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Chapitre 3
Les éclats de rires dansent autour d'elle, mais ils ne touchent plus son âme. Le masque qu'elle arbore est trop bien ajusté pour trahir la moindre faille. Elle a appris à le porter dès son plus jeune âge, mais aujourd'hui, elle en a pris le contrôle. Le jeu n'est plus une nécessité, c'est une arme. Une arme qu'elle va manier avec une précision chirurgicale.
- Tu es distante ce soir, Céleste. Qu'est-ce qui t'arrive ?
La voix de Livia résonne avec cette fausse inquiétude qu'elle connaît trop bien. L'amie qui l'avait poussée vers la trahison, qui avait failli la perdre à jamais.
Céleste esquisse un sourire qui ne parvient pas à atteindre ses yeux. C'est la même expression qu'elle arborait autrefois, celle qu'elle croyait sincère. Aujourd'hui, elle le porte pour mieux duper.
- Oh, Livia, tu sais bien que ce n'est rien.
La jeune femme lui adresse un regard, mais Céleste voit déjà dans ses yeux la lueur de la curiosité, du doute. Elle est trop intelligente pour ne pas se poser des questions. Mais pour l'instant, elle joue le jeu. Parce qu'il est encore trop tôt pour que le masque tombe.
- Alors pourquoi ce silence ?
Elle feint la gêne, haussant les épaules.
- Je pensais simplement à tout ce qui se passe autour de nous. Beaucoup de choses changent.
Livia semble satisfaite de cette réponse, mais un peu d'inquiétude subsiste. Céleste enregistre chaque détail, chaque mouvement, chaque mot. Elle est en train de comprendre. Livia n'a pas seulement été complice de la trahison. Elle est une actrice dans le même théâtre, une joueuse prête à changer de rôle selon la pièce.
Elle jette un coup d'œil furtif autour d'elle, ses yeux se posant sur Adrien, qui discute avec plusieurs hommes. Il s'est toujours entouré de ceux qui, selon lui, pourraient renforcer son emprise. Dans sa première vie, elle n'avait pas vu cela. Elle avait été aveuglée par la beauté de ses mots. Aujourd'hui, tout cela n'est qu'un jeu de manipulation. Un autre masque qu'il porte avec une aisance déconcertante.
Le vent de la vengeance souffle lentement dans son esprit, mais elle sait que pour l'instant, elle doit attendre le bon moment. Elle ne peut pas se précipiter. Il lui faut être aussi patiente que ceux qui l'ont trahie.
**
Elle le repère presque instantanément. Gabriel. Comme toujours, il semble détaché de tout ce qui l'entoure, observant sans rien dire. Mais elle sait qu'il est plus qu'un spectateur. Gabriel ne joue pas avec des cartes visibles. Il cache ses atouts jusqu'au dernier moment. Et lui aussi, comme elle, n'est pas dupe des apparences.
Il la fixe un instant. Leur regard se croise, et Céleste ressent une étrange tension. Ce n'est pas de l'attirance, ni de la peur. C'est un défi silencieux. Il l'observe, et elle sait qu'il attend qu'elle fasse un faux pas.
- Mademoiselle Verlay.
Sa voix est calme, mais il y a un sous-entendu dans ses mots. Un défi qu'il lance sans même en avoir l'air. Il teste la distance, testant les limites de son masque.
- Monsieur d'Aurillac.
Elle répond d'un ton léger, mais la brume dans ses yeux dissimule l'intensité de son esprit. Elle a pris son temps pour l'étudier, pour comprendre ses motivations. Gabriel ne cherche pas à conquérir. Non, il est plus subtil. Lui, il veut savoir où se situe le pouvoir. Et cela, Céleste le sait.
- J'ai cru comprendre que tu t'intéressais à d'autres choses que l'apparence des choses.
Elle a voulu le provoquer, juste un peu. Voir s'il mordait à l'hameçon. Mais il sourit, amusé. Il connaît trop bien les jeux de l'esprit pour se laisser piéger aussi facilement.
- Et que penses-tu que je recherche, Céleste ?
Il l'appelle par son prénom, mais ce n'est pas un geste de familiarité. C'est un test.
Elle n'y cède pas. Pas cette fois.
- La vérité. Comme tout le monde.
Il éclate de rire. Un rire qui n'a rien de chaleureux, mais qui lui donne un air presque inhumain. Un rictus de méfiance caché sous une couche de charme.
- Oh, la vérité... C'est une chose difficile à attraper, n'est-ce pas ?
Elle le défie du regard, les yeux d'un bleu aussi perçants que les siens.
- Parfois, il suffit de poser les bonnes questions.
Elle se penche légèrement vers lui, comme si elle était prête à partager un secret. Mais, en réalité, c'est un autre piège, une nouvelle couche du masque qu'elle porte.
- Et toi, Gabriel ? Pourquoi t'intéresses-tu à moi ?
Ses yeux se braquent sur elle, une lueur étrange dans le fond de son regard.
- Parce que tu es comme moi, Céleste. Tu portes un masque. Mais, un jour, tu le feras tomber.
Il n'attend même pas sa réponse, se retirant sans un mot, son regard toujours posé sur elle. Céleste reste figée un instant, analysant ses paroles.
Elle n'avait pas vu ce côté de Gabriel dans sa vie précédente. Pas de cette manière. Mais maintenant, elle comprend qu'il n'est pas simplement un homme influent. Il est un observateur, un détective des âmes humaines.
**
Le temps passe et Céleste se retrouve de plus en plus seule dans ses observations. Les sourires de Livia, les gestes d'Adrien, les regards furtifs échangés entre eux... Tout commence à prendre une forme qu'elle n'avait pas vue dans son autre vie. Le puzzle se reconstitue, mais il manque encore quelques pièces.
Un matin, après une soirée qui a laissé son esprit bouillonnant de pensées, elle décide d'agir. Ses premières cibles sont simples : les petites conversations qu'elle surprend, les confidences des domestiques. Ceux qui croient qu'ils ne sont que des témoins muets de ce monde de mascarade.
Elle sait que tout commence avec eux. Ceux qui chuchotent dans l'ombre détiennent la clé de tout. Elle les écoute, sans jamais rien dire, comme une ombre parmi les ombres. Leurs murmures sont pleins de vérités, mais aussi de mensonges soigneusement construits.
Céleste n'oublie jamais l'enseignement que lui a donné sa première vie : la vérité se cache dans les détails. Et dans ce flot d'informations, c'est un nom qui attire son attention : *Valmont*. Un nom qu'elle connaît. Un homme qui a toujours été discret, en apparence inoffensif. Mais derrière sa façade calme, elle devine qu'il porte un secret. Un secret qui pourrait la mener plus près de la vérité.
Elle se rapproche. Pas directement, mais subtilement. Chaque mot, chaque geste, devient un piège à tendre. Elle va découvrir qui ils sont réellement, et quand le moment sera venu, elle les fera tous tomber. Mais pas avant d'avoir révélé le jeu auquel ils participent. Parce qu'elle, elle connaît les règles. Et plus que tout, elle va les maîtriser.