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La porte claqua contre le mur, projetant une ombre vacillante sur le parquet usé. Hazel se figea, le souffle court, alors que son père entrait, le visage marqué d'un poids qu'elle ne lui avait jamais vu porter. Derrière lui, l'obscurité de la nuit s'engouffrait dans la pièce, comme si elle portait en elle la sentence qui allait tomber.
- Assieds-toi.
La voix de son père, d'ordinaire calme, portait une gravité qui serra le cœur d'Hazel. Elle ne bougea pas. Son instinct lui murmurait que si elle obéissait, si elle prenait place sur ce fauteuil fatigué, elle accepterait une vérité qu'elle n'était pas prête à entendre.
- Père...
- Assieds-toi, répéta-t-il, plus doucement cette fois.
Elle obtempéra, croisant les bras comme une armure invisible contre le froid qui n'avait rien à voir avec la température de la pièce. Son père se passa une main sur le visage avant de planter son regard dans le sien.
- Nous sommes ruinés.
Les mots frappèrent plus fort qu'une gifle. Hazel sentit son estomac se nouer, son souffle se couper. Elle aurait voulu croire qu'elle avait mal entendu, que ce n'était qu'un cauchemar éclos de la fatigue et du silence pesant de la demeure. Mais le regard de son père ne mentait pas.
- Ce n'est pas possible... La meute...
- La meute ne peut plus nous protéger. Les dettes sont trop grandes, les alliances brisées. Nous sommes seuls.
Hazel ouvrit la bouche, la referma. Depuis des mois, elle sentait l'inquiétude dans les conversations murmurées, la tension qui raidissait les épaules des serviteurs, la manière dont son père évitait de croiser son regard. Mais jamais elle n'aurait imaginé l'ampleur du désastre.
- Et maintenant ?
Elle savait déjà la réponse. Elle la devinait dans la raideur du dos de son père, dans l'odeur de résignation qui émanait de lui.
- Un accord a été conclu.
Le silence fut plus brutal que la déclaration.
- Quel accord ?
Son père détourna les yeux, et elle comprit. Le souffle coupé, elle secoua la tête, le cœur battant à tout rompre.
- Non.
Il posa enfin son regard sur elle, et Hazel y lut une tristesse insondable.
- Il n'y a pas d'autre choix.
Elle se leva si brusquement que la chaise racla le sol dans un grincement déchirant.
- Il doit y avoir une autre solution.
- Il n'y en a pas.
- Tu veux dire que tu m'as vendue ?
Les mots, acérés, emplis d'une rage qu'elle ne s'était jamais connue, vibrèrent dans l'air. Son père se leva à son tour, sa haute stature projetant une ombre imposante.
- Je t'ai protégée.
- En me livrant à un Alpha ? En me condamnant à une vie que je n'ai pas choisie ?
Son père serra les mâchoires.
- C'est Viktor, déclara-t-il finalement.
Un frisson parcourut l'échine d'Hazel. Viktor. Même sans l'avoir jamais rencontré, elle connaissait son nom. Un Alpha redouté, réputé pour sa force impitoyable, sa froideur implacable. Son territoire, immense et hostile, bordait le leur, et beaucoup disaient que son cœur était aussi glacial que les montagnes qui entouraient son domaine.
- Tu veux que j'épouse un monstre ?
- Il n'est pas un monstre. Il est l'Alpha dont nous avons besoin.
Hazel éclata d'un rire sans joie.
- Dont tu as besoin, tu veux dire.
Son père pinça les lèvres, fatigué.
- Ce n'est pas une discussion. Demain, tu partiras.
Un ordre. Une sentence.
Hazel sentit sa colère s'intensifier, bouillonner sous sa peau.
- Je refuse.
- Tu n'as pas le choix.
L'air se figea. Son cœur tambourinait si fort qu'elle crut qu'il allait exploser. Son père la regardait avec une tristesse infinie, mais aucune hésitation. Il avait déjà décidé.
- Demain matin, Viktor viendra te chercher.
Le sol semblait s'effondrer sous ses pieds. Elle voulut hurler, frapper, briser quelque chose, mais aucun mot ne franchit ses lèvres. Elle n'avait jamais été aussi impuissante.
Sans un mot de plus, elle se détourna et quitta la pièce, son corps vibrant d'une rage qu'elle ne pouvait contenir.
Dans moins de vingt-quatre heures, sa vie ne lui appartiendrait plus.
