cet accouchement. L'autre ne pouvait accepter ce qu'elle savait être la vérité. Le monde des hommes et des loups ne pouvait accueillir une telle naissance. Elle serra son enfant dans ses bras, sentant déjà la chaleur de sa peau, et la peur s'empara de son cœur.
Les bruits de la forêt étaient devenus plus intenses. Quelque chose se rapprochait, quelque chose qui sentait la terreur. Elle n'était pas seule. Le vent soufflait, mais pas assez fort pour masquer les pas lourds qui se rapprochaient. La mère leva les yeux vers l'horizon. Des silhouettes, imposantes, se dessinaient, s'approchant avec une lenteur menaçante.
« Tu dois fuir », murmura la mère, sa voix faible mais résolue. La petite Sienna ne comprenait pas, mais la main qui se serra autour de son bras savait déjà. Elle avait été choisie pour quelque chose qu'aucun enfant n'aurait dû porter.
La porte se fracassa, la maison trembla sous la force du choc. Les ombres envahirent la pièce. Le guérisseur, effrayé, se coucha au sol, tremblant de tout son corps. Mais un cri de plus s'éleva, plus fort que tous les autres. Un cri qui perça la nuit, un cri qui allait être la signature d'un avenir incertain.
« L'enfant ! » Un homme, plus grand que les autres, s'avança. Ses yeux brillaient dans l'obscurité, comme des braises ardentes. Ses mains, couvertes de griffes, frémissaient, prêtent à saisir.
La mère serra sa fille contre elle une dernière fois. « Tu dois partir, Sienna. Ils ne doivent jamais savoir qui tu es. »
Un éclat de lumière, et l'homme s'avança. « La prophétie ne peut être ignorée plus longtemps. »
D'un coup sec, il brisa le crâne de la mère. Le corps s'effondra avec un bruit sourd. La petite Sienna hurla, inconsciente du tragique moment qu'elle vivait.
Elle n'eut pas le temps de comprendre ce qui se passait. Un coup de vent froid la saisit, et la petite silhouette de l'enfant fut portée loin, dans l'obscurité de la forêt. Là où la meute des Ombres ne pourrait jamais la retrouver. Là où même le destin n'oserait la suivre.
Les années passèrent, mais les ombres de ce soir-là ne disparurent jamais de la mémoire de Sienna. Pourtant, tout autour d'elle était calme. Elle vivait parmi des humains, des créatures fragiles qui semblaient aveugles à la lumière du destin. Mais Sienna savait, au fond d'elle-même, que le malheur était une partie intégrante de son existence.
Elle se réveilla dans la cabane, son corps lourd d'un étrange pressentiment. La forêt semblait plus bruyante ce matin-là, le vent soufflant à travers les fenêtres ouvertes. Des oiseaux criaient, mais ce n'était pas des cris joyeux. Ils étaient différents. Une angoisse palpable.
Elle se leva, étira ses bras, et marcha lentement vers la fenêtre. Le ciel au loin semblait menacer d'éclater. La foudre n'était jamais loin. Mais ce n'était pas de la foudre. Elle pouvait sentir la présence d'une autre force. Une force qu'elle n'arrivait pas à comprendre, mais qui la pourchassait.
Les portes s'ouvrirent brusquement. Elle ne se retourna même pas. Elle savait qui c'était. Elle savait ce que ces bruits annonçaient.
« Tu as ressenti, toi aussi. »
L'homme entra, un regard sombre dans les yeux. Il n'était pas humain, mais il n'était pas non plus un loup. Il était quelque chose d'encore plus dangereux, un être entre les deux mondes. La malédiction, la même qui avait hanté sa naissance, se resserrait autour d'elle.
Il s'avança sans un mot, mais Sienna n'eut pas besoin de réponse. Elle savait ce qu'il était venu lui dire. « Tu dois fuir, Sienna. Ils sont venus pour toi. »
Elle ne répondit pas immédiatement. La terre tremblait sous ses pieds, mais ce n'était pas la tempête. Il y avait des pas lourds derrière elle. Un frisson de terreur la parcourut, mais elle ne bougea pas.
Puis, la porte explosa sous un coup de griffe.
Ce soir-là, l'âme de Sienna, forgée dans le fer du destin, se prépara à affronter ce qu'elle ne comprenait pas encore. Mais l'ombre d'Adrian, cet Alpha qu'elle n'avait jamais rencontré, approchait déjà.
