Chapitre 4 Chapitre 4

Les lumières de la ville s'étaient éteintes derrière nous, remplacées par une longue route bordée d'arbres imposants. Je déglutis, sentant la panique revenir en moi. Où est-ce qu'il m'emmenait ?

Adrian ne disait rien. Il conduisait d'un air détendu, une main sur le volant, l'autre reposant négligemment sur le levier de vitesse. Sa sérénité me mettait encore plus mal à l'aise.

- **Où est-ce qu'on va ?**

Ma voix était plus tremblante que je ne l'aurais voulu.

- **Chez moi.**

Deux mots, lâchés avec une telle évidence que cela me fit frémir.

- **Tu n'as pas le droit de me garder avec toi.**

Un soupir agacé.

- **On en revient toujours au droit, Elena.**

Il tourna la tête vers moi, un sourire moqueur aux lèvres.

- **Tu vas devoir comprendre une chose : ton monde et le mien ne suivent pas les mêmes règles.**

Un frisson glacial remonta le long de ma colonne vertébrale.

Lorsque la voiture ralentit enfin, je découvris une immense grille en fer forgé qui s'ouvrait automatiquement devant nous. Derrière, une allée pavée menait à un manoir imposant, baigné dans la lumière tamisée des lampadaires.

C'était une prison dorée.

L'endroit était magnifique, mais il ne me trompait pas. Tout ici respirait le contrôle, la surveillance. Les hautes fenêtres semblaient me scruter, et je devinais sans mal la présence de caméras cachées.

Adrian arrêta la voiture devant l'entrée principale. Un homme s'approcha pour ouvrir la portière, mais je ne bougeai pas.

- **Descends.**

Sa voix était calme, mais il n'y avait pas d'espace pour la négociation.

Je pris une grande inspiration avant de sortir lentement. L'air nocturne était plus frais ici, presque vivifiant.

Adrian contourna la voiture et se plaça à mes côtés.

- **Bienvenue chez toi.**

J'eus un rire nerveux.

- **Ce n'est pas chez moi.**

Il me jeta un regard amusé, mais ne répondit pas.

Deux hommes se tenaient sur le perron, observant la scène avec des regards méfiants. L'un était grand, blond, le visage marqué par une cicatrice le long de la mâchoire. L'autre, plus trapu, avait un air plus sournois, comme s'il pesait déjà mes moindres gestes.

- **C'est elle ?** demanda le blond d'une voix rauque.

- **Oui.**

Je sentis leurs regards me détailler, pesant, intrusif.

- **Elle n'a pas l'air si spéciale.**

Mon corps se tendit. Adrian, lui, eut un sourire froid.

- **Elle l'est. Et vous feriez bien de vous en souvenir.**

Le blond haussa un sourcil, mais ne répondit pas.

- **Elle va nous poser des problèmes ?** intervint l'autre homme, un brin méprisant.

Adrian se tourna vers moi, une étincelle de défi dans les yeux.

- **Ça, c'est à elle de décider.**

Je soutins son regard, refusant de baisser les yeux.

- **Je ne suis pas un problème. Mais je ne suis pas non plus un de tes pions.**

Un silence s'installa.

Puis Adrian rit doucement, un rire bas, presque admiratif.

- **Nous verrons bien.**

Il fit signe aux hommes de s'éloigner et ouvrit la porte du manoir.

L'intérieur était à couper le souffle. Un immense hall s'étendait devant moi, avec un escalier en colimaçon en marbre qui menait à l'étage. Des lustres en cristal suspendus au plafond diffusaient une lumière dorée, rendant l'endroit presque irréel.

C'était l'opulence à l'état pur.

Mais c'était aussi un piège.

- **Je vais te montrer ta chambre.**

Je le suivis, mes pas résonnant sur le sol en marbre. Chaque pièce que nous traversions semblait sortie d'un magazine de luxe : des meubles en bois massif, des tableaux hors de prix, une bibliothèque qui semblait pouvoir contenir des milliers de livres.

Enfin, il ouvrit une porte et me fit signe d'entrer.

La chambre était immense. Un lit king-size trônait au centre, recouvert de draps blancs immaculés. De grandes fenêtres donnaient sur l'arrière du domaine, où je devinais des jardins entretenus avec soin.

- **Tu dormiras ici.**

Je restai figée.

- **Et si je refuse ?**

Son sourire s'effaça légèrement.

- **Ce n'est pas une option.**

Je plantai mes yeux dans les siens, cherchant une faille.

- **Et si j'essaie de partir ?**

- **Tu ne partiras pas.**

Sa voix était calme, tranchante comme une lame.

- **Pourquoi ? Parce que tu me le défends ?**

Il s'approcha, et pour la première fois depuis que je le connaissais, son regard était réellement dur.

- **Parce que je le ferai en sorte.**

Je sentis mon souffle se bloquer.

- **Tu es en sécurité ici, Elena. Mais si tu sors, je ne pourrai pas garantir ta survie.**

Je déglutis.

- **Et qu'est-ce que tu attends de moi, exactement ?**

Il leva une main et effleura ma joue du bout des doigts, un geste à la fois doux et terriblement menaçant.

- **Trois règles.**

Je restai immobile, le cœur battant à tout rompre.

- **Premièrement, tu ne t'enfuis plus.**

Son doigt descendit lentement le long de ma mâchoire.

- **Deuxièmement, tu ne me mens pas.**

Je ne bougeais pas, prisonnière de son regard.