La première rencontre avec Viktor se fit dans le hall froid de la grande maison familiale, un lieu qui, jadis, résonnait de rires et de chaleur. Désormais, l'air était épais, presque suffocant. Le bruit des pas de Viktor résonnait comme une menace à travers le marbre, chaque mouvement trahissant sa maîtrise parfaite.
Hazel se tenait là, immobile, ses bras croisés sur sa poitrine, tentant de dissimuler la terreur qui se battait contre sa colère. Elle savait qu'il arrivait, qu'il venait pour la prendre. Elle n'était plus qu'une marchandise dans une transaction qui la dépassait.
Il entra sans un mot, son regard sombre et perçant balayait la pièce, cherchant sans doute à évaluer chaque recoin. Sa silhouette imposante, haute et droite, dégageait une aura de puissance inébranlable. Hazel l'observa en silence, ses yeux se fixant sur lui, un Alpha, aussi froid que la pierre, dénué d'humanité.
Quand il tourna les yeux vers elle, Hazel sentit une onde invisible la frapper. Ce regard, si tranchant, fit monter en elle un frisson glacé, mais elle le défia sans ciller.
Il se dirigea vers elle, chaque pas résonnant comme une sentence.
- Tu es Hazel, la fille de l'Héritier.
Elle hocha la tête, la gorge serrée, consciente que ses mots n'étaient rien face à son autorité. Viktor s'arrêta à quelques mètres d'elle, son regard perçant l'analysant froidement.
- Je suis Viktor. Je n'ai pas l'habitude de discuter. Tu seras ma compagne. Peu importe ce que tu en penses.
Le ton de sa voix, aussi implacable que le vent dans les montagnes, la coucha sous un poids insupportable. Il n'y avait ni douceur, ni menace déguisée dans ses paroles, juste une vérité nue et brutale. Hazel serra les poings. Il venait de lui arracher sa liberté, et il ne semblait même pas en prendre conscience.
- Et si je refuse ? siffla-t-elle, ses yeux jetant des éclairs.
Viktor haussait les épaules, indifférent, comme si sa réponse était une évidence.
- Ce n'est pas une question de refus. C'est un fait.
Hazel le détesta instantanément, non seulement pour ce qu'il représentait, mais pour la manière dont il lui enlevait toute possibilité de choix. Mais elle ne se laisserait pas faire. Pas sans un combat. Elle l'ignora, refusant de répondre, et détourna le regard.
Le mariage fut une cérémonie aussi glaciale que la rencontre elle-même. Le grand hall de la meute était sombre, les chandeliers allumés éclairant à peine les murs. Les regards étaient tendus, les murmures à peine audibles. Il y avait là des Alpha, des Beta, des membres influents de la meute, mais aucun d'eux ne souriait. Aucun ne se réjouissait de cet union forcée, mais ils étaient tous là, comme des témoins silencieux.
Hazel se tenait droite devant l'autel, le regard fixé sur Viktor, son futur époux. Elle aurait voulu fuir, se cacher dans un coin, mais la pression de la cérémonie l'en empêchait. Elle n'osait même pas regarder les invités. Elle les sentait là, observant chacun de ses gestes, pesant chaque mouvement.
Viktor se tenait face à elle, impassible, le regard froid comme le marbre, sans émotion. Mais, plus que tout, c'était la force de sa présence qui écrasait Hazel. Elle n'était qu'une ombre, une simple présence dans ce vaste espace, tandis que lui dominait l'assemblée avec une assurance inébranlable.
Quand le prêtre leva la main, les mots sacrés se déversant comme une cascade sans fin, Hazel sentit son cœur se serrer. La vérité s'enracinait dans chaque syllabe prononcée : elle n'avait plus de place dans ce monde.
Au moment où la bague fut enfilée à son doigt, un frisson de révolte parcourut son corps. Cela scellait son destin. Mais cela ne signait pas sa soumission. Elle jura intérieurement qu'elle ne lui appartiendrait jamais, que, malgré tout ce qui allait suivre, elle ne se plierait jamais à lui. Elle était une louve, et une louve ne se soumettait pas facilement.
Alors que les témoins applaudissaient, la salle semblait résonner d'un écho funeste. Mais dans l'intimité de son esprit, Hazel tenait ferme, une flamme d'indépendance brûlant encore dans ses entrailles. Elle avait été forcée dans ce rôle, mais son âme n'avait pas été brisée. Elle allait prouver que, même dans les chaînes, elle resterait libre.