Le vent soufflait fort lorsque les anciens de la meute se rassemblèrent autour de l'Alpha. L'obscurité pesait sur leurs visages, l'expression grave, l'âme tourmentée. Ils avaient assisté à la naissance de Sienna, à la manière dont la foudre éclatait en éclats d'ombre au-dessus d'eux, comme une malédiction annonciatrice. Ils avaient vu le vent hurler autour de la maison, et le cri de l'enfant, qui n'était pas un cri de vie mais un cri de fin, résonner dans leurs oreilles comme le signal d'un drame à venir.
Le conseil s'était réuni pour une raison précise : l'enfant. La petite Sienna. Le destin de la meute était désormais incertain à cause de cette naissance, et les anciens le savaient. Des murmures parcouraient la meute, des rumeurs qui annonçaient que la malédiction ne serait jamais levée tant qu'elle serait parmi eux. Elle était le symbole de la décadence, du déclin. La lumière qu'elle portait en elle ne pouvait être qu'éphémère, et une fois éteinte, la meute serait condamnée à errer dans les ténèbres.
L'Alpha, lui, se tenait silencieux, le regard lourd. Il savait que son rôle était de protéger la meute, avant tout. Mais les anciens avaient raison. La naissance de Sienna, dans un tel chaos, sous une telle malédiction, ne pouvait être ignorée. La peur s'infiltrait dans son esprit. Si la prophétie des anciens était vraie, elle serait la fin de tout ce qu'ils avaient construit. Mais comment bannir un enfant, surtout le sien ?
Il n'avait pas le choix. La décision fut prise dans l'ombre, en silence. L'Alpha avait ordonné le bannissement de Sienna. La petite fille, si fragile et innocente, serait envoyée loin de la meute, loin de leur terre. La dévotion de son père, sa loyauté envers la meute, lui permettait de faire face à cette décision déchirante. Sienna, qui n'avait même pas encore conscience de sa nature, serait privée de la seule famille qu'elle aurait jamais connue.
La meute se tourna donc vers la vieille guérisseuse recluse, une femme dont le pouvoir semblait aussi ancien que la forêt elle-même. Elle vivait dans l'isolement, loin des yeux curieux, dans un repli de la nature que même les loups les plus expérimentés ne franchissaient guère. La guérisseuse était réputée pour ses connaissances profondes des mystères de la nature, des plantes, et de la vie, mais peu savaient que ses pouvoirs s'étendaient au-delà des simples remèdes. Elle était la gardienne des secrets oubliés, des liens brisés. C'était elle qui pourrait protéger Sienna, sans jamais lui révéler la vérité.
La vieille femme, les mains tremblantes mais d'une sagesse inébranlable, accueillit Sienna sans poser de questions. Elle savait, d'instinct, que la jeune fille serait un jour confrontée à sa propre nature, mais cela ne faisait aucune différence. Elle devait être protégée. Au fil des années, Sienna grandit loin de tout, loin des autres loups, de la guerre et de la souffrance. Elle n'apprit jamais que les ombres de son passé la hantaient, que les murmures de la meute cherchaient toujours à la retrouver. La guérisseuse l'éleva dans la sérénité, lui enseignant les anciens arts de la guérison, l'écoutant écouter la forêt, sans jamais évoquer son véritable héritage. Elle était une simple enfant, apprenant à écouter les bruits du monde.
Mais une chose, pourtant, échappait à la guérisseuse. Sienna possédait quelque chose de spécial, quelque chose que la vieille femme avait vu dès les premiers jours : une étincelle de pouvoir cachée, endormie dans son être. Elle l'avait perçue dans ses gestes, dans ses yeux, mais elle n'était pas encore prête à comprendre la profondeur de ce lien. Sienna était l'enfant des ténèbres, mais aussi la clé d'un destin plus grand qu'elle ne pourrait jamais imaginer. Et le jour viendrait où cette vérité éclaterait en elle, mais pour l'instant, tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle était simplement différente, qu'un fardeau invisible pesait sur ses épaules.
Elle ignorait que le monde de la meute l'appelait, qu'Adrian, son Alpha, attendait d'elle qu'elle accomplisse quelque chose qu'elle ne pouvait encore saisir. Mais le temps viendrait où tout cela serait révélé dans un éclat de lumière, un éclat qui briserait les chaînes de son passé.