- **Et troisièmement...** Il se pencha légèrement, si près que je pouvais sentir son souffle contre ma peau. **Tu ne me résistes pas.**

Un frisson me parcourut, un mélange de peur et d'autre chose que je refusais d'identifier.

Je voulais protester. Crier. Mais je savais que ça ne changerait rien.

J'étais piégée.

Et Adrian venait de poser les règles de mon enfer doré.La nuit était tombée depuis plusieurs heures lorsque je me réveillai en sursaut. Un bruit sourd avait résonné dans le silence, un grondement lointain, suivi d'un éclat de voix. Je me redressai brusquement dans mon lit, le cœur battant à tout rompre.

Puis, un autre bruit. Plus proche.

Un frisson me parcourut lorsque je compris que ce n'était pas mon imagination.

Quelque chose se passait.

Je me levai précipitamment et m'approchai de la porte, tendant l'oreille. Des pas lourds résonnaient dans le couloir, accompagnés d'ordres brefs.

- **Ils ont franchi le mur sud !**

- **Sécurisez le périmètre, bordel !**

Mon estomac se noua.

Une attaque.

L'instinct me cria de me cacher, de me faire oublier, mais avant que je ne puisse réagir, la porte s'ouvrit brusquement, claquant contre le mur.

Adrian se tenait là, torse nu, un pistolet serré dans sa main. Son visage était fermé, une tension glaciale dans son regard.

- **Ne bouge pas.**

Sa voix était tranchante, sans appel. Il entra dans la pièce et referma la porte derrière lui d'un mouvement sec.

- **Qu'est-ce qui se passe ?** soufflai-je, la panique serrant ma gorge.

- **Quelqu'un essaie de s'en prendre à moi.**

Il croisa les bras, me détaillant comme si j'étais la clé du problème.

- **Ou plutôt à toi.**

Je reculai d'un pas, secouant la tête.

- **Moi ? Pourquoi est-ce que quelqu'un m'attaquerait ?**

Un rire amer lui échappa.

- **Ne joue pas à ce jeu avec moi, Elena.**

- **Quel jeu ?!** m'écriai-je, sentant la colère prendre le dessus sur ma peur.

Il s'approcha lentement, réduisant la distance entre nous jusqu'à ce que je doive lever les yeux pour le regarder.

- **Depuis que tu es ici, des hommes que je croyais morts refont surface. Des ennemis qui n'ont plus attaqué depuis des années décident soudainement de passer à l'action.**

Son regard était brûlant, accusateur.

- **Tu crois que c'est une coïncidence ?**

Je secouai violemment la tête.

- **Je ne sais rien de ton monde, Adrian ! Rien !**

- **Et pourtant, c'est bien à cause de toi qu'ils sont là.**

Sa voix était basse, menaçante, mais ce n'était pas ça qui me terrifiait le plus.

C'était le fait qu'il semblait en être convaincu.

Un bruit d'explosion retentit au loin, faisant trembler légèrement les murs. Je sursautai, et sans prévenir, Adrian m'attrapa par le poignet et me tira contre lui.

- **On s'en va. Maintenant.**

- **Quoi ?! Où ?!**

- **Tu veux rester ici et attendre qu'ils te trouvent ?**

Je n'eus pas le temps de protester. Il m'entraîna hors de la chambre, avançant rapidement dans le couloir faiblement éclairé. Les ombres des hommes de main se découpaient contre les murs, leurs armes prêtes, leurs regards inquiets.

- **On a repoussé la première vague, mais il y en a d'autres en approche.**

Un des hommes, celui avec la cicatrice à la mâchoire, s'adressa à Adrian en espagnol, trop vite pour que je comprenne tout.

Adrian jura entre ses dents et serra mon poignet un peu plus fort.

- **On descend au garage.**

Les minutes qui suivirent furent floues. Je me laissai entraîner, mon cœur tambourinant dans ma poitrine. L'air était chargé d'une tension électrique, comme si une seconde explosion pouvait survenir à tout moment.

Lorsque nous atteignîmes le garage souterrain, Adrian me poussa presque à l'intérieur d'un énorme SUV noir.

- **Monte.**

Je croisai les bras, rassemblant le peu de courage qu'il me restait.

- **Non.**

Son regard s'assombrit.

- **Elena. Ce n'est pas le moment.**

- **Ce n'est jamais le moment, pas vrai ?** Je plantai mes yeux dans les siens. **Depuis que je suis ici, tu me traites comme une prisonnière. Maintenant, tu veux m'emmener je-ne-sais-où sans aucune explication. J'ai le droit de savoir.**

Il passa une main sur son visage, agacé, mais son regard se radoucit légèrement.

- **On ne peut pas rester ici. Pas après cette attaque.**

Il se rapprocha, et cette fois, sa voix était plus basse, presque trop calme.

- **Tu es devenue une cible, Elena. Peu importe que tu le veuilles ou non.**

- **Pourquoi ?** murmurai-je.

Un silence.

Puis il lâcha finalement :

- **Parce que tu es mon point faible.**

Le choc me fit l'effet d'un coup.

Il détourna les yeux, comme s'il détestait avouer une telle chose.

- **Ils ne peuvent pas m'atteindre directement. Alors ils te traquent, toi.**

Je sentis un vertige me prendre.

- **Je... je ne veux pas être ton point faible.**

Il me fixa, et je crus voir une ombre d'émotion traverser son regard.

- **Tu n'as pas le choix.**

L'espace d'un instant, il y eut un silence. Puis des coups de feu éclatèrent au loin, nous ramenant brutalement à la réalité.

Adrian ouvrit la portière du SUV d'un geste brusque.

- **Monte.**

            
            